
Les défis de l'acheteur public, cette autre quadrature du cercle

« Je sais ce que je suis et ce que je dois faire dans mon métier, donc je peux gérer la pression »
Michael Schumacher
Il est courant de considérer que l’acheteur public vit dans un univers d’injonctions contradictoires, la plus récurrente étant de lui demander d’acheter au mieux disant et responsable... tout en lui reprochant (politiquement et donc médiatiquement) d’acheter trop cher, notamment au regard de l’achat "privé". Avec donc cette critique sous-jacente de mal acheter, puisqu’il achèterait trop cher.
Deux solutions : le vivre mal et considérer qu’il s’agit d’une nouvelle manifestation du fonctionnaire bashing ; trouver le temps d’expliquer (mais à qui susceptible de l’entendre ?) que l’achat public, non, ce n’est pas comparable avec l’achat « privé ».
En réalité, la situation de l’acheteur public, et plus largement de la commande publique, est bien plus compliquée. Elle ne se réduit pas à cette approche comparative binaire « moins bien que … », comme tendent à le montrer nos différents articles parus cette semaine. Son métier évolue dans un cadre quadripolaire….
Le défi de l’achat durable
Dans moins d’un an, la loi "Climat et résilience" entrera en vigueur, apportant une véritablement révolution dans le métier d’acheteur public : il devra toujours répondre à un besoin en choisissant l’offre la mieux-disante…mais en prenant aussi en compte, dans ce mieux disant, des externalités positives, sociales et environnementales. La clé : manipuler des critères environnementaux et sociaux comme critère d’attribution et dans les conditions d’exécution.
On lui a promis des outils pour évaluer ces externalités positives. Pas sûr que cette promesse sera suffisamment et surtout, à temps, tenue (relire "Loi Climat & Résilience : à un an de la date fatidique, c’est de l’heure des vérifications !").
Est-ce étonnant ? Pas vraiment. Parce que l’Etat accuse un certain retard. Prenons l’exemple du Spaser. Alors que de nombreuses petites collectivités, dont le montant des achats est pourtant inférieur au seuil de 50K€, ont adopté un Spaser (relire par exemple "Spaser : Cuers champion de France ! "ou encore "Avec 20M€ de volume d’achats annuel, la communauté de communes Lacq-Orthez se lance dans l’aventure du Spaser") et sauf si cela a échappé à la veille estivale d’achatpublic.info (relire "Veille Commande publique estivale : le Conseil d’Etat s’est lâché !"), le premier acheteur public, l’Etat, n’a toujours pas adopté son Spaser, pourtant rendu obligatoire par la loi Industrie verte du 23 octobre 2023 (art. 29) (relire "Des nouvelles du Spaser de l’Etat : "c'est en cours !")".
Là, on est dans la situation inédite dans laquelle le cordonnier est incapable de se chausser ! Un retard à l’allumage qui a d’ailleurs particulièrement agacé la Commission d’enquête sénatoriale sur la commande publique, constatant que l’Etat ne respecte pas les obligations qu’il a imposées en la matière aux collectivités territoriales. Passons…
Il n’en demeure pas moins que les chambres régionales des comptes, notamment, poussent dès à présent à la mise en œuvre d’une politique d’achat durable (lire "Pas de SPASER ? Ce n'est pas une excuse pour ignorer l’achat public durable !" et relire " Des marchés publics examinés au regard de la loi Climat & Résilience" et "La gestion d’une collectivité examinée de nouveau au regard de la loi Climat et & résilience").
Et les premières jurisprudences de réglage viennent déjà éclairer les acheteurs publics dans le bon maniement de ces nouveaux critères (lire "Validation d’un critère environnemental évaluant la politique générale des candidats à un marché public").
On lui a promis des outils pour évaluer ces externalités positives. Pas sûr que cette promesse sera suffisamment et surtout, à temps, tenue (relire "Loi Climat & Résilience : à un an de la date fatidique, c’est de l’heure des vérifications !").
