Imprévision : Quelle est la période pour considérer le bouleversement de l’équilibre du contrat ?

  • 13/06/2023
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Le sénateur Étienne Blanc (Rhône - Les Républicains) signale à Bruno Le Maire une « divergence » entre ses services juridiques (la DAJ) et le Gouvernement (Elisabeth Borne) au sujet de l'application de la théorie de l'imprévision dans les contrats de la commande publique.

La fiche technique de la DAJ du 21 septembre 2022 faisant suite à l'avis du Conseil d'État du 15 septembre 2022 (n° 405540),est revenue sur les conditions de mise en œuvre de la « théorie de l'imprévision » dans les contrats de la commande publique. Le sénateur relève que cette note indique que le « bouleversement de l'équilibre du contrat » (condition nécessaire pour bénéficier d'une indemnité d'imprévision) devait s'apprécier « par période d'imprévision », « de sorte qu'une indemnité d'imprévision peut être versée, même si l'équilibre du contrat n'est pas bouleversé sur toute sa durée. » Concernant la période à retenir, la DAJ précisait : « la période de référence à indemniser correspond à la période pendant laquelle le prix-limite, qui correspond au niveau des charges contractuelles envisagé par les parties lors de la conclusion du contrat, est dépassé ».

Or la Première ministre dans sa circulaire du 29 septembre 2022 (n° 6374/SG) semble considérer qu'une indemnité d'imprévision ne serait due au titulaire d'un contrat de la commande publique qu'à condition que les difficultés rencontrées bouleversent l'économie du contrat dans toute sa durée. Que se passe-t-il, s’interroge le sénateur ?

Cette divergence d'interprétation étant susceptible d'induire en erreur les acheteurs publics et les demandeurs d'une indemnité d'imprévision quant au mode de calcul de cette indemnité, le sénateur souhaite l'avis su ministre sur le sujet....
Le ministère de l’économie rappelle que selon la théorie de l'imprévision codifiée au 3° de l'article L. 6 du code de la commande publique, « lorsque survient un évènement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l'équilibre du contrat, le cocontractant, qui en poursuit l'exécution, a droit à une indemnité ».
 

L’équilibre s’apprécie sur le contrat ; le bouleversement, par période d’imprévision

Ainsi, l'équilibre du contrat tel qu'envisagé par les parties lors de sa conclusion est apprécié sur l'ensemble de sa durée du contrat, et demeure le même durant toute cette durée.
Le bouleversement de son équilibre est, pour sa part, apprécié par période d'imprévision, de sorte qu'une indemnité d'imprévision peut être versée, même si l'équilibre du contrat n'est pas bouleversé sur toute sa durée, explique le gouvernement en s’appuyant sur la jurisprudence du Conseil d'Etat (19 février 1926, Société du gaz de La Ciotat, req. n° 78624 - 30 décembre 1927, Compagnie française d'éclairage et de chauffage par le gaz, req. n° 88074 - 30 mars 1928, Ville de Belfort, req. n° 77987 - 17 novembre 1965, Commune de Monthermé, req.  n° 61147 - 21 octobre 2019, Société Alliance, req. n° 419155).
 

Période de référence

À cet égard, poursuit le Gouvernement, « la période de référence à indemniser correspond à la période pendant laquelle l'opérateur économique est confronté à des pertes anormales du fait d'une augmentation de ses dépenses ou d'une diminution de ses recettes ayant dépassé les limites ayant pu raisonnablement être envisagées par les parties lors de la passation du contrat.»
En revanche, l'ensemble de la durée du contrat est à prendre en compte lorsque, au terme du contrat, afin de calculer l'indemnité définitive de l'imprévision, il est procédé au calcul de la part de la charge extracontractuelle laissée à la charge du cocontractant, cette part étant modulée en tenant compte des difficultés financières précédemment supportées par le titulaire (CE 21 avril 1944, Compagnie française des câbles télégraphiques, req. n° 66457 - 27 novembre 1931, Compagnie des tramways électriques de Besançon, req. n° 95984) ou bien des bénéfices qu'il a réalisés (CE 30 décembre 1927, Compagnie française d'éclairage et de chauffage par le gaz, n° 88074 - 19 février 1926, Société du gaz de La Ciotat, req. n° 78624 - 30 mars 1928, Ville de Belfort, req. n° 77987 - 8 novembre 1935, Ville de Lagny, req. n° 23757), antérieurement ou postérieurement à la période d'imprévision.
 

Et si la période ... s’éternise ?

Comme le rappelle le Conseil d'État dans son avis, « le caractère permanent du bouleversement de l'équilibre économique du contrat fait obstacle à la poursuite de son exécution, de sorte que l'imprévision devient un cas de force majeure justifiant la résiliation de ce contrat ».
La circulaire n° 6374/SG du 29 septembre 2022 rappelle bien que l'indemnité d'imprévision « vise à dédommager partiellement le titulaire du préjudice qui résulte de l'exécution du contrat en raison du bouleversement temporaire de l'équilibre économique de celui-ci » (point 3).
La fiche technique publiée par la direction des affaires juridiques (DAJ) abonde dans le même sens en précisant les modalités de mise en oeuvre de ce principe, conclut le Gouvernement...
 
 


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JMJ