
Une commande publique politisée… et donc à l’arrêt ?

« En politique, rien n'arrive par hasard. Chaque fois qu'un événement survient, on peut être certain qu'il avait été prévu pour se dérouler ainsi »
Franklin Roosevelt
Franklin Roosevelt
La commande publique est-elle politisée ? A ceux qui en douteraient encore, on leur dira qu’avec des objectifs environnementaux, sociaux et sociétaux, elle ne peut être que politique, au sens noble du terme. Politique, elle l’est aussi parce qu’elle revêt des dimensions internationales…
Une commande publique « politique », donc compliquée jusqu’à l’immobilisation ?
D’abord, de la communication
La loi "Climat et résilience", c’est dans un an ! Il y a un signe qui ne trompe pas : le Gouvernement, les ministères, la DAE et le CGDD… tous communiquent énormément sur leurs "outils" qui permettent ou permettront d’aller plus facilement vers l’objectif d’un achat durable et responsable. En réalité, les acheteurs publics anticipent sa mise en œuvre et ces outils ne sont pas nouveaux.
Mais on perçoit bien une forme d'urgence à communiquer... car si l'on s'en tient à la lettre de l'article 36 de la loi Climat et résilience :
Mais on perçoit bien une forme d'urgence à communiquer... car si l'on s'en tient à la lettre de l'article 36 de la loi Climat et résilience :
Au plus tard le 1er janvier 2025, l'Etat met à la disposition des pouvoirs adjudicateurs des outils opérationnels de définition et d'analyse du coût du cycle de vie des biens pour les principaux segments d'achat. Ces outils intègrent le coût global lié notamment à l'acquisition, à l'utilisation, à la maintenance et à la fin de vie des biens ainsi que, lorsque c'est pertinent, les coûts externes supportés par l'ensemble de la société, tels que la pollution atmosphérique, les émissions de gaz à effet de serre, la perte de la biodiversité ou la déforestation.
Autre "urgence", une enquête de l’OCDE rendue publique le 20 juin dernier (sur laquelle achatpublic.info reviendra prochainement) se penche sur les outils et la formation "achat public durable" des acheteurs publics de l’Etat (Promouvoir les marchés publics stratégiques et écologiques en France - Professionnaliser la fonction achats de l'État -OCDE – 20 juin 2025). Le ton est feutré... mais elle n’est pas d’une tendresse absolue : « Le manque d’outils pratiques, selon 255 sondés, représente par ailleurs la première raison pour laquelle les considérations environnementales ne sont pas mises en œuvre dans les achats. »
International : l’incertitude pour horizon
A ceux qui douteraient encore de la politisation de l'achat public, on répondra aussi qu'il s’inscrit de plus en plus manifestement dans ce qui relève de la politique internationale.
L'OCDE tenait cette semaine à Paris son Forum mondial 2025 sur la commande publique. A vrai dire, nous ne sommes pas certains que ces échanges internationaux apportent beaucoup à l'acheteur public ; si ce n'est qu'il pourrait se sentir rassuré : les cogitations franco-françaises sont en réalité partagées mondialement : « La condition de base, dans un monde moderne, c’est le recueil et le traitement de données de qualité (...) Ce qui nécessite un réglage fin : trouver des procédures strictes…mais flexibles ! » (lire "L’OCDE dresse le portrait d’une commande publique idéale" - "La commande publique, vecteur de rétablissement de la confiance envers les pouvoirs publics ?" et "Méthode "Maps" : quésaco ?").
Les soubresauts trumpiens perturbent les achats dans leur composant prix avec les droits de douane en yoyo. Nous avions commencé à creuser la question de leur impact sur la commande publique : « l’augmentation des droits des douanes peut être qualifiée de circonstance imprévue et bouleverser l’équilibre économique du contrat » confirmait dans nos colonnes Me Alexandre Riquier (relire "Interview] Alexandre Riquier : « L'évolution "anormale" des droits de douane emporte un caractère imprévisible »").
Cette semaine, nous poursuivons nos recherches en interrogeant le Professeur De la Rosa sur les moyens dont dispose la Commission européenne pour protéger les marchés publics des opérateurs qui se fournissent aux États-Unis. Dispose-t-elle de suffisamment d'outils normatifs concernant les marchés publics, tout en respectant les principes de la commande publique ? Sa réponse est assez perturbante… (lire "[Interview] – Professeur Stéphane De la Rosa « Les règles en matière de commande publique révèlent une certaine naïveté par rapport à l’augmentation des droits de douane ».").