Est-ce étonnant ? Pas vraiment. Parce que l’Etat accuse un certain retard. Prenons l’exemple du Spaser. Alors que de nombreuses petites collectivités, dont le montant des achats est pourtant inférieur au seuil de 50K€, ont adopté un Spaser (relire par exemple "Spaser : Cuers champion de France ! "ou encore "Avec 20M€ de volume d’achats annuel, la communauté de communes Lacq-Orthez se lance dans l’aventure du Spaser") et sauf si cela a échappé à la veille estivale d’achatpublic.info (relire "Veille Commande publique estivale : le Conseil d’Etat s’est lâché !"), le premier acheteur public, l’Etat, n’a toujours pas adopté son Spaser, pourtant rendu obligatoire par la loi Industrie verte du 23 octobre 2023 (art. 29) (relire "Des nouvelles du Spaser de l’Etat : "c'est en cours !")".
Là, on est dans la situation inédite dans laquelle le cordonnier est incapable de se chausser ! Un retard à l’allumage qui a d’ailleurs particulièrement agacé la Commission d’enquête sénatoriale sur la commande publique, constatant que l’Etat ne respecte pas les obligations qu’il a imposées en la matière aux collectivités territoriales. Passons…
Il n’en demeure pas moins que les chambres régionales des comptes, notamment, poussent dès à présent à la mise en œuvre d’une politique d’achat durable (lire "Pas de SPASER ? Ce n'est pas une excuse pour ignorer l’achat public durable !" et relire " Des marchés publics examinés au regard de la loi Climat & Résilience" et "La gestion d’une collectivité examinée de nouveau au regard de la loi Climat et & résilience").
Et les premières jurisprudences de réglage viennent déjà éclairer les acheteurs publics dans le bon maniement de ces nouveaux critères (lire "Validation d’un critère environnemental évaluant la politique générale des candidats à un marché public").
Le défi de la « professionnalisation »
Acheteur public, un « métier sous tensions ». Non seulement parce que l’enjeu, c’est de les trouver (et de les conserver ! - relire "Acheteurs publics : les trouver, c’est compliqué ; les garder, c’est pire !" ) mais aussi parce le métier s’avère toujours plus compliqué et peu attractif (relire "Acheteurs publics : "des missions difficiles" ... et une fonction peu attractive").
La Commission d’enquête sénatoriale sur la commande publique devait évidemment se pencher sur les acheteurs publics. Son rapport précise « avoir porté une attention particulière, au cours de ses travaux, à l’évolution des moyens mis au service de la commande publique, et plus précisément à la professionnalisation des acheteurs publics ainsi qu’aux limites de cette dernière ». Et, s’agissement de formation et de professionnalisation des acheteurs publics, les constats sont sévères, dans la lignée de celui précédemment dressé par l’OCDE (relire "« Entre ambition réglementaire et réalité opérationnelle » : l’OCDE se penche sur les achats publics durables de l‘Etat »").
La commission du Sénat en apprend de belles : les petites collectivités font face à « un problème de compétence des agents pour maîtriser des règles qui changent très (trop) régulièrement » , ce qui peut pousser les plus démunies à trouver « des solutions alternatives peu conformes à l’esprit du code ».
Le rapport conclut qu’en France, la commande publique pâtit d’un déficit de formation des acheteurs qui en limite l’efficacité (lire "Acheteur public : un métier sous tensions, selon la Commission d’enquête du Sénat").
La Commission d’enquête sénatoriale sur la commande publique devait évidemment se pencher sur les acheteurs publics. Son rapport précise « avoir porté une attention particulière, au cours de ses travaux, à l’évolution des moyens mis au service de la commande publique, et plus précisément à la professionnalisation des acheteurs publics ainsi qu’aux limites de cette dernière ». Et, s’agissement de formation et de professionnalisation des acheteurs publics, les constats sont sévères, dans la lignée de celui précédemment dressé par l’OCDE (relire "« Entre ambition réglementaire et réalité opérationnelle » : l’OCDE se penche sur les achats publics durables de l‘Etat »").
