Edito 595

  • 17/06/2016
partager :

Plus belle la commande publique, saison 3, épisode 6

A l’annexe de l’hôtel de département de Vésubie-Inférieure, dans le préfabriqué vieillot et délicieusement amianté hébergeant la direction des achats, règne une ambiance pour le moins studieuse. D’habitude plutôt jovial, souvent un brin égrillard, Fernand Tissement, chargé du suivi financier des marchés, ne moufte pas, sérieux comme un pape constipé sur son (saint) siège. Entouré d’un monticule d’ouvrages spécialisés et de feuilles de notes zébrées d’un sabir incompréhensible pour le commun des mortels, l’acheteur vésubien révise, alors que les épreuves de fin d’année de son mastère en management des achats arrivent à grands pas. Aussi concentré qu’une tomate promise à une pizza, il plisse tellement les yeux qu’un tsunami de rides déferle sur son visage. « Ben alors, mon Fernand, tu potasses ? », le taquine Candy d’Atture, responsable de l'analyse des offres, soulagée d’avoir, pour sa part, brillamment réussi le concours d’attaché territorial. « M’en parle pas. C’est soir et matin. Heureusement, on s’encourage à la maison avec ma puînée qui est en terminale. Et puis j’ai pris des forces avec une pharmacopée digne des suiveurs du tour de France », lui répond le bachoteur. « Tu veux que je t’aide ? J’ai encore mes sujets en droit des contrats. Tu avais le choix entre trois questions. 1) Dans le cadre d’un recours Tropic, le juge administratif peut-il décider de la poursuite de l’exécution du contrat bien qu’il ait reconnu des illégalités commises par le pouvoir adjudicateur ? Et si oui, pourquoi ? (lire notre article). 2) La personne publique peut-elle fonder son jugement sur des critères portant sur les capacités générales de l’entreprise au stade de l’analyse des offres ? (lire notre article). 3) Lors d’un concours, peut-on attribuer une prime à une offre non conforme ? (lire notre info). Je te recommande aussi de bûcher la presse pro, parce qu’à l’oral, tu auras des questions sur l’actualité, par exemple la ratification des ordonnances marchés et concessions par les députés (lire notre article) ou l’extension du délit de favoritisme aux concessions (lire notre info). » L’acheteuse voit alors son collègue se décomposer. « T’es sérieuse ? Ou tu veux me casser le moral ? Je vais faire l’impasse sur le juridique et me concentrer sur le côté économique, puisqu’il paraît qu’on jette l’argent par les fenêtres (lire notre article). De toute façon, mon mémoire de soutenance porte sur le rôle d’animateur et de facilitateur de l’acheteur du 21ème siècle. Je relis l’entretien d’Olivier Griess, le chef de la plate-forme achats de l’Etat dans les Pays de Loire, et c’est dans la poche (lire notre invité du jeudi). » Bon allez, terminus de cet édito sans fondement qui restera quand même dans les annales en décuplant les ventes (je sais, on s’éloigne du cercle des poètes disparus, mais mon patron m’assure ses grands dieux que faire dans le trash, c'est bon pour la diffusion). A la semaine prochaine, peut-être.

Jean-Marc Binot