Marchés de Noël : ne pas s’assoupir !

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"Il faut comprendre que le pessimisme ou l'optimisme n'ont rien à voir avec la réalité. Ils sont fonction de la représentation que l'on se fait du réel"
Boris Cyrulnik


« Ils ont beau dire, les journalistes d’achatpublic.info, à longueur de colonnes (lire cette semaine "Le Resah imagine l'acheteur public de demain") que l’acheteur public n’est plus seulement un juriste soucieux de sécuriser les procédures de passation, mais aussi un "acheteur"... moi, je ne veux prendre aucun risque : je bétonne ! On ne pourra jamais me le reprocher ».
Pas faux … mais pas tout à fait exact non plus.
 

Ceintures et bretelles

Un contrôle de la CRC de la Réunion salue en effet une organisation de la commande publique, mise en place par la commune de Saint-André, « fonctionnelle et efficiente au stade de la passation des marchés publics ». Mais « pour le reste », c’est-à-dire l’efficience, c’est un carton rouge : la sécurisation au maximum alourdit les marges de manœuvre de la commune (lire "Choix de la procédure de passation : le mieux est l’ennemi du bien").
A l’opposé de l’acheteur qui opte pour le "ceinture et bretelles", certains prennent l’affaire commande publique avec, disons,… "optimisme".
 

Optimisme à tout crin

Optimisme qui commence par la mauvaise définition de ses besoins. Avec pour excuse (ou effet secondaire) la renégociation du contrat... si jamais cela tourne mal. Mais la renégociation n’est pas toujours bien vue. Elle révèle aussi une certaine légèreté ; l'envisager en tant que solution par principe , une sorte de filet de secours, constitue une forme d’insouciance de l’acheteur, qui ne verrait pas anguille sous roche. Alors que les prestataires pourront y voir, eux, une opportunité.
Selon certains économistes, ces adaptations au contrat démontrent peut-être une bonne relation contractuelle ; mais pour d’autres, elles facilitent l’opportunisme du cocontractant pour « accroître sa marge au détriment de la puissance publique » (lire "La renégociation des contrats publics fait débat").

L’optimiste se satisfait aussi, par exemple, de recevoir les rapports annuels de son délégataire de service public. Mais ne les lit pas ; ou trop tard (lire "Obligation de remettre les rapports annuels des DSP, mais aussi de les examiner, dans les délais").

L’optimiste fait confiance par principe aux candidats à un marché public. Il considère que, puisqu’ils sont candidats, ils sont en mesure d’assurer les prestations. Comme le note Me Nicolas Lafay dans sa chronique mensuelle, l’attention de l’acheteur public sur les marchés doit toujours se porter bien avant la procédure en elle-même, en vérifiant les capacités de son éventuel prestataire : « Attention donc à ne pas passer trop vite sur le stade de la candidature et à bien vérifier que le dossier de candidature de l’attributaire pressenti contient bien les justifications de ses capacités techniques, financières et professionnelles » (lire " Examen des capacités négligé : marchés en péril").
 

Pénalités bien ordonnées…

« Si cela tourne mal, je pourrais toujours appliquer des pénalités de retard » se dit l’acheteur décontracté. Oui… Mais attention, ce n’est ni anodin, ni facile à mettre en œuvre. Si les pénalités de retard sont applicables dès qu'un retard est constaté, il appartient toujours au maître d'ouvrage de justifier leurs bases de calcul (lire "Pénalités de retards : au moins, communiquez les bases de calcul").
« Au pire, si décidemment le prestataire ne fait pas l’affaire, je pourrais toujours passer un marché de substitution » se dit notre acheteur qui se laisse glisser dans l’insouciance. Certes. Mais c’est une extrémité, qui n’est, encore une fois, pas des plus simples à mettre en œuvre. Notamment, la réalité des interventions urgentes réalisées aux frais et risques du prestataire défaillant par une société tierce et leur coût doivent être établis (lire "Si la règle est d’ordre public, la réalité des marchés de substitution doit cependant être établie").
Qui plus est, Maître Nicolas Lafay rappelle que le titulaire défaillant dispose de son côté d’un "droit de suite" sur le marché de substitution : il peut contrôler son périmètre et la manière dont il sera exécuté (lire "Examen des capacités négligé : marchés en péril").
 

Des évidences ?

Alors oui, parfois, la rédaction d’achatpublic.info rappelle ce que certains considèrent comme des évidences. Mais voilà : l’actualité, notamment jurisprudentielle, montre que le rappel de règles "de base" n’est jamais inutile, ni "hors-sol". Les affaires qui "montent" jusqu’au juge témoignent, au contraire, de ce que rien n’est jamais acquis. Et puis, si les grands principes de la commande publique s'appliquent "dès le 1er euro", il n'y a en conséquence pour le journaliste juridique aucune "petite affaire".
Quant aux contrôles des CRC, que nous suivons aussi pas à pas, ils révèlent que l’organisation et l’approche métier de nombreux services achats ne sont pas toujours en phase avec les nouveaux objectifs de l’achat public.

Jamais rien d‘acquis, dans la pratique, ni parfois même, dans la maîtrise de l’actualité juridique.

C’est aussi pour cela, que de Nöel au Nouvel an, la rédaction d’achatpublic.info restera sur le pont. Et elle vous souhaite d’excellentes fêtes de fin d’année !