[Tribune] Alain Lambert : «Pour une transformation du droit de la commande publique»
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Critique du droit de la commande publique
Selon Alain Lambert, ancien ministre du Budget et président du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), le droit relatif à la commande publique a supplanté, dans les préoccupations de l’acheteur, celle d’opérer l’achat le plus approprié et au meilleur prix. Il renouvèle son appel à enfin une véritable simplification de ce droit, et à une meilleure protection de l’acheteur.
Si des efforts réels ont été réalisés ces dernières années pour aménager le droit de la commande publique, le Gouvernement reste encore trop timoré craignant d’être accusé d’offrir un régime trop permissif.
Le droit français de la commande publique souffre d’une complexité sans nom
Sur le plan local notamment, les élus de petites collectivités s’arrachent toujours les cheveux pour faire respecter un droit devenu inaccessible pour eux, tatillon et paperassier, qui entraîne des effets tout à fait contraires pour la collectivité. Le coût de l’achat public peut être renchéri jusqu’à environ 25 % par rapport à l’achat privé. Alors qu’il devrait permettre, par le jeu de la concurrence, d’obtenir le meilleur, et au plus juste prix.
Il a d’abord pour effet de dissuader les entreprises notamment petites de candidater, lesquelles subissent un effet d’éviction sur les marchés publics, y compris de proximité.Le coût de l’achat public peut être renchéri jusqu’à environ 25 % par rapport à l’achat privé, alors qu’il devrait permettre, par le jeu de la concurrence, d’obtenir le meilleur, et au plus juste prix.
Les modifications incessantes introduites ces dernières années par les majorités politiques successives, bien qu’émanant souvent de nobles velléités, ont échoué à permettre de réelles avancées. Le droit continue à multiplier le nombre d’agents en charge de la commande publique, à constituer des règles éloignées des réalités de la vie publique et du pragmatisme dont les acheteurs publics (et notamment les élus locaux) ont besoin.
Le Code de la commande publique, qui regroupe depuis 2019 l’ensemble des dispositions régissant les contrats en la matière, autrefois éparpillés au sein de sources éparses, et pensé comme une "boîte à outils", n’a pas produit les résultats attendus : il a en lieu de place de simplifier la vie des acheteurs, multiplié les sources. Rappelons que des lois, mêmes adoptées, ne sont parfois pas intégrées au Code alors que les praticiens se doivent de les appliquer.
La meilleure simplification serait la suppression
Il nous faut cesser de vouloir édifier un droit national venant s’ajouter au droit communautaire. Le droit de la commande publique est, à l’image de tant de normes, une sur-transposition du droit européen, et avec, la création de contraintes supplémentaires.
Le Code de la commande publique pourrait tout à fait être transformé en guide de bonnes pratiques. La suppression des seuils nationaux pour les aligner sur les seuils européens constituerait un signal fort, et un moyen de rendre bien plus efficient l’achat public.
La suppression du code permettrait également de supprimer en même temps le délit de favoritisme. Il ne s’agit, en aucune façon, de laisser porte-ouverte aux faits les plus graves (corruption, trafic d’influence, etc.), pour lesquels existent des incriminations distinctes. Il me semble essentiel de sortir enfin de la pénalisation qui a servi dans les années 1990 de miséricorde à bon compte pour le partis politiques qui avaient fondé leur financement sur les marchés publics. 40 ans après nous pourrions renouer avec un droit qui recouvre plus d’objectivité et de sérénité.
Protéger l’acheteur, c’est protéger l’achat !
Si nous voulons que l’acheteur soit le plus compétitif possible, nous devons lui offrir les meilleures conditions, et cesser le soupçon tacite que recèlent nos lois et règlements. L’introduction dans la loi d’une présomption de bonne foi de l’acheteur public, soit un principe de confiance a priori, permettrait d’inverser la situation actuelle où il semble présumé ne pas être digne de confiance. Or, un acheteur mal protégé par la loi cherche à couvrir sa responsabilité plutôt qu’effectuer un achat optimal. Il utilisera des moyens inutiles et couteux, pensant à tort mieux se couvrir.
Une piste d’amélioration de l’achat public constituerait, notamment par les organes professionnels, à procéder à des comparaisons entre achats publics et achats privés et à publier ces résultats, permettant ainsi de vérifier précisément que l’excès de formalisme ne constitue pas un handicap de performance.
Veillons à ce que ce droit qui régit l’activité quotidienne de l’achat public ne soit pas exclusivement réservé à un cercle d’experts de plus en plus étroit.
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