
Le Sénat face aux réalités complexes de la commande publique

« Une commission d'enquête, pour être efficace, ne doit compter que trois membres, dont deux sont absents »
Georges Clemenceau
Georges Clemenceau
"Encore un édito sur les auditions de la commission d’enquête sénatoriale sur la commande publique ?", me direz-vous. Oui. Et c’est assumé !
Une commission d‘enquête, ce n’est pas rien !
D’abord, et on l’oublie parfois, une commission d’enquête, ce n’est pas rien ! Ce n’est pas une "mission flash" ou une commission visant à l’établissement d’un rapport d’information. C’est bien une "commission d’enquête", assez exceptionnelle.
Prévue par l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 et inscrite depuis la réforme de 2008 dans notre Constitution (art. 51-2), il s’agit de recueillir des informations et contrôler l’action du Gouvernement, grâce à des pouvoirs d’investigation spécifiques. Une commission d’enquête est créée « en réponse à des faits ou des situations particulièrement sensibles dans l'opinion publique et justifiant une évaluation approfondie du Parlement » peut-on lire sur le site du Sénat. Avec des pouvoirs d’enquête lourds : droit de citation, pouvoirs de contrôle « sur pièces et sur place », sanctions pénales prévues pour les réfractaires ou les parjures, et dans certains cas … les personnes auditionnées peuvent être déliées du secret professionnel !
Diantre ! Mais que vaut à notre commande publique d’être ainsi soumise à enquête ? Quelle est la situation « particulièrement sensible » qui justifie ainsi la mobilisation des sénateurs et les auditions requises, chaque semaine depuis le début du mois de mars et jusqu’au mois de juin ? (retrouver, ci-après, l’intégralité des comptes rendus, semaine après semaine, des auditions … toutes suivies pour vous par la rédaction d’achatpublic.info).
Prévue par l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 et inscrite depuis la réforme de 2008 dans notre Constitution (art. 51-2), il s’agit de recueillir des informations et contrôler l’action du Gouvernement, grâce à des pouvoirs d’investigation spécifiques. Une commission d’enquête est créée « en réponse à des faits ou des situations particulièrement sensibles dans l'opinion publique et justifiant une évaluation approfondie du Parlement » peut-on lire sur le site du Sénat. Avec des pouvoirs d’enquête lourds : droit de citation, pouvoirs de contrôle « sur pièces et sur place », sanctions pénales prévues pour les réfractaires ou les parjures, et dans certains cas … les personnes auditionnées peuvent être déliées du secret professionnel !
Diantre ! Mais que vaut à notre commande publique d’être ainsi soumise à enquête ? Quelle est la situation « particulièrement sensible » qui justifie ainsi la mobilisation des sénateurs et les auditions requises, chaque semaine depuis le début du mois de mars et jusqu’au mois de juin ? (retrouver, ci-après, l’intégralité des comptes rendus, semaine après semaine, des auditions … toutes suivies pour vous par la rédaction d’achatpublic.info).
Des questions à étages
A suivre l’intitulé de notre commission d’enquête, il s’agit d’examiner les « coûts et les modalités effectifs de la commande publique et la mesure de leur effet d'entraînement sur l'économie française ». Les premières auditions et les questions des sénateurs font émerger plusieurs de leurs préoccupations majeures : quelle est l’effectivité de la commande publique et pourquoi est-elle considérée comme compliquée. Autrement dit : « l’achat public est-il efficace et comment le simplifier, au profit des entreprises ? ».
Puis vient le deuxième étage. Les membres de la Commission découvrent que l’on ne mesure pas, ou mal, la commande publique. La remontée des données est prévue… mais insuffisante. La Commission veut des chiffres ! De la donnée ! « Regarder le verre à moitié plein » ou « nous n’avons pas de données, mais j’ai la conviction que… ». Cela ne lui suffit pas : « N’avez-vous pas d’outils ? » « Mais vous n’êtes donc pas en mesure de mesurer le ROI ? »
Ils découvrent aussi que s’agissant de la question de la souveraineté, aussi bien des données que des approvisionnements, il y a, là encore, beaucoup d’intentions mais peu de réponses claires… ou de connaissance des réalités…ou de définition partagée ! Les Sénateurs découvrent, aussi, que beaucoup proposent des solutions, alors que personne n’est vraiment d’accord sur l’explication de la complexité, avérée ou ressentie, de la commande publique.
Au final, c'est sur la question de la production des titres sécurisés que la Commission d'enquête finit par véritablement montrer les dents. Elle déclare faire usage de ses pouvoirs pour se faire communiquer tous les documents liés aux marchés publics passés par IN Groupe (ex Imprimerie nationale - lire "La commande publique sous enquête sénatoriale (5) : « On ne plaisante pas avec la souveraineté ! »).
