« Acheteur » ? Un terme tombé en désuétude !

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« Face au monde qui change, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement »
Francis Blanche


Mardi 18 juin, achatpublic.info rend visite au Conseil national des achats qui organise ses Universités annuelles, au Théâtre de Paris.
Le CNA, rassemble les acheteurs, environ 60 % "du privé" ; et 40 % du secteur public : « mais les acheteurs publics nous rejoignent de plus en plus, Etat, établissements publics ou collectivités territoriales, de toutes strates ! », se réjouit devant nous Nathalie Leroy (déléguée générale du CNA).

Et donc, on est bien accueilli ! : « Des rencontres comme celles-là, relayées par la presse professionnelle, on en a bien besoin. Surtout par les temps qui courent » nous déclare un lecteur bienveillant (qui se reconnaîtra…). Cela fait du bien !
Tout autant que la fugue résolue qui irrigue les débats. De la fugue, et aucun faux semblant dans les constats et appels lancés à tous les acheteurs, ce 18 juin. L’objectif des universités : prendre la mesure critique des changements observés dans les missions des acheteurs (lire "Un bon acheteur maîtrise à la fois les soft skills… et les hard skills").
 

Valeur d’usage

Le Président du CNA, Jean-Luc Baras, donne la tonalité générale : les achats constituent l’outil de décarbonation et de réponse aux enjeux structurels de RSE. C’est selon cette double perspective que l’on peut mesurer les évolutions de la fonction achats : « tout s’organise désormais, au niveau des filières, pour un achat augmenté » (notion que le CNA développe depuis plusieurs années déjà : relire "Le secteur public tend lui aussi vers l’« achat augmenté»" et "Crises, digitalisation des achats : le CNA cogite sur l’avenir du métier d’acheteur").

Certes, avec l'IA, le métier d’acheteur évolue (relire "Une journée avec… Romain Tournereau : « Digitalisation et IA devraient être des adjuvants pour répondre aux défis de l'achat public »" et "Avec l’IAG, une route sécurisée vers un « Méta achat public » ?"). Mais ce matin-là, au Théâtre de la ville de Paris, on relève que ce sont surtout les missions, et donc les fonctions, qui évoluent pour affronter les "nouvelles complexités" (relire aussi l’enquête CNA/AgileBuyer : « Les défis 2024 des acheteurs : "affronter de nouvelles complexités").

Pour Natacha Tréhan (Maître de Conférences en Management des Achats Responsables - Université Grenoble Alpes), un « acheteur augmenté avec des missions élargies, cela pourrait suffire pour faire admettre qu’il faut abandonner le terme d’acheteur ». Mais elle va encore plus loin : en prenant en compte la valeur d’usage, en investissant l’économie circulaire et les considérations sociales, le tout au service de la décarbonation et en s’appuyant sur l’innovation … « on s’éloigne considérablement de ces basiques historiques que sont la qualité et le prix ! »
 

« Regrouper la puissance achat »

Plusieurs intervenants considèrent même que la notion même de « service achat » n’est plus en phase avec les réalités. Les enjeux de l’achat, c’est de « Savoir évaluer très en amont les besoins de tous, en transversalité et au plus près des prescripteurs et fournisseurs ». Une transversalité des postures et missions qui plaiderait même, selon un intervenant, pour la suppression des services Achats en tant que tels…

D’ailleurs, relève Natacha Tréhan, les acheteurs sont de fait amenés à travailler ensemble, en innovation et par-delà leurs entités. Pour elle, c’est par une alliance de coopération, voire de « coopétition », que les acheteurs permettront à de nouvelles filières décarbonées de voir le jour. « L’enjeu, c’est de regrouper la puissance achat ! »
 

« Relation 360° »

Tous les intervenants insistent, en toute logique, sur l’impératif de développement de la sécurité des approvisionnements et d’une forme de souveraineté (relire "Pas de souveraineté économique sans une commande publique écologiquement et socialement responsable"). Un impératif en lien avec l’indispensable création et soutien de filières, notamment décarbonées. Ils proclament ainsi l’évolution des missions de l’acheteur "à 360° " : l’acheteur devient aussi acteur auprès de ses fournisseurs.
Natacha Tréhan l’assure : « l’achat, au-delà même des coûts, n’est plus à l’efficience, mais à la résilience, qui passe obligatoirement par la relation fournisseur.»

"Fournisseur" ? Un terme qui devrait aussi, s’effacer au profit de celui de "partenaire". Tout comme celui de "sous-traitant", dont la connotation péjorative ne correspond plus aux enjeux et à aux réalités de ce nouvel achat, ne serait-ce qu’en raison de la notion de déséquilibre dans les relations.

Une relation à 360°, donc, qui permet à l’acheteur de demander à ses partenaires le coût carbone de leurs profits et prestations. Il y a aurait de ce point de vue un travail de conviction à mener, pour faire comprendre aux dits partenaires des acheteurs que jouer la transparence carbone, c’est savoir se démarquer autrement que par le coût. Et que de façon générale, la relation achat est en passe de s’appuyer d'abord sur des valeurs et des comportements.
Des propos qui rappellent ceux tenus par Patrick Loquet, qui considère que l’un des enjeux de l’achat public durable, c’est de trouver comment valoriser les entreprises qui en font plus que d’autres, celles qui s’engagent véritablement. Pour lui, l’idée de valoriser un critère RSE, c’est le pari des achats de demain ! (Revoir "achatpublic invite Patrick Loquet : «Savoir valoriser un critère RSE, c’est l’un des paris de demain !»").


Du vrai remue-méninge. Etonnant ? « Avec la fonction Achat, on sait où on commence… on ne sait pas où on va aller…. » témoigne, sur la scène du Théâtre de Paris, un étudiant en achat.

Reste que si le terme "acheteur" n’est plus adapté à la réalité des missions Achat… personne n’a trouvé par quel autre terme le remplacer…
Avez-vous une petite idée ?