Interdiction de soumissionner : Smirgeomes s’applique

  • 16/11/2010
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Selon un arrêt du Conseil d’Etat du 10 novembre 2010, la faute commise par une personne publique qui écarte une candidature au regard de mauvaises relations contractuelles passées est sans conséquence à partir du moment où l’entreprise n’a pu être lésée par ce manquement. Côté entreprise, un référé précontractuel est recevable même si le requérant a omis d’informer le pouvoir adjudicateur du dépôt d’un recours.

Pour écarter une candidature, il faut de bonnes raisons. Ecarter une entreprise en s’appuyant sur le seul fait de ses manquements lors de l’exécution de précédents marchés est illégal. Une entreprise ne peut être condamnée indéfiniment au bagne. Chacun peut s’améliorer et devrait avoir le droit à une nouvelle chance (1). Le juge des référés du TA de Cayenne a voulu le rappeler le 16 juin dernier dans un litige opposant une société de travaux au ministère de la Défense pour deux marchés de rénovation. Il avait annulé deux décisions du directeur de l’infrastructure de la défense à Cayenne rejetant la candidature de la société Multi Travaux Guyane (MTG) parce que le pouvoir adjudicateur n’avait pas pris en compte les garanties nouvelles présentées par l’entreprise par rapport aux anciens contrats. Sauf que le juge n’a pas recherché si ces manquements étaient susceptibles d’avoir lésé la société MTG ou risquaient de la léser. Erreur fatale. La haute juridiction a annulé ses deux ordonnances (2).

Redressement judiciaire

Le manquement des services de l’Etat est incontestable, mais il n’a pas ici lésé l’entreprise pour la seule et bonne raison que cette société n’avait pas le droit de candidater aux marchés à l’époque où la consultation a été lancée… La combinaison des dispositions des articles 8 et 38 de l’ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes non soumises au code des marchés publics, reprises dans le code des marchés publics aux articles 43 et 52, limite l’action d’une entreprise placée en redressement judiciaire. « Une société en redressement judiciaire n'est pas recevable à soumissionner à un marché dont l'exécution s'étend au-delà de la période d'observation admise par le jugement l'autorisant à poursuivre son activité », ont ainsi indiqué les juges du Palais-Royal. L’article 8 de l’ordonnance de 2005 prévoit en effet que les personnes admises à la procédure de redressement judiciaire instituée par l’article L631-1 du code de commerce « doivent justifier qu’elles ont été habilités à poursuivre leurs activités pendant la durée prévisible d’exécution du marché ».

Dans le contentieux guyanais, l’entreprise avait été placée en redressement judiciaire jusqu’au 23 mars 2010. Les travaux, objet de la consultation, ne devaient débuter qu’au mois de juin suivant, « soit après la fin de la période d’observation » ont toutefois relevé les juges. Mais l’avis d’appel public à la concurrence avait été, lui, lancé le 1er mars 2010… Conclusion : « la société MTG, qui n'était pas recevable à soumissionner au marché litigieux, n'était pas susceptible d'être lésée ou de risquer d'être lésée par l'irrégularité qu'elle invoque ». Une entreprise peut essayer de démontrer qu’elle a amélioré son service par rapport à de précédents contrats, encore faut-il qu’elle démontre également qu’elle aura les mains libres d’exécuter le marché après accord du tribunal de commerce.

Recevabilité d’un référé précontractuel

Ce contentieux a en outre permis au Conseil d’Etat de préciser la jurisprudence en matière de recevabilité d’un référé précontractuel. Il a en effet accepté qu’un requérant puisse omettre d’informer un pouvoir adjudicateur sur le dépôt d’un recours, comme le préconise pourtant l’article R551-1 du code de justice administrative. « Ces dispositions, prévues dans l'intérêt de l'auteur du référé en vue d'éviter que le marché contesté ne soit prématurément signé par le pouvoir adjudicateur resté dans l'ignorance de l'introduction d'un recours, ne sont pas prescrites à peine d'irrecevabilité de ce recours », ont jugé les sages du Palais-Royal. En d’autres termes, l'absence de la notification du recours de la société MTG au ministre de la Défense ne rendait pas ce recours irrecevable. Comme le prétendaient les services de l’Etat.

(1) Des précisions jurisprudentielles en vue sur le référé précontractuel

(2) CE du 10 novembre 2010, Ministre de la Défense, n°341132 & 341133, CE 10 novembre 2010 Défense (993.94 kB) ; CE 10 novembre 2010 Défense 2 (905.56 kB)