Achat public : fallait-il une succession de crises pour en arriver là ?

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"La mauvaise humeur fait un procès sur rien"
Molière



"Résilience" ou "faculté d’adaptation"… peu importe ! Le constat n’est pas agréable : la réglementation de la commande publique ne fait que "réagir" ; elle n’anticipe pas.

Ceux qui voudront contredire cette assertion rétorqueront "PNAD" (consulter notre dossier "PNAD : un plan « ambitieux » ou une simple « feuille de route » ?") : le plan national pour des achats durables est un engagement fort à actionner, sur le long terme, le levier commande publique pour des achats responsables.
Dans un pur esprit polémique, on répondra (avec une petite dose de mauvaise foi de bon aloi) que ce corpus de "droit mou" fixe des objectifs à long terme... pour combattre des effets observés depuis déjà de nombreuses années. Et pour ajouter une couche, à propos de la loi "Climat et résilience"… on attend toujours la "boîte à outils" !
 

Ronchon !

Mais qu’est-ce qui vous vaut ces quelques lignes ronchons, à l’approche des congés ?
Quittons le climat ; revenons sur LA préoccupation des acheteurs publics : le prix et les difficultés d’approvisionnement.
N’a-t-on donc rien appris, pendant deux ans, de la crise covid ?

Cette semaine, l’interview de Franck Guyot (lire "Hôpitaux : après le Covid, acheter Français ? « Il est dommage qu’il ait fallu une crise sanitaire pour en arriver là »") clôt notre enquête en plusieurs épisodes sur l’achat public hospitalier « post-covid » (relire "Hôpitaux : après le Covid, acheter Français ? (2/2)" et "Hôpitaux : après le Covid, acheter français ? (1/2)"). Le coordinateur de la thématique achat au sein de l’Agence Régionale de Santé de la région Paca se révèle lui aussi quelque peu désabusé : « Il est dommage qu’il ait fallu une crise sanitaire pour en arriver là ». C’est bien la crise et la guerre en Ukraine qui obligent à repenser les manières d’acheter de manière responsable. Sans oublier la nouvelle "urgence" : la relocalisation de la production pour les produits stratégiques. « Les relocalisations doivent s’accompagner par une forme de protectionnisme comme peuvent le faire les États-Unis ou l’Asie en imposant certains segments d’achats comme "stratégiques" » considère Franck Guyot.
Sans doute est-il satisfait de ce que l’Europe se soit enfin dotée d’un outil de contrôle et sanction de la réciprocité avec les Etats tiers (relire "Réciprocité : le règlement IMPI publié au JOUE ").
 

Faire tomber la pression

Quand il y a des tensions, la première chose à faire, c’est de faire tomber la pression pour pouvoir engager le dialogue. C’est là que le Médiateur des entreprises intervient. « La médiation n’est qu’un cadre de discussion », assure Nicolas Mohr, directeur général du Médiateur des entreprises, mais « l'intervention d’un médiateur devient pertinente dès lors que des blocages apparaissent ! » (lire "La médiation : un mode de résolution des litiges bien intéressant en temps de crise..."). D’un millier de saisines du médiateur des entreprises par an, le chiffre a atteint son paroxysme durant la crise Covid-19, avec plus de trois milles requêtes enregistrées…On redécouvre les vertus du dialogue !

Ce que l’on semble redécouvrir aussi, que l’on soit acheteur public ou privé, c'est que lorsqu'on s’engage dans une relation contractuelle… c’est avec un "partenaire" Un partenaire que l’on a finalement tout intérêt à bien traiter si l’on veut qu’en temps de crise, les avantages mutuels et réciproques escomptés finissent par s’engranger. Lundi 11 juillet, les grandes entreprises du BTP, sous l’égide du Médiateur des entreprises, se sont engagées à se montrer responsables, voir pleines d’empathie, avec leurs fournisseurs et prestataires (lire "Marchés de travaux : les 7 bonnes résolutions des acteurs du BTP"). Là, on parle "équité", "transparence dans les informations", et de beaucoup d'autres bonnes pratiques que l’on glorifie (par opposition au "Name & Shame").
 

Tout ira bien

Tout ira bien si, en plus de ces comportements vertueux, la commande publique reprend. A en croire la Cour des comptes, et malgré les alertes de associations d’élus, rien ne s’oppose à un reprise des investissements (lire "Finances locales : pour la Cour des comptes, 2021, ça passe!"). Elle relève, dans son rapport 2021 sur les finances publiques locales, « Une situation très favorable des finances des collectivités locales » ; « Un bloc communal qui retrouve une situation financière très favorable » ; « une situation s'améliorant nettement » pour les départements et, s'agissant des régions, « une capacité à maintenir un fort niveau d'investissement ».


Et donc, avec des comportements vertueux et des moyens retrouvés, on devrait s’en sortir.
Visiblement, certains, contre vents et marrées, restent positifs.
Une leçon !