Elections municipales : des effets (parfois) bénéfiques sur la commande publique

  • 31/10/2019
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"La flatterie est une fausse monnaie qui n'a de cours que par notre vanité"
François De La Rochefoucauld

On a coutume d’écrire que les élections municipales perturbent la commande publique. C’est le fameux "effet levier du cycle électoral", qui inciterait les élus à mettre les bouchées doubles en fin de mandat, à reprendre ou à finaliser les investissements publics (lire : "Chiffres de la commande publique 2019 : réelle reprise ou manifestation du « cycle électoral » ?"). En réalité, l’"effet élections municipales" n’est pas qu’économique : il est aussi "politique".
 

Yeux doux et cajoleries

Classiquement, tout gouvernement qui se respecte sait (même tardivement) faire les yeux doux aux (futurs) élus locaux, en les cajolant, en les comprenant, et en mettant tout en œuvre pour "alléger leur fardeau". La commande publique n’échappe pas à cette règle tactique.
Le relèvement annoncé du seuil à 40 000 €, c’est, bien sûr, pour fluidifier la commande publique et favoriser son accès aux PME/TPE. Mais le 17 juillet, lors de la présentation en Conseil des ministres du projet de loi Engagement et proximité, le gouvernement explique que ce relèvement du seuil marchés publics passés sans formalités a pour but « de faciliter la vie des maires » (relire "Marchés publics et relèvement de seuil : quinze ans de plaidoyers, arguties... et autres propositions" et "Du gré à gré jusqu’à 40 000 euros : une source d’inquiétude"). C’est selon cet angle que le gouvernement a continué de communiquer : « Le seuil de déclenchement de la procédure de mise en concurrence sera relevé au-delà de 25 000 € pour éviter au maire trop de procédures et faciliter son travail » (relire "C’est l'histoire d’un serpent de mer… qui tourne en rond").
Politiquement aussi, certains marqueurs, ou considérés comme tels, peuvent avoir des répercutions directes sur les achats publics (à propos de l’armement des policiers municipaux, relire "Police municipale : les acheteurs à cran" 1 et 2). Et parfois même, on frise la surenchère électoraliste, en dépit du bon sens et des principes fondamentaux de la commande publique (relire "Non, la commande publique n’est pas un jouet !").
 

Floraison

L’effet élections municipales se manifeste aussi par la floraison de livres blancs, recommandations et autres "cahiers de doléances". Par exemple, la CPME Paris suggère aux candidats d’inscrire dans leurs programmes la rédaction d’un « Parisian Small Business Act exemplaire » qui faciliterait l’accès des TPE/PME aux marchés publics de la ville en augmentant la part de la commande qui leur est réservée, en nombre comme en valeur (lire "Municipales à Paris : la CPME présente ses doléances aux candidats"). 
Plus récemment, l’association Anticor invite les candidats aux élections municipales à intégrer dans leur programme tout ou partie de ses 30 propositions pour des communes plus éthiques, qu’il s’agisse de prévention des conflits d’intérêts, de transparence de l’action publique ou de lutte contre la corruption (Lire "Municipales 2020 : les 30 recommandations d’Anticor aux futurs élus").

Yeux doux, recommandations, promesses et autres amicales pressions... les effets induits des élections savent prendre bien des aspects ! Mais il y a aussi ces élus locaux qui semblent faire fi des échéances électorales ; ceux qui tracent leur chemin, dessiné à l’aune de leurs convictions (lire "Gilles Pérole : l’exception alimentaire en ligne de mire"). Il faut savoir s'en réjouir.

 
Jean-Marc Joannès