Adresses « commande publique » aux "12"

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« Quand on vous demande si vous êtes capable de faire un travail répondez : "bien sûr, je peux !"
Puis débrouillez-vous pour y arriver 
»
Theodore Roosevelt


Séquelle d’un tropisme commande publique exacerbé, l’acheteur public peut être tenté d'analyser les programmes et annonces des candidats à l’élection présidentielle à l’aune de son métier.

Et pourquoi pas ? C’est même légitime : ces deux dernières années, on n’a cessé de le solliciter, là pour répondre aux besoins urgent de matériel médical ; ici pour relancer l’économie (consultez nos dossiers dédiés "Commande publique et Covid-19" et "Commande publique et relance de l'économie"). Sans compter les demandes insistantes pour aider les entreprises. Mais aussi pour sauver la planète par des achats durables ou encore participer à la défense des principes républicains (consultez notre dossier "Loi confortant le respect des principes de la République") et assurer la sécurité des approvisionnements (lire "Tensions des approvisionnements et dépendance : les leçons de la crise sanitaire" et relire "Retour à l’achat primaire").
L’acheteur public, décidément sur tous les fronts. Avec parfois une pointe d’agacement, lorsque les moyens disponibles ne correspondant pas aux objectifs assignés (relire "A quand un acheteur public aux commandes ? (lettre à l'Elysée)").
 

Local, national... parfois européen

Les douze prétendants à la mandature suprême sont désormais connus. Mais en matière de commande publique, leurs propositions restent, à ce stade, peu étoffées. La lecture des quelques programmes électoraux épluchés révèlent comme une obsession quasi commune : la souveraineté. Qu’il s’agisse d’instaurer un « patriotisme économique en se libérant des contraintes européennes », d'« obliger la commande publique à privilégier les produits français » ou d’« imposer la réciprocité », le message de la majorité des candidats, c’est : « Nous contraindrons la commande publique à privilégier les entreprises françaises ». La commande publique vue par la quasi-totalité des candidats à l’Elysée tourne donc autour de la relocalisation, en grande partie nationale, parfois seulement, européenne de l’achat public (relire "Achat public : à quand des candidatures… connectées ? ").
 

Ennui et répétitions

Et dans les médias, la commande publique n’est abordée que sous le prisme du localisme et de la souveraineté. Pour être franc, la rédaction d’achatpublic.info va finir par renoncer à rassembler, dans un article dédié, toutes les déclarations "commande publique". Pour l’instant, c’est inutile : toutes quasiment défendent la même ligne, sans grande nuance : « Instaurer une clause de préférence locale, c’est fondamental car, aujourd’hui, le droit de la commande publique est tout à fait ouvert. Ce n’est pas le cas dans d’autres pays européens. » « Nous contraindrons la commande publique à privilégier les entreprises françaises» ; « La règle du circuit le plus court ! Il faut que l’Etat comme les collectivités stimulent l’ensemble du territoire. Instaurer un vrai patriotisme économique en se libérant des contraintes européennes et en réservant la commande publique aux entreprises françaises si l’écart de prix est raisonnable. ». On arrête là…
C'est ennuyeux, d’autant que sur le terrain, les acheteurs publics connaissent les outils juridiques dont ils disposent (lire "Achats stratégiques : « Plus un Yuan pour Wuhan ! » (2/2)" et relire "Achats stratégiques : « Plus un Yuan pour Wuhan ! » (1/2)"). Et que les règles de "préérence communautaire" sont établies (relire "La préférence européenne : ce que permet le code de la commande publique").
 

Invitations à s'exprimer "sur le fond"

Montrons-nous cependant résolument optimistes : les "12" sont désormais sollicités par les associations d’élus pour présenter leur programme. Notamment, ils sont invités à s’exprimer le mardi 15 mars devant les élus des communes, départements et régions de France au Beffroi de Montrouge. Mais la commande publique sortira-telle par le haut de ces échanges? Elle sera, sans surprise, principalement abordée en préliminaire et évacuée de façon quasi automatique : « elle est essentielle ». Mais encore ?

Pour aller plus loin, il faut peut-être prendre la question de l’achat public par l’autre bout, en observant les adresses de ces mêmes associations et autres ordres professionnels. Et il y en a.
Qu’il s’agisse du renforcement de la politique d’inclusion demandée par la Fédération des entreprises d’insertion (relire"10 milliards d’euros de commande publique consacrée à l’inclusion !") ou d’une commande publique plus tournée "RSE" par Impact France (relire "Impact France envoie ses propositions commande publique aux candidats à la présidentielle") mais encore des défenseurs du bien-être animal (relire "Bien-être animal et commande publique : les candidats à la présidentielle interpellés") ou des producteurs agricoles (relire "Présidentielle 2022 : les propositions "commande publique" de la Coopération agricole").
 

Agacement

Au chapître des interpellations confinant aux injonctions, on relèvera les demandes tendant à la lutte contre la corruption (Consultez notre dossier "Probité et commande publique"). L’association Anticor, notamment, se montre particulièrement agacée. Elle s’alarme du peu de candidats qui proposent des mesures concrètes de lutte contre la corruption : « Malgré de récents rapports de l’OCDE et du Conseil de l’Europe qui s’inquiètent du niveau de la corruption en France, pourquoi ce sujet est-il si peu présent dans les débats électoraux ? » (relire "Présidentielle 2022 : Anticor entre dans le jeu"). Anticor, soutenue dans ses critiques part Transparency International (relire "Lutte contre la corruption : "la France à l’arrêt"").

Pour tempérer cette vision pessimiste, on notera, d'une part ,les efforts de l’Agence française anticorruption et du Parquet nationale financier qui lancent une consultation publique sur un projet de guide pratique sur l’enquête interne anticorruption (lire "Enquête interne anticorruption : l’AFA et le PNF vous consultent"). D'autre part, François Lichere (lire "Prévention de la corruption et contrats publics : les enseignements des enquêtes de terrain") expliqueque si les réponses juridiques visant à lutter contre le phénomène de corruption n’ont cessé de se développer ; que, « Paradoxalement, l’édifice ne semble pas pleinement satisfaisant pour l’endiguer ». La solution, selon lui se trouve "sur le terrain".
 

Un nœud gordien d'abord européen ?

France Urbaine adopte une position critique assez originale : l’association reproche à l’Europe de ne pas mettre à jour le droit communautaire des enjeux de la nouvelle commande publique (lire "Commande publique : France Urbaine demande clarification … et action !"). Même si d’autres assurent par ailleurs que la révision des directives est loin d’être à l’ordre du jour (lire "[Interview] Vers une directive Marchés publics 2024… ? Peu probable !")

Décidemment, elle fait feu de tout bois, France Urbaine : après avoir inciter à la "francisation" de la commande publique européenne (relire "PFUE : France Urbaine présente 8 propositions pour "franciser" la commande publique européenne (lire "PFUE : France Urbaine présente 8 propositions pour "franciser" la commande publique européenne"). Elle retourne la problématique et reproche à notre gouvernement de ne « pas appliquer le droit européen avec plus d’agilité, en s’inspirant des pratiques d’autres pays de l’Union européenne, qui parviennent mieux à faire de leurs achats un outil de développement économique ».

Plus encore, elle pointe des contradictions entre politique de concurrence (telle qu’elle résulte des principes fondateurs de marché unique européen), et politique industrielle (telle que la réaffirmation d’un objectif de souveraineté dans certaines filières et de la résilience des territoires). Et demande clarification sur ce qu’elle considère comme le nœud gordien de l’achat public.


Allez, les "12"... il est temps d'entamer vos travaux....