Achat public : les pleins et déliés des gouvernements Borne "I"... et "II"

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"Je donne à profusion
Je prête à confusion
"
Miss-Tic 1992



En fonction du prisme selon lequel on tente de l’analyser, le Gouvernement Elisabeth Borne "I" est qualifié de « transitoire » ou de « préfiguration ». Pour signifier qu’en réalité, on attend le "II" pour, d’une part, tenir compte des résultats des prochaines élections législatives et, d’autre part, combler les manques identifiés dans le "I", avec des secrétariats d’Etat dédiés, comme le Transport et le Logement (relire "Les ministres "commande publique" du Gouvernement Elisabeth Borne I"). Il faudra surtout, pour affiner les analyses, attendre les "lettres de missions" précisant les périmètres de chaque ministère et secrétariat d’Etat. Elles seront déterminantes pour maîtriser une redoutable complexité structurelle…
 

Continuité

En revanche, l’analyse sous le prisme "achat public" de la composition de l’actuel gouvernement révèle une certaine continuité, notamment par le maintien de Bruno Le Maire à la tête de Bercy, chargé de "l’Economie, les Finances et la Souveraineté industrielle et numérique". Sa feuille de route sera dictée par l’actualité : hausse des prix et tous les effets de la guerre en Ukraine (lire "Une FAQ (prudente) pour l’application des sanctions contre la Russie").

Interrogée par la rédaction d’achatpublic.info, Laure Bédier, Directrice des affaires juridiques de Bercy, passe en détail ses missions d’urgence : gérer les effets de de la hausse du coût des matières premières sur les contrats publics. Avec une posture réaffirmée : tout l’arsenal est là, à la disposition des acheteurs publics, entre le code et la jurisprudence. Elle considère que la position de la DAJ, fondée sur le principe d’intangibilité du prix, n’est pas "hors sol", pour répondre aux critiques de rigidité (relire "Prix dans les marchés publics : les associations d'élus écrivent à Bruno Le Maire" et "[Tribune] Pénurie des matériaux : l’insoutenable intangibilité du prix"). Selon elle, il est risqué de s’engager, pour les marchés en cours, dans une clause de révision des prix "sèche" : « Il n’y a aucune jurisprudence montrant que l’on peut recourir à l’article R. 2194-5 du CCP pour effectuer une modification sèche du prix dans un marché. Le recours à l’imprévision me paraît plus sûr juridiquement » (revoir "achatpublic invite… Laure Bédier").

Il ne faut pas être grand devin pour affirmer que la mission à long terme de Bercy sera d’assurer le verdissement de la commande publique enclenché par la loi "Climat et résilience" (consultez notre dossier "Loi Climat et résilience"). Et c’est dès maintenant que cela se joue ! Thomas Lesueur, Commissaire général au développement durable au sein du ministère de la Transition écologique, l’a martelé lors de cet autre "achat public invite ..." : « L’achat durable, c’est maintenant ! Pourquoi attendre ? » (revoir "achatpublic invite… Thomas Lesueur"). Et cela concerne tout le monde ! Mais justement, d'un point de vue gouvernance, c’est peut-être là que le bât blesse …
 

Une usine à gaz ?

Certes, l’approvisionnement en énergie et une préoccupation majeure... mais au risque de mettre en place une architecture gouvernementale complexe, qualifiable d’ "usine à gaz", avec des enchevêtrements inévitables de compétences ?
Cette architecture, c’est assurément la traduction institutionnelle des multiples missions, environnementales, sociales et sociétales assignées à la nouvelle commande publique. Rien de nouveau, certainement, comme l’assène Agnès Pannier-Runacher, nouvelle ministre de la Transition énergétique: « Tout le monde a la fibre écolo et ce n'est pas un sujet nouveau pour moi » (BFM 24 mai).
Cette architecture résulte aussi de l’engagement d’Emmanuel Macron annonçant, lors de son discours du 17 avril à Marseille, que la transition écologique occupera une place majeure dans le prochain gouvernement avec une « architecture institutionnelle novatrice ». Et pour cause : la Première ministre est directement chargée de la Planification écologique ; Amélie de Montchalin est nommée ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires ; la Planification énergétique a été confiée à Agnès Pannier-Runacher. Si on ajoute que Bruno Le Maire est aussi chargé de la Souveraineté industrielle...
 

Organisation d’entreprise

La difficulté institutionnelle est pressentie : Élisabeth Borne a nommé Antoine Pellion, jusqu’alors conseiller en matière d’environnement à Matignon, "secrétaire général à la Planification écologique". Un véritable aiguilleur (comme il existe des référents développement durable dans les collectivités : relire "Développement durable : faut-il un référent pour les achats ?") : il est chargé de coordonner l’élaboration des stratégies nationales en matière de climat, d’énergie, de biodiversité et d’économie circulaire…
Interrogée sur le choix d'avoir associé transition écologique et collectivités locales sous un même ministère, Olivia Grégoire, nouvelle porte-parole du Gouvernement, lors du point presse du premier Conseil des ministres le lundi 23 mai, a affirmé que le redécoupage ayant donné lieu à « la réunion de ces deux périmètres » est « extrêmement important », en ce qu'il montre que la transition écologique doit irriguer « l'ensemble des politiques publiques », et être mise en œuvre en tenant compte des « spécificités des territoires ».
Compliqué, pour M. Pellion, d'assurer de la cohérence dans tout cela ...

Mettre en place une organisation, pour un gouvernement comme pour une entreprise, ce n'est jamais facile, ni anodin
En droit, on recourt aux notions de critère organique ou matériel. Binaire.
Mais dans le monde de l’entreprise, univers très familier de la majorité des membres du gouvernement, on parle d’ « organisation matricielle ». L’intérêt, c’est que là aussi, on pondère les critères de matrice selon les exigences du moment… où lorsqu’on a besoin de livrer un message de renouveau.