International encore, avec le règlement d’exécution (UE) 2025/1197, entré en vigueur le 30 juin 2025. Une première dans l’histoire du droit européen des marchés publics : il interdit, au-delà d’un seuil de 5 millions d’euros HT, les offres comportant plus de 50 % de dispositifs médicaux d’origine chinoise, tout en excluant purement et simplement les opérateurs chinois en tant que titulaires (relire "Réciprocité et protectionnisme : la Commission restreint les achats de dispositifs médicaux chinois").
Une bonne nouvelle ? L’Europe se réveille enfin ? Pas si simple. Pour Sébastien Taupiac (Expert en achat public - Fondateur ST Agency) le règlement d’exécution (UE) 2025/1197, entré en vigueur le 30 juin 2025, est « une vraie fausse bonne idée européenne, attendue, salutaire... mais quasi inapplicable » : « Que dire de la vérification du seuil de 50 % de valeur d’origine chinoise, dans un monde où les composants circulent sans passeport, où des acteurs européens et américains sous-traitent en Asie, où l’origine douanière est déterminée par des critères délicats ? » Selon lui, l'Europe devra aller plus loin si elle veut protéger la capacité d'investissement du secteur public tout en préservant l'accès à l'excellence médicale (lire "[Tribune] « Le règlement CE 2025/1197, une nouvelle usine à gaz... médicaux ? »").
L'OCDE tenait cette semaine à Paris son Forum mondial 2025 sur la commande publique. A vrai dire, nous ne sommes pas certains que ces échanges internationaux apportent beaucoup à l'acheteur public ; si ce n'est qu'il pourrait se sentir rassuré : les cogitations franco-françaises sont en réalité partagées mondialement : « La condition de base, dans un monde moderne, c’est le recueil et le traitement de données de qualité (...) Ce qui nécessite un réglage fin : trouver des procédures strictes…mais flexibles ! » (lire "L’OCDE dresse le portrait d’une commande publique idéale" - "La commande publique, vecteur de rétablissement de la confiance envers les pouvoirs publics ?" et "Méthode "Maps" : quésaco ?").
Les soubresauts trumpiens perturbent les achats dans leur composant prix avec les droits de douane en yoyo. Nous avions commencé à creuser la question de leur impact sur la commande publique : « l’augmentation des droits des douanes peut être qualifiée de circonstance imprévue et bouleverser l’équilibre économique du contrat » confirmait dans nos colonnes Me Alexandre Riquier (relire "Interview] Alexandre Riquier : « L'évolution "anormale" des droits de douane emporte un caractère imprévisible »").
Cette semaine, nous poursuivons nos recherches en interrogeant le Professeur De la Rosa sur les moyens dont dispose la Commission européenne pour protéger les marchés publics des opérateurs qui se fournissent aux États-Unis. Dispose-t-elle de suffisamment d'outils normatifs concernant les marchés publics, tout en respectant les principes de la commande publique ? Sa réponse est assez perturbante… (lire "[Interview] – Professeur Stéphane De la Rosa « Les règles en matière de commande publique révèlent une certaine naïveté par rapport à l’augmentation des droits de douane ».").
International encore, avec le règlement d’exécution (UE) 2025/1197, entré en vigueur le 30 juin 2025. Une première dans l’histoire du droit européen des marchés publics : il interdit, au-delà d’un seuil de 5 millions d’euros HT, les offres comportant plus de 50 % de dispositifs médicaux d’origine chinoise, tout en excluant purement et simplement les opérateurs chinois en tant que titulaires (relire "Réciprocité et protectionnisme : la Commission restreint les achats de dispositifs médicaux chinois").
Une bonne nouvelle ? L’Europe se réveille enfin ? Pas si simple. Pour Sébastien Taupiac (Expert en achat public - Fondateur ST Agency) le règlement d’exécution (UE) 2025/1197, entré en vigueur le 30 juin 2025, est « une vraie fausse bonne idée européenne, attendue, salutaire... mais quasi inapplicable » : « Que dire de la vérification du seuil de 50 % de valeur d’origine chinoise, dans un monde où les composants circulent sans passeport, où des acteurs européens et américains sous-traitent en Asie, où l’origine douanière est déterminée par des critères délicats ? » Selon lui, l'Europe devra aller plus loin si elle veut protéger la capacité d'investissement du secteur public tout en préservant l'accès à l'excellence médicale (lire "[Tribune] « Le règlement CE 2025/1197, une nouvelle usine à gaz... médicaux ? »").
Immobilisme... et donc stabilité ?
