Les entreprises étrangères aux abonnés absents

  • 18/07/2008
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Les frontières ne sont pas aussi ouvertes que l’on pourrait le croire. En témoigne le faible nombre d’offres déposées par des entreprises étrangères aux marchés publics français. Langue différente, attestations et certificats distincts, régime juridique divergent…autant de barrières que ces entreprises doivent surmonter si elles veulent conquérir nos marchés publics. Pour les aider, les collectivités publiques insèrent dans leurs documents de la consultation des dispositions spécifiques.

Les entreprises étrangères ne se bousculent pas au portillon des marchés publics français. Plusieurs entités publiques interrogées, telles le centre hospitalier d’Haguenau (Bas-Rhin), le centre hospitalier de Mulhouse (Haut-Rhin), la mairie de Saint-Jean de Luz (Pyrénées-Atlantiques) ou encore la mairie de Céret (Pyrénées-Orientales), ont reconnu, en dépit de leur proximité géographique, n’avoir jamais reçu d’offres de la part d’entreprises situées de l’autre côté de la frontière. Pour autant le niveau de réponses de sociétés étrangères n’est pas égal à zéro. La mairie de Pontarlier (Doubs), la communauté urbaine de Dunkerque (Nord) et la mairie de Thonon-les-Bains (Haute-Savoie) ont pour leur part déjà été confrontées à cette situation. « On a assez des doigts des deux mains pour compter le nombre de candidatures étrangères déposées sur une année. Généralement il s’agit d’entreprises belges, mais nous avons aussi un titulaire suisse pour un marché relatif à une centrale de compostage », remarque Jean-Christophe Caroulle, directeur adjoint en charge de la commande publique à la Communauté urbaine de Dunkerque. « Nous n’en avons pas beaucoup. Cette année, nous n’avons eu qu’une seule réponse d’une entreprise suisse pour un marché de parasols pour la piscine. Mais nous ne lui avons pas attribué le marché. L’offre était trop chère et trop sophistiquée », explique Anne Aigoui, responsable du service des marchés publics à la mairie de Thonon-les-Bains. « En moyenne, nous attribuons un marché par an à une société étrangère, généralement des sociétés belges », confie la directrice des marchés publics d’un département du Nord de la France.

Des dispositions spécifiques dans les cahiers des charges

Pour aider les entreprises étrangères, les personnes publiques font l’effort de rédiger des clauses particulières. « A minima quelques mentions doivent être insérées dans les documents de la consultation pour parer à d’éventuels difficultés. Ces clauses précisent par exemple que tous les documents, les échanges et les factures seront rédigés en langue française. Parmi les dispositions applicables à ces candidats, certaines sont relatives aux dispositions financières. Nous précisons que la monnaie est l’euro et que le prix restera inchangé en cas de variation de change. De plus, nous distinguons selon que l’entreprise appartient ou non à l’Union européenne. Si tel est le cas, la facture devra comporter le numéro de TVA intracommunautaire du pays du fournisseur, celui de la CUD et la facture sera établie hors taxe. Dans le cas contraire, la société devra avoir un correspondant fiscal en France qui émettra la facture et recevra le paiement », déclare Jean-Christophe Caroulle. Concrètement pour une société de l’Union européenne, la collectivité publique paiera à l’entreprise une facture hors taxe, la TVA sera « acquitté » après du payeur départemental pour qu’elle soit répercutée sur la TVA intracommunautaire. «  Nous avons également ajouté dans nos cahiers des charges des dispositions applicables en cas de recours à un sous-traitant étranger. La demande de sous-traitance devra comprendre une déclaration du sous-traitant conformément au modèle fourni dans le DCE. Enfin nous demandons également au titulaire « non français » de remettre une attestation sur l’honneur indiquant son intention de faire ou non appel à des salariés étrangers et en cas de réponse positive de certifier qu’ils sont autorisés à exercer une activité professionnelle en France », ajoute-t-il. Enfin, pour parer à toute difficulté, les entreprises qui répondent sont informées qu’en cas de litige seule la loi française sera applicable et par conséquent les tribunaux français compétents.

Les freins aux réponses étrangères

La langue est un premier obstacle que doit franchir un candidat étranger (1). En effet, le CMP impose que les candidatures et les offres soient rédigées en français ou être accompagnés d’une traduction en français certifiée conforme à l’original par un traducteur assermenté. La seconde difficulté repose sur le fait que les sociétés ne sont pas familières avec la législation en vigueur dans un autre pays. La directrice d’un département du Nord déclare que les entreprises étrangères ne connaissent pas le droit applicable. « Bien que la directive européenne unifie le CMP, le droit des marchés publics est un droit adapté en fonction des règles nationales. Par exemple, en Belgique la sous-traitance totale est autorisée, ce qui n’est pas le cas en France. De même, les normes de construction ne sont pas identiques entre la Belgique et la France. Chez nous, les normes sont beaucoup plus contraignantes ». Anne Aigoui explique qu’il existe une difficulté particulière dans le domaine de la construction et de la maîtrise d’œuvre. « La garantie décennale est une spécificité française. En Suisse, elle n’existe pas. Une entreprise ne peut pas en souscrire une si elle n’a pas de siège social en France. Le problème c’est que si une entreprise suisse ne peut justifier d’une assurance couvrant sa responsabilité décennale, soit je la rejette pour offre non conforme, soit je prends un risque et je l’accepte mais je ne suis alors pas couverte en cas de malfaçon. De plus, la garantie décennale ne peut pas être retenue comme critère de sélection des candidatures ou des offres (2) ». Toutefois, « il ne faut pas diaboliser l’intervention des entreprises étrangères, généralement ça se passe bien. On peut avoir les mêmes problèmes avec une entreprise française qu’une entreprise étrangères », confie Jean-Christophe Caroulle.

(1) lire dans le dossier Sprechen Sie französisch ?
(2) question n° 09280, JO Sénat du 02/12/2004, page 2751