Puis vient le deuxième étage. Les membres de la Commission découvrent que l’on ne mesure pas, ou mal, la commande publique. La remontée des données est prévue… mais insuffisante. La Commission veut des chiffres ! De la donnée ! « Regarder le verre à moitié plein » ou « nous n’avons pas de données, mais j’ai la conviction que… ». Cela ne lui suffit pas : « N’avez-vous pas d’outils ? » « Mais vous n’êtes donc pas en mesure de mesurer le ROI ? »
Ils découvrent aussi que s’agissant de la question de la souveraineté, aussi bien des données que des approvisionnements, il y a, là encore, beaucoup d’intentions mais peu de réponses claires… ou de connaissance des réalités…ou de définition partagée ! Les Sénateurs découvrent, aussi, que beaucoup proposent des solutions, alors que personne n’est vraiment d’accord sur l’explication de la complexité, avérée ou ressentie, de la commande publique.
Au final, c'est sur la question de la production des titres sécurisés que la Commission d'enquête finit par véritablement montrer les dents. Elle déclare faire usage de ses pouvoirs pour se faire communiquer tous les documents liés aux marchés publics passés par IN Groupe (ex Imprimerie nationale - lire "La commande publique sous enquête sénatoriale (5) : « On ne plaisante pas avec la souveraineté ! »).
Des réponses « déroutantes »
Par ailleurs, puisqu’elle questionne la performance de la commande publique, la Commission a voulu entendre des économistes (lire "Commande publique "verte" : les économistes pas tendres envers les critères environnementaux !"). Leur analyse à contre-courant des affirmations les plus récurrentes l’a sans doute perturbée.
D’abord, faut-il renforcer l’achat local ? « Mais il y a de grandes probabilités qu’il soit, dans les faits déjà local ! », leur explique l’économiste Pierre-Henri Morand (relire aussi "Achat local et commande publique : entre préjugés et idées reçues" et "Achat local : la vérité par la cartographie des données achat"). Le tout, à nouveau, c’est aussi de savoir ce que l’on entend par "local "….
D’abord, faut-il renforcer l’achat local ? « Mais il y a de grandes probabilités qu’il soit, dans les faits déjà local ! », leur explique l’économiste Pierre-Henri Morand (relire aussi "Achat local et commande publique : entre préjugés et idées reçues" et "Achat local : la vérité par la cartographie des données achat"). Le tout, à nouveau, c’est aussi de savoir ce que l’on entend par "local "….
Autre coup asséné par les économistes : les contraintes environnementales et sociales qui ne cessent de se multiplier ne permettent pas de tendre vers plus de performance dans l’achat public. Au contraire, la politique d’achat public durable fragmente artificiellement le marché fournisseurs, et les nouveaux objectifs environnementaux, sociaux et sociétaux qui s’ajoutent sans cesse, « conduisent nécessairement à des coûts supplémentaires ». En outre, ces critères environnementaux sont généralement faiblement pondérés et peu discriminants.
Bref, selon les économistes, le "nouvel achat public", levier des politiques sociales, environnementales et sociétales, a tout faux ! En tout cas d’un point de vue purement économique.
Des dérogations sectorielles ... et du mouvement
La Commission a sans doute entendu la demande des acheteurs publics d'une stabilité de la règle. Mais on constate qu’avant même l’adoption de nouvelles directives (qui devraient prendre en compte des éléments de souveraineté et répondre à une demande de préférence locale largement exprimée), de nouvelles procédures, de nature réglementaire et donc d’applicabilité directe, ne devraient pas tarder à entrer en vigueur (lire "Des marchés publics écologiques : encore de nouvelles obligations européennes !").
Cette semaine, on découvre aussi que la Cour des comptes suggère une nouvelle dérogation à la commande publique en matière de recherche. Dans son rapport d’observation sur le CNRS, elle considère qu’ il est dommage que, par un souci de prudence légitime, le premier opérateur de recherche de France soit privé de dispositions qui lui permettraient d’alléger le fardeau de procédures qui sont ressenties comme pesantes par bon nombre de laboratoires. Et plus loin : « dans un contexte caractérisé par l’augmentation du coût des équipements de recherche et par la concurrence internationale, il devrait être possible d’envisager de limiter les règles de publicité (lire "La Cour des comptes prône un allègement du Code de la commande publique pour la recherche").
Cette semaine, on découvre aussi que la Cour des comptes suggère une nouvelle dérogation à la commande publique en matière de recherche. Dans son rapport d’observation sur le CNRS, elle considère qu’ il est dommage que, par un souci de prudence légitime, le premier opérateur de recherche de France soit privé de dispositions qui lui permettraient d’alléger le fardeau de procédures qui sont ressenties comme pesantes par bon nombre de laboratoires. Et plus loin : « dans un contexte caractérisé par l’augmentation du coût des équipements de recherche et par la concurrence internationale, il devrait être possible d’envisager de limiter les règles de publicité (lire "La Cour des comptes prône un allègement du Code de la commande publique pour la recherche").
