Un référé précontractuel transformé en référé contractuel

  • 15/11/2010
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Le Conseil d’Etat a accordé le droit à un requérant qui avait déposé un recours en référé précontractuel de poursuivre la procédure en référé contractuel. Le candidat évincé n’avait pas été informé du rejet de son offre et de la signature des lots litigieux.

En théorie, la voie du recours contractuel est interdite aux requérants qui ont déjà contesté la procédure de passation d’un contrat en référé précontractuel. Le deuxième alinéa de l’article L551-14 du code de justice administrative (CJA) fixe cette barrière. Toutefois, la haute juridiction vient d’entrouvrir une brèche dans cette muraille. Ces dispositions « n'ont pas pour effet de rendre irrecevable un recours contractuel introduit par un concurrent évincé qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel », ont indiqué les sages du Palais-Royal dans leur arrêt du 10 novembre qui fera jurisprudence (1). Il faut pour cela que le candidat évincé ait été « dans l'ignorance du rejet de son offre et de la signature du marché par suite d'un manquement du pouvoir adjudicateur au respect des dispositions de l'article 80 du code des marchés publics qui prévoit l'obligation de notifier aux candidats le rejet de leurs offres et fixe un délai minimum de seize jours, réduit à onze jours dans le cas d'une transmission électronique, entre cette notification et la conclusion du marché ». En clair : le non respect par la personne publique des procédures d’informations des candidats évincés et du délai de stand still ouvre la boîte de Pandore ! Dans l’affaire jugée, un candidat à un marché de fourniture et de livraison de 92 lots de produits alimentaires lancé par l’établissement public national France Agrimer s’était aperçu en cours de procédure devant le juge de la signature des contrats (2). Initialement, l’entreprise FIT, qui avait déposé une offre pour une vingtaine de lots, avait saisi le juge des référés précontractuels d’une demande en annulation de la consultation car elle n’avait pas pu présenter une offre « suffisamment éclairée » selon les juges. L’entreprise n’avait pas eu toutes les informations sur la façon dont seraient jugées les offres.

Le requérant pas informé du rejet de son offre

Pour sa défense, l’établissement public France Agrimer a indiqué que tous les lots du marché avaient été signés... Dans un mémoire en réplique, la société FIT a donc demandé au juge l’annulation des lots sur la base, cette fois, du référé contractuel. Le TA a accédé à la demande en résiliant les lots sur le fondement des articles L551-13 et L551-18 du CJA (relatifs au référé contractuel). Le Conseil d’Etat a validé le tour de passe-passe. « La société FIT n'avait pas été informée du rejet de son offre lorsqu'elle a saisi le juge des référés sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a-t-il justifié. Dès lors, les dispositions du second alinéa de l'article L. 551-14 du code de justice administrative ne faisaient pas obstacle à ce qu'elle forme le 4 juin 2010 un recours contractuel, sur le fondement de l'article L. 551-13 de ce code, après avoir été informée, par le mémoire en défense de France Agrimer dans le cadre de l'instance en référé précontractuel, de ce que les contrats avaient été signés pour les lots litigieux le 26 avril 2010 ». Un doute avait été soulevé sur l’application des dispositions du référé contractuel à ce litige au regard de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 7 mai 2009 qui a introduit cet outil dans le droit français. L’argument a été vite balayé par la haute juridiction. Seul un avis de pré-information à l’office des publications des communautés européennes avait été publié avant le 1er décembre 2009, date d’entrée en vigueur de la procédure de référé contractuel. Or un avis de pré-information « se borne à faire connaître les intentions d’achat de la personne publique. (…) Il ne peut être regardé comme l’engagement d’une procédure de passation ».

(1) CE 10 novembre 2010, Etablissement public national des produits de l’agriculture et de la mer (France Agrimer), CE 10 novembre 2010 France Agrimer (1.33 MB)

(2) Lire notre article : le référé précontractuel pourrait se muer en référé contractuel