Incantatoire ou pragmatique, les deux visages de "la commande publique de relance"

  • 16/07/2020
partager :

"L'essentiel est de travailler dans un état d'esprit proche de la prière"
Henri Matisse


C’est donc l’objectif premier, absolu et définitif : relancer l’économie ! Si les premiers signaux positifs apparaissent (relire "La commande publique reprend des couleurs !"), les efforts, aux dires de tous, sont plus que jamais encore à fournir. Et la commande publique sera un élément important de la relance... si ce n’est l’outil principal.
Et là, deux approches coexistent.
 

Une vision politique

D’une part, la vision "politique". Dans cette catégorie, on retrouve surtout suppliques, injonctions et autres recommandations. Remonter les seuils, d’abord. Cela paraît si évident et si simple à mettre en œuvre ! Exit, le seuil à 40 K€ (relire notre dossier "Les seuils dans la commande publique"). En le faisant passer (temporairement ou définitivement), à 80 K€ (sur la base d’un calcul simpliciste : 2X 40 ?) ou 100 K€ (par analogie aux marchés innovants ?), cela irait donc bien mieux (relire aussi "Les seuils dans les marchés publics : verrous ou garanties ?") ! Vraiment ? A la base de l’achat public, il reste la définition de besoin. C’est le BA-B-A, non ? Et si le besoin, c’est de dépenser les deniers publics, il y a de quoi choquer, non ? (relire [Cash ITV] "Il est fondamental de ne pas oublier l’exigence de bonne gestion des deniers publics").
 

Traduction juridique

Au titre de l’incantation, il y a aussi cette demande, formulée à point nommé, de "verdir" encore plus la commande publique. L’une des propositions de la Convention citoyenne pour le climat (et qui n’est pas de celles écartées par le Président de la République), c’est de rendre obligatoire une clause environnementale, pour tous les marchés publics (relire "Convention citoyenne pour le climat : clause environnementale et écocide" et "Commande publique : pourquoi ils ont réinventé l’eau tiède")... Il va falloir donc traduire en droit cette proposition.
Car il ne suffit pas de déclarer obligatoire un critère : il faut être en mesure de le définir. Et vérifier, si l’on veut respecter l’universalité de la proposition, qu'une clause environnementale puisse s’appliquer réellement à tous les marchés publics, quels que soient leur montant et leur nature.
Juristes, affûtez vos esprits ! Il va bien falloir mettre en action votre fertile imagination pour "traduire" la volonté politique. Pas facile : l’insertion de clause RSE n’est pas chose aisée : le juge veille toujours à ce qu’un critère soit toujours en lien avec le marché (relire "Critères RSE : "Beaucoup de maîtres d’ouvrage ont fait preuve de légèreté ").

Autre demande, assez pragmatique : assurer le continuum de la commande publique. Après une activité économique réduite  pour cause de crise sanitaire et d'elections municipales en deux temps, peu propices à la commande publique, il faudrait considérer que des vacances estivales de la commande publique n’ont pas lieu d’être pour l'acheteur public : pourquoi repousser une commande publique que, de toute façon, il faudra lancer ? (relire "Relancer la commande publique : "c’est maintenant !").
 

Stratégie et savoir faire locaux

D’autre part, il y a "le terrain". Et sur te terrain, la crise économique issue de la pandémie a le mérite de rappeler aux services achats la valeur stratégique de leur achat. C’est donc l’heure de revisiter ses classiques. A commencer par la matrice de Krajic (lire "La matrice de Kraljic : l’outil d’un bon achat " et relire "Quelles stratégies en fonction des familles d’achats dans le secteur public ?"), « l’outil par excellence pour préparer au mieux sourcing et mise en concurrence ». Et puis, le "marketing" (relire "Du sourcing à l’étude de marché : optimisation du marché public par le marketing achat").

Une mise en oeuvre "reboostée" de la commande publique, cela passe aussi par des pratiques saines, qui consistent à s’enquérir de la santé de ses prestataires et fournisseurs (relire "[Interview] "Demander un plan de continuité des activités, c'est multi vertueux!" et "Juridique, économique… et bientôt « bienveillante », voici la nouvelle commande publique !"). Voire, sans complexe, s’assurer de la viabilité de la chaîne d’approvisionnement de vos fournisseurs, en amont de la passation de vos marchés (relire "Astuces pour vérifier la supply chain des candidats à un marché public").
Avouons-le, c’est sans doute plus "par le terrain" que grâce aux discours que la relance s’enclenchera (relire "D'Est en Ouest, les acheteurs publics tiennent la barre [Cash Interview]").
 

« Achat public résilient »

Et c’est l’occassion de le faire savoir et de metrre en valeur vos plans et méthodes de relance, en participant aux Trophées de la commande publique  2020. La 13e édition des TCP est ouverte. Comme en témoigne un précédent lauréat : « Cela nous a permis d’envoyer un message fort sur les attentes écologiques et qualitatives des acheteurs publics » (relire "Trophées de la commande publique 2020 : les 1001 raisons (au moins) d'y participer ").
Cette année, le jury de professionnels de l’achat public décernera un prix spécial, mention "Résilence covid-19" (relire "Trophées de la commande publique 2020 : c’est parti !")


Relire notre dossier : "Relancer la commande publique. Oui, mais comment ?"

Jean-Marc Joannès