Les bonnes recettes locales
Finalement, le discours le plus simple (mais pas le plus simpliste !) qu’a entendu la commission d’enquête, c’est celui des acheteurs publics. Sous réserve d’une certaine stabilité, on l’a vu, ils considèrent qu’ils peuvent contredire les idées reçues sur la commande publique, en fluidifiant autant que possible le process Achat.
Cette semaine, nous nous sommes penchés sur les délais de paiement et les "bonnes pratiques" en la matière. Et il y en a ! Car s’il s’agit de soutenir les PME, peut-être plus que l’augmentation des seuils (relire "Des seuils et encore des seuils : la commande publique au seuil de l’implosion"), c’est la rapidité de paiement qui serait à améliorer. On a vu que pour certains secteurs (notamment le secteur hospitalier,) les délais de paiement raisonnables sont de l’ordre du principe… et non une réalité, ou même une option, pour des établissements publics financièrement aux abois (relire "Délais de paiement des hôpitaux : «Allo, la comptabilité fournisseur ?»") achatpublic.info a mené une enquête de terrain (lire "Acheteurs publics, êtes-vous de bons payeurs ? (2/2)" - relire aussi "Bordeaux : la mairie améliore sa performance en matière de délai global de paiement").
Oui, sur le terrain, le "contract manager" mène des politiques de paiement engagées : créer des partenariats de gestion ; « zapper l’étape service fait » ; prévoir des avances de paiement au-delà de ce qu’imposent les textes ; se rapprocher et "impliquer" le comptable public…
Dans les pouvoirs d’une commission d’enquête, il y a la possibilité d’organiser des déplacements. Aller à Bruxelles, c’est bien… dans les services achats au plus proche de terrain, c’est pas mal non plus !
Cette semaine, nous nous sommes penchés sur les délais de paiement et les "bonnes pratiques" en la matière. Et il y en a ! Car s’il s’agit de soutenir les PME, peut-être plus que l’augmentation des seuils (relire "Des seuils et encore des seuils : la commande publique au seuil de l’implosion"), c’est la rapidité de paiement qui serait à améliorer. On a vu que pour certains secteurs (notamment le secteur hospitalier,) les délais de paiement raisonnables sont de l’ordre du principe… et non une réalité, ou même une option, pour des établissements publics financièrement aux abois (relire "Délais de paiement des hôpitaux : «Allo, la comptabilité fournisseur ?»") achatpublic.info a mené une enquête de terrain (lire "Acheteurs publics, êtes-vous de bons payeurs ? (2/2)" - relire aussi "Bordeaux : la mairie améliore sa performance en matière de délai global de paiement").
Oui, sur le terrain, le "contract manager" mène des politiques de paiement engagées : créer des partenariats de gestion ; « zapper l’étape service fait » ; prévoir des avances de paiement au-delà de ce qu’imposent les textes ; se rapprocher et "impliquer" le comptable public…
Dans les pouvoirs d’une commission d’enquête, il y a la possibilité d’organiser des déplacements. Aller à Bruxelles, c’est bien… dans les services achats au plus proche de terrain, c’est pas mal non plus !
Nos synthèses hebdomadaires des auditions de la Commission d‘enquête sur achatpublic.info :
- (5) « On ne plaisante pas avec la souveraineté ! »
- (4) « Mais où sont les chiffres ? »
- (3) De l’acheteur "local" à "l’acheteur régalien"
- (2) Seuils, souveraineté et analyse économique au cœur des échanges
- (1) Ce qu’il faut retenir des premières auditions


Envoyer à un collègue
Offres d’emploi
Juriste expertise et accompagnement commande publique (f/h)
- 11/04/2025
- Montpellier Metropole
Juriste expert commande publique (f/h)
- 08/04/2025
- SYCTOM
- 08/04/2025
- Amiens Métropole
Nouveaux documents
TA Bastia 28 février 2025 Préfet de la Haute-Corse
-
Article réservé aux abonnés
- 11/04/25
- 07h04
TA Orléans 18 février 2025 Société Amexbois
-
Article réservé aux abonnés
- 10/04/25
- 07h04
TA Pau 24 février 2025 CIAS du Marsan
-
Article réservé aux abonnés
- 09/04/25
- 07h04
Les plus lus
Demande de précision en marché public : une modification sans incidence financière, mais qui ne passe pas
-
Article réservé aux abonnés
- 03/04/25 07h04
- Mathieu Laugier
Des marchés publics écologiques : encore de nouvelles obligations européennes !
-
Article réservé aux abonnés
- 08/04/25 06h04
- Mathieu Laugier
Commande publique "verte" : les économistes pas tendres envers les critères environnementaux !
-
Article réservé aux abonnés
- 10/04/25 06h04
- Mathieu Laugier
Marchés du "Cabinet ": comment faire bon ménage ?
-
Article réservé aux abonnés
- 07/04/25 06h04
- Jean-François Aubry