Recours contre les DSP : le Conseil d’Etat précise les contours de la jurisprudence

  • 30/11/2010
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La plage de Pampelonne à Ramatuelle, au cœur de multiples recours depuis près de 10 ans pour l’exploitation d’une ancienne parcelle, a poussé la haute juridiction à compléter l’arsenal juridique sur les délégations de service public. Les requérants ne peuvent, par exemple, contester que les actes détachables qui se rapportent aux lots auxquels ils ont été candidats.

« Un candidat à une délégation de service public portant sur des lots distincts n'a intérêt, en cette qualité, à demander l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte détachable du contrat, que dans la mesure où cet acte se rapporte à l'attribution du lot ou des lots pour lesquels il a présenté sa candidature. » Cet arrêt du Conseil d’Etat du 24 novembre fera date (1). Dans l’affaire jugée, le requérant avait demandé l’annulation d’une délibération arrêtant la liste des délégataires de lots de plages. La haute juridiction a estimé sa demande irrecevable puisque la délibération portait « sur l’attribution de lots autres que celui pour lequel [il] (…) avait manifesté un intérêt en présentant sa candidature ». L’existence de lots distincts limite les possibilités pour les requérants. « Lorsqu'une délégation de service public porte sur l'attribution de lots distincts, un candidat ne peut utilement invoquer une rupture d'égalité tenant à ce que sa candidature pour l'attribution d'un lot a été rejetée alors que des candidatures présentant les mêmes caractéristiques auraient été admises pour l'attribution d'autres lots. » Dans l’affaire de Ramatuelle, le requérant, candidat à l’exploitation d’une parcelle de plage qu’il occupait précédemment mais non remise en concurrence par la ville, était, selon le juge suprême « dépourvu d’intérêt » pour demander l’annulation de la délibération approuvant la liste des attributaires des lots de plages. Non seulement, le lot que le requérant visait n’était pas mis en concurrence (2), mais en plus, « il avait été exclu de la procédure de passation des délégations de service public ». L’acharnement ne lui a pas profité.

Le passé du candidat pris en compte

Dans un second arrêt du même jour et à propos du même lot de plage litigieux, le Conseil d’Etat a autorisé la commission qui dresse la liste des candidats à une DSP à « légalement prendre en compte, au titre de l'appréciation de l'aptitude d'un candidat à assurer la continuité du service public, celle qu'il a manifesté dans le cadre d'une précédente délégation, à condition de prendre également en considération tout autre élément du dossier produit par le candidat ». A Ramatuelle, le candidat avait par le passé « provoqué d’importants troubles de voisinage et nuisances », sans jamais y remédier « en dépit de nombreuses demandes et actions engagées pour les faire cesser ». Pour compléter le tout, « il a poursuivi l'exploitation de son établissement construit sur le domaine public longtemps après l'expiration de sa délégation »… En se fondant sur le dossier produit par le candidat et ces éléments, la collectivité pouvait l’écarter « au motif qu’il ne justifiait pas de son aptitude à assurer la continuité du service public ». Le Conseil d’Etat a profité de ce second arrêt pour préciser la nature de la décision de rejet d’une candidature à DSP. Elle « ne constitue pas le refus d'une autorisation au sens des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 [relative à la motivation des actes administratifs, ndlr]. Elle n'entre dans aucune autre catégorie de décision administrative devant faire l'objet d'une motivation en application de ces dispositions ». Le juge doit aussi se montrer prudent. Il ne peut juger illégal le rejet d’une candidature par la commission des délégations de service public en se fondant sur une grille d’analyse établie par celle-ci. Dans l’affaire, cette fameuse grille d’analyse n’avait « pas été versée au dossier ni soumise au débat contradictoire ». Le Conseil d’Etat a censuré l’arrêt de la CAA pour méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure…

La publicité locale et spécialisée pour les plages

Côté publicité en revanche, le Conseil d’Etat s’est montré plus souple. « Aucun texte ni principe n'impose que la délégation de service public d'une plage fasse l'objet d'un avis de publicité dans une publication relevant du niveau de l'Union européenne »… La ville de Ramatuelle n’avait passé un avis que dans le quotidien Var-Matin et dans la revue spécialisée L’Hôtellerie. « Les publications faites (…) étaient suffisantes pour permettre à une personne intéressée par une délégation de service public de la plage de Pampelonne et raisonnablement vigilante de présenter sa candidature ». Au passage, le juge suprême a estimé « sans incidence » l’envoi pour publication de l’AAPC relatif au lancement de la DSP quatre jours avant que la délibération adoptant le principe de la DSP, le RC et autorisant le maire à conduire la mesure de publicité ne soit devenue exécutoire. Ces nombreux épisodes jurisprudentiels pourraient trouver une suite. Ce même 24 novembre, le Conseil d’Etat examinait en audience d’autres recours portant sur le même lot de plage litigieux de Ramatuelle. Ils abordaient d’autres questions (consultation comité technique paritaire de la ville en cas de mode de gestion dans l’exploitation du lot, existence d’un seuil pour la passation d’une DSP, etc) qui pourraient venir à nouveau compléter cette première série d’arrêts…

(1) Voir : CE 24 novembre 2010, Commune de Ramatuelle, n°336265, 335703, 336264

(2) Lire : Difficile d’attaquer une procédure de DSP à propos d’un lot inexistant