L’actualité commande publique bégaye (mais les acheteurs peuvent y faire face !)

  • 15/04/2021
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«Etre possédé par l'actualité, c'est être possédé par l'oubli»
Milan Kundera


« Mêmes causes, mêmes effets » ? En voilà un adage qui pourrait rassurer le pauvre éditorialiste en recherche, d’un billet à l’autre, d'originalité… Oui, certes, l’achat public est toujours riche. Oui, en effet, l’acheteur public sait faire preuve de débrouillardise, voire d’ingéniosité pour appliquer la règle de droit en toute intelligente. Oui, à l'évidence, la règle de droit est parfois "impressionnante", si ce n’est pas ses enjeux, au moins par les réactions et commentaires qu’elle suscite.
Alors, a priori, un édito hebdomadaire, cela devrait pourvoir être ciselé selon un angle différent. Oui… en théorie.

La semaine dernière, l’édito d’achatpublic.info fustigeait cette façon qu’a le législateur d’écrire, souvent en urgence, la loi. Sans tenir compte, d’une part, des réalités du terrain et, d’autre part, des difficultés à la mettre en œuvre (relire "Avant, pendant, après… des trous dans la raquette "commande publique""). Et puis, nous constations cette tendance exponentielle à vouloir inscrire dans le marbre de la loi des "grands principes", qui génére des "trous dans la raquette", assez incompréhensibles. Ils mènent alors à un lobbying intense,lors des trvaux parlementaires, d’ordre "correctif" (relire "Dérèglement climatique et commande publique : France Urbaine à la manœuvre (2/2)").
Tout cela a trait, en réalité, à ce qu’on appelle les "lois d’émotion" (relire, il y a tout juste deux ans, au sujet de l’incendie de la Cathédrale Notre Dame "L’émotion nationale, un nouveau critère ?").
 

Bis repetita

Et bien cette semaine, on est reparti sur le même schéma ! « L’actu prime !» dit-on. Mais se répète.
Car l’autre projet de loi "à grands principes "sur l’établi législatif, concomitamment au projet de loi "Climat et résilience", c’est le projet de loi visant à conforter les principes de la République. Là, ce qui le sous-tend, c’est la défense d’un des fondements de la République : la laïcité. Et là aussi, la commande publique se retrouve impactée. Une de ses dispositions "phares" prévoit que lorsqu’un contrat de la commande publique a pour objet, en tout ou partie, l’exécution d’un service public, son titulaire est tenu d’assurer l’égalité des usagers devant le service public et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public (relire "L'acheteur public au secours des principes de la République" et "Extension du champ du principe de neutralité républicaine dans les contrats publics").

Comme pour le projet de loi « Climat et résilience », nous nous sommes faits rapidement écho de certaines inquiétudes (relire l’interview de Samuel Dyens "Vers une neutralité politique et religieuse à l’égard des salariés du titulaire d’un marché public ?"). Et comme pour le projet de loi « Climat et résilience », même le Conseil d’Etat a émis certaines réserves (relire "Projet de loi confortant le respect des principes de la République : le "oui mais" du Conseil d’Etat").

Cette semaine, Yves Delaire se penche non sur le fondement du projet de loi de défense des principes Républicains, ou sur son mécanisme principal consistant (à nouveau : relire "« Une clause environnementale obligatoire ? C’est risqué, de vouloir inscrire une pétition de principe dans le code ! »") à inscrire un principe « sociétal » dans le droit, mais son champ d’application, tel que prévu dans le texte. Là aussi, "il y a des (gros) trous dans la raquette".
 

Des trous dans la raquette (encore !)

L’avocat ne comprend pas : « En visant exclusivement les contrats de la commande publique et un objet limité à l’exécution en tout ou partie, d’un service public, le projet de loi est loin de toucher l’ensemble des contrats conclus par les personnes publiques susceptibles de répondre à l’objectif du législateur» (lire "De la neutralité dans la commande publique au séparatisme contractuel ?"). En effet, les contrats ou conventions ayant pour objet des subventions ou l’occupation domaniale concernent aussi des secteurs dans lesquels peuvent s’insinuer les manifestations de sectarisme ou de prosélytisme que le législateur tente par ce projet de loi de contrecarrer. Sans compter aussi autorisations d’occupation temporaire (AOT) du domaine public qui confèrent à leurs bénéficiaires les mêmes prérogatives sans revêtir une forme contractuelle.
Et Yves Delaire de conclure : « Est-il encore temps pour le législateur de viser l’ensemble des contrats publics portant sur l’exécution ou l’association à l’exécution d’un service public ou d’une activité d’intérêt général ?»
 

Anticiper : les CCAG commentés à votre disposition

Avec la réforme des CCAG, c’est un tout autre exercice pour les acheteurs. Certes, ils se sont fait attendre et leur publication au JO du 1er avril a suscité une certaine forme d’agacement. Mais en réalité, le délai pour se les approprier est assez large (relire "Nouveaux CCAG : Pas de panique ! Prenez votre temps").

Il faut savoir, d’abord, se rassurer : oui, les six nouveaux CCAG sont applicables depuis le 1er avril 2021. Mais les praticiens bénéficient d’une période de transition : ils peuvent continuer à renvoyer leurs marchés aux anciens CCAG (version 2009) jusqu’au 30 septembre 2021. Et si les pièces d’un marché ne visent pas expressément la version applicable,  par défaut et jusqu’au 30 septembre 2021, c’est la version 2009 qui s’appliquera tacitement.

Il faut savoir, ensuite, se les approprier. Les nouveaux CCAG comportent, au-delà de précisions terminologiques, de nombreuses nouveautés, parfois communes, parfois propres à chacun. C’est pourquoi Jérôme Michon, Professeur à l’Ecole Spéciale des Travaux Publics, du Bâtiment et de l’Industrie (ESTP) et Président de l’Institut de la Commande Publique et achatpublic.info mettent à votre disposition, à compter de cette semaine, les CCAG 2021 annotés, commentés et enrichis de conseils pratiques. Pour chacun, un tableau liste les principales nouveautés.
Les deux premiers sont téléchargeables, gratuitement, ici

CCAG Travaux- Annoté et commenté
CCAG Maîtrise d’œuvre - Annoté et commenté

« Keep calm and read the CCAGs »


 
Jean-Marc Joannès