Edito 593

  • 03/06/2016
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Plus belle la commande publique, saison 3, épisode 5

Gare de Lyon, six heures du matin. Adossés à un distributeur de friandises et de sodas destinés à accélérer le % de diabétiques dans la population, Adhémar Chaidetravot et Bruno Desclozes, tous deux acheteurs respectivement au département de Vésubie Inférieure et à la mairie de Pichade-sur-Mer, se réveillent avec une mine de papier mâché, les yeux cernés par des malles de transatlantique, l’haleine fétide, le corps ankylosé après une nuit inconfortable, l’habit fripé et maculé par des volatiles traditionnels locataires de l’endroit. Il faut dire qu’ils se sont résignés à dormir sur place après avoir attendu, en vain, un train pour repartir en Septicémie Septentrionale. « C’est bien notre veine ces grèves. Pour une fois que c’était notre tour de venir au Salon des maires. Misère, j’ai les arpions en compote. Et je ne te parle pas de mes reniflantes en bouillie avec cette marche interminable ! Le cordonnier venait juste de les ressemeler. Le comble, c’est que la RATP a obtenu un trophée de la commande publique pour les achats de tenues de ses agents (lire notre article) », se lamente Desclozes.  « Arrête de faire ton circassien et de me seriner avec tes escarpins. Y a bien pire », coupe son confrère. « Pense à nos collègues de Marseille Métropole qui ont vu la délibération approuvant leur DSP de traitement des déchets partir à la poubelle (lire notre article). Et nos homologues de l’hôpital de Clamesset ! Ils vont rejoindre un GHT dans à peine un mois, alors que la ligne de démarcation des segments entre opérateurs nationaux et régionaux provoque du chambard (lire notre article). Je ne te parle même pas de nos collègues des petites communes largués par la nouvelle réglementation. C’est vrai que pour les avenants, on n’en comprend pas une broquille. Comme le dit Me Colson, la complexité semble érigée en système (lire notre invité du jeudi). Heureusement que le Conseil d’Etat nous autorise à accepter des délais d’intervention des fournisseurs plus courts que ceux indiqués par les cahiers des charges (lire notre article). « N’empêche, j’ai le dos en capilotade », continue imperturbable l’acheteur municipal, « je dois trimballer au moins vingt kilos de documentation. J’ai déniché des trucs infernaux : un dispositif anti-enroulement des drapeaux et des pavillons autour des mâts inclinés, un système de recyclage des crottes de chien pour en faire du compost naturel, un porte-manteau anti-poux pour les crèches et les écoles maternelles, et un système de bornes déclenchant un faisceau lumineux pour marquer les passages piétons la nuit (lire notre info)». Bon allez, fin de cette crème d’édito dédicacée à mon patron, pour qui un chou reste un chou (j’ai des témoins). A la semaine prochaine, peut-être.

Jean-Marc Binot