Enfin, pour ceux qui ne seraient toujours pas convaincus, on observera le calme plat du Journal Officiel. Aucun texte, pas le moindre décret, ou même arrêté depuis 6 mois. Des circulaires ? Pas plus. La commande publique, dans son volet législatif et réglementaire, est à l’arrêt. Stagnation.
Il faudrait cependant être de bien mauvaise foi pour ne pas se rappeler que cela devrait convenir beaucoup d’acheteurs publics qui, bien plus qu’une « simplification » de la commande publique, réclament de la stabilité dans les textes.
"Simplification"… Au fait, où en est le projet de loi de simplification de la vie des entreprises ? Dans sa mouture initiale, il y a 10 mois de cela (une éternité !) il comportait bien un volet commande publique. Depuis, le "climat politique" a fait son œuvre. Le texte ne ressemble plus en rien (y compris en matière de commande publique) à ce qu’il devait être. Des amendements dans tous les sens, contraires à la Constitution, aux directives ou qui même se contredisent entre eux, ont été adoptés. Une commission mixte paritaire devrait proposer une conciliation entre un texte voté l’un par le Sénat et l’autre par l’Assemblée nationale complétement différents.
En clair, sauf peut-être une augmentation des seuils (gadget politico-réglementaire qui permet d’assurer que l’on « simplifie »), personne ne peut prédire ce qui ressortira de ce texte… A moins que le Gouvernement ne finisse par le retirer, tant il ne réussit à ne faire fait consensus qu’autour de sa complexité ...
A propos des seuils… Que l’on ne s’y trompe pas ! L’augmentation des seuils n’est plus partagée comme LA solution de simplification. Même la Délégation aux entreprises du Sénat pointe ses risques et effets induits et considère qu’il ne faut plus nécessairement les jouer « à la hausse » : la moitié des marchés publics, en volume, est passée sous le seuil de mise en concurrence de 40 000 euros HT. « Dans ce cas, l’acheteur public est libre : il peut se fournir sur les plateformes du e-commerce sans se préoccuper d’acheter français » (lire "Le fabriqué en France, « trou noir » de la commande publique").
Au final, le meilleur signe que la commande publique est politique, c’est qu’elle est, comme le politique, à l’arrêt. Au moins jusqu’aux temps lointains de l’adoption de nouvelles directives.
Et si c’était grâce à cette politisation que les acheteurs publics profitaient enfin de la stabilité qu’ils attendent tant ?
Il faudrait cependant être de bien mauvaise foi pour ne pas se rappeler que cela devrait convenir beaucoup d’acheteurs publics qui, bien plus qu’une « simplification » de la commande publique, réclament de la stabilité dans les textes.
"Simplification"… Au fait, où en est le projet de loi de simplification de la vie des entreprises ? Dans sa mouture initiale, il y a 10 mois de cela (une éternité !) il comportait bien un volet commande publique. Depuis, le "climat politique" a fait son œuvre. Le texte ne ressemble plus en rien (y compris en matière de commande publique) à ce qu’il devait être. Des amendements dans tous les sens, contraires à la Constitution, aux directives ou qui même se contredisent entre eux, ont été adoptés. Une commission mixte paritaire devrait proposer une conciliation entre un texte voté l’un par le Sénat et l’autre par l’Assemblée nationale complétement différents.
En clair, sauf peut-être une augmentation des seuils (gadget politico-réglementaire qui permet d’assurer que l’on « simplifie »), personne ne peut prédire ce qui ressortira de ce texte… A moins que le Gouvernement ne finisse par le retirer, tant il ne réussit à ne faire fait consensus qu’autour de sa complexité ...
A propos des seuils… Que l’on ne s’y trompe pas ! L’augmentation des seuils n’est plus partagée comme LA solution de simplification. Même la Délégation aux entreprises du Sénat pointe ses risques et effets induits et considère qu’il ne faut plus nécessairement les jouer « à la hausse » : la moitié des marchés publics, en volume, est passée sous le seuil de mise en concurrence de 40 000 euros HT. « Dans ce cas, l’acheteur public est libre : il peut se fournir sur les plateformes du e-commerce sans se préoccuper d’acheter français » (lire "Le fabriqué en France, « trou noir » de la commande publique").
Au final, le meilleur signe que la commande publique est politique, c’est qu’elle est, comme le politique, à l’arrêt. Au moins jusqu’aux temps lointains de l’adoption de nouvelles directives.
Et si c’était grâce à cette politisation que les acheteurs publics profitaient enfin de la stabilité qu’ils attendent tant ?


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