La commission du Sénat en apprend de belles : les petites collectivités font face à « un problème de compétence des agents pour maîtriser des règles qui changent très (trop) régulièrement » , ce qui peut pousser les plus démunies à trouver « des solutions alternatives peu conformes à l’esprit du code ».
Le rapport conclut qu’en France, la commande publique pâtit d’un déficit de formation des acheteurs qui en limite l’efficacité (lire "Acheteur public : un métier sous tensions, selon la Commission d’enquête du Sénat").
Le défi de l’IAG
Reste alors à envisager la place que prend l’Intelligence artificielle générative (IAG), souvent présentée comme un moyen de soulager les professionnels des tâches ingrates. Dans la commande publique, c’est aussi un sujet inépuisable (relire "[Tribune] L’intelligence artificielle dans les achats publics : rupture subie ou virage maîtrisé ?").
Entre les craintes souvent tues et les maximes engageantes comme "Mieux vaut penser le changement que de le subir", l’acheteur public devra s’adapter ; définir les zones de pertinence ou de danger que présente l’IAG (relire "L’utilisation de l’IAG dans la sélection des offres : des zones de réticence"). Il devra sans doute s’inspirer des premières mises en œuvres (lire "Laurent Dutertre : «L’IA n’est pas prête de remplacer l’acheteur »").
Entre les craintes souvent tues et les maximes engageantes comme "Mieux vaut penser le changement que de le subir", l’acheteur public devra s’adapter ; définir les zones de pertinence ou de danger que présente l’IAG (relire "L’utilisation de l’IAG dans la sélection des offres : des zones de réticence"). Il devra sans doute s’inspirer des premières mises en œuvres (lire "Laurent Dutertre : «L’IA n’est pas prête de remplacer l’acheteur »").
Le défi des relations avec les fournisseurs
Dans le cadre de missions du nouvel acheteur public, le "contract manager", celui-ci devrait considérer avec soin les relations avec ses fournisseurs, selon une approche non plus seulement juridique, mais aussi économique. Et là, se présente un nouveau défi, celui de définir la distance suffisante. La question du respect du « secret des affaires » pourrait reprendre toute sa place (lire "[Tribune] Préservation du secret des affaires en droit de la commande publique").
D’ailleurs, il faudra peut-être s’interroger sur les « risques et opportunités « de recours à l’IAG dans la commande publique : garantira-t-elle, dans les phases de sourcing et d’analyse des offres, le respect des zones de confidentialité dans le commande publique. L’IA fantôme plane.
La "shadow IA", vous connaissez ? C’est la menace, avérée, de l’utilisation non autorisée, clandestine et non déclarée de tout outil ou application d’intelligence artificielle par les utilisateurs finaux sans l’approbation ou la supervision de la gouvernance de leur institution…
Au final, on relèvera alors avec intérêt ce rapport de la CRC Provence Alpes Côte d’Azur : face au turn-over et à la raréfaction des acheteurs publics, elle y recommande la rédaction de guides internes… certes, pour cadrer les procédures…mais aussi histoire de préserver le savoir-faire (lire "Turn over" excessif : limiter la "casse" avec l’adoption d’un guide interne de l’achat public").
D’ailleurs, il faudra peut-être s’interroger sur les « risques et opportunités « de recours à l’IAG dans la commande publique : garantira-t-elle, dans les phases de sourcing et d’analyse des offres, le respect des zones de confidentialité dans le commande publique. L’IA fantôme plane.
La "shadow IA", vous connaissez ? C’est la menace, avérée, de l’utilisation non autorisée, clandestine et non déclarée de tout outil ou application d’intelligence artificielle par les utilisateurs finaux sans l’approbation ou la supervision de la gouvernance de leur institution…
Au final, on relèvera alors avec intérêt ce rapport de la CRC Provence Alpes Côte d’Azur : face au turn-over et à la raréfaction des acheteurs publics, elle y recommande la rédaction de guides internes… certes, pour cadrer les procédures…mais aussi histoire de préserver le savoir-faire (lire "Turn over" excessif : limiter la "casse" avec l’adoption d’un guide interne de l’achat public").


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