Nicolas Melouki, l’achat public comme terre promise

  • 20/11/2008
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Acheteur expérimenté qui a fait ses armes dans l’alimentaire et le bricolage, Nicolas Melouki veut se frotter à l’achat public. Après avoir suivi un cycle de reconversion chez Territoires RH, il cherche actuellement un emploi dans une collectivité. Ses premiers entretiens de recrutement lui donnent l’impression que l’acheteur privé est encore perçu comme un « extra-terrestre ».

L’achat dans le secteur privé ? Nicolas Melouki en avait fait le tour ou presque… Avec un diplôme de technicien supérieur de l’achat obtenu à l’université de Londres, il a roulé sa bosse dans une filiale agro-alimentaire d’un grand distributeur, puis dans une entreprise familiale de fruits secs, a connu le secteur du meuble et du bricolage, avant de faire du négoce international de poissons frais et de crustacés. Au total une douzaine d’années d’expérience dans la transaction, la gestion des stocks et l’approvisionnement. Son dernier poste est éreintant et il souhaite rééquilibrer vie professionnelle et vie privée. « Je me suis posé et je me suis demandé ce que je voulais faire. C’est à ce moment que j’ai entendu une déclaration de Jean-François Copé qui disait que le secteur public avait besoin d’acheteurs professionnels. Et j’ai commencé à m’intéresser aux collectivités locales », se souvient Nicolas Melouki, qui décide d’écrire à la mairie de Bordeaux. On lui conseille alors de se plonger dans le Code des marchés et de passer le concours. Grâce à cette candidature spontanée, il est toutefois repéré par un chasseur de têtes, Tony Lourenço, dont la société Territoires RH, a développé un nouveau concept : reconvertir des cadres expérimentés du privé pour faciliter leur intégration au secteur public (1).

Le recours aux pros du privé

La conjoncture est favorable. Depuis la réforme de 2004, bien acheter, ce n’est plus seulement respecter les règles, mais c’est aussi adapter le besoin à l’offre, acquérir un bien ou un service au meilleur rapport qualité/prix, et prendre en compte le coût global. La raréfaction des crédits pousse aussi le secteur public à rationaliser ses politiques d’achat. Du coup, plusieurs organismes publics, comme Lyon et Paris, n’hésitent pas à puiser dans le vivier du privé pour dénicher l’oiseau rare. Les grandes entités ne sont pas les seules : Hélène Dupuy, directrice de la commande publique de Mandelieu-la-Napoule, a commencé sa carrière dans une compagnie maritime. Diplômée d’une école de commerce, Claire Pelletier, responsable de la commande publique de Fréjus-Saint-Raphaël, est passée par le secteur de la cosmétique avant d’entrer en 2003 dans l’administration. Au conseil général de la Gironde, Christophe Le Bivic est un ancien de France Télécom. Avec six autres professionnels, Nicolas Melouki démarre, en janvier 2008, le cycle mobilité de Territoires RH. Dix mois pour s’imprégner et comprendre les méthodes et la culture de la sphère publique. Un choc culturel ? « Non, plutôt une découverte d’une nouvelle facette du métier, d’une autre manière de travailler, il n’y a pas tant de différences que cela. Par exemple, dans l’agro-alimentaire, le respect des normes est aussi très strict. Certaines procédures existent dans le privé, même si les obligations de transparence et d’égalité de traitement sont plus grandes dans le public», estime-t-il.

Les prénotions des recruteurs

En tout cas, la formation a changé bien des choses puisque Nicolas Melouki décroché plusieurs entretiens depuis octobre. « Ce que je ressens, c’est que les collectivités ont besoin d’un regard neuf sur leurs achats, qu’ils veulent des praticiens capables de négocier, de connaître les fournisseurs et de faire des économies. » Le regard des recruteurs change, même s’il est toujours un peu perçu comme un « extra-terrestre ». « Une des questions récurrentes que l’on me pose est : pourquoi voulez-vous travailler dans le secteur public ? Les employeurs s’interrogent sur ma motivation. A chaque fois, j’explique ma démarche, mon envie de faire autre chose, d’apporter mes compétences », ajoute Nicolas Melouki. On se demande aussi si l’impétrant a digéré les procédures réglementaires. « Mes interlocuteurs ne me posent pas de questions sur la partie achat à proprement parler, mais s’inquiètent de mes connaissances juridiques. Les collectivités veulent savoir si je maîtrise cette partie, si je sais acheter dans les règles, c’est normal. » L’autre point délicat demeure le salaire. Là aussi, les recruteurs se font des idées. « Lors des entretiens, on est d’emblée mis en condition. Le DRH commence par dire que dans la fonction publique, on paie moins bien que dans le privé et que côté salaire, on risque d’être déçu. Il s’imagine que tous les acheteurs du privé ont un salaire faramineux. Pour ma part, je n’ai travaillé que dans des PME… ». Si l’argent est important, mais il ne fait pas forcément le bonheur. « Mon critère numéro un, c’est, lorsque je me lève le matin, d'avoir du plaisir à aller travailler », assure Nicolas Melouki.

(1) Un tremplin de l’achat privé vers l’achat public