Juridique, économique… et bientôt « bienveillante », voici la nouvelle commande publique !

  • 02/07/2020
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"Une bonne part de l'altruisme, même parfaitement honnête, repose sur le fait qu'il est inconfortable d'avoir des gens malheureux autour de soi."
H. L. Mencken

Changement de tonalité. Après le "choc", après la "désorganisation", puis la "résilience" des services Achat, après la mise en place d’un arsenal juridique (au pas de charge et à grand coups d’ordonnances), il semble désormais que l’économie ne sortira pas de la crise sans une bonne dose de bienveillance. Fini le "prenez-soin de vous" affiché à l’entrée de nombreuses entreprises, le climat vire au "Faites donc attention aux autres". Il va falloir refaire des affichettes !  

Dès le début de la pandémie et de ses conséquences prévisibles, nombreux sont ceux qui ont appelé à mettre tout en œuvre pour préserver autant que possible le tissu économique. « Lorsqu’une crise d’une telle ampleur et aussi soudaine que celle du Covid19 survient, c’est ensemble que maîtres d’ouvrage publics et prestataires, doivent y faire face » (relire "Élus et acheteurs publics, ne mettez pas les bureaux d’études à l’arrêt !").
Autrement dit, "à jouer perso", à ne pas prendre soin des entreprises, les acheteurs publics courent le risque de voir disparaître le tissu économique de proximité et les prestataires avec qui ils avaient noué des relations de confiance. Depuis le début de la crise, le gouvernement prend le parti, assumé, de protéger les fournisseurs (lire "Entreprise en difficulté : une séparation désormais interdite pour l’acheteur ?").
 

« Postures et ruptures brutales»

Les appels à l’aide et à la solidarité n’ont visiblement pas été entendus par tous. Lors d’une conférence de presse (une vraie ! Enfin ! Avec des personnes en face en face qui inter-agissent !) le 1er juillet, le Médiateur des entreprises tire un bilan assez rude des tensions qu’il tente d’apaiser (lire "Relancer la commande publique : "c’est maintenant !"). Ce sont les délais de paiement qui arrivent en tête des problématiques les plus traitées (50 %), devant les pratiques déloyales dans les relations contractuelles (40 %). Le Médiateur des entreprises rappelle que l’objectif du comité de crise mis en place par Bercy, c’est bien de mettre fin à  certaines "postures" et "pratiques" : exigences unilatérales de réduction aux fournisseurs, « dans des proportions parfois incroyables ! », et autres « ruptures brutales ». Pierre Pelouzet mentionne également ces pénalités de retard infligées alors que les entreprises ne sont pourtant pas, objectivement, en mesure de livrer dans les délais.
Moins versé dans un discours tout en rondeur, le BTP n’hésite pas à user d'un vocabulaire au registre "violent" pour appeler la commande publique à la rescousse. Le président de la FFB prévoit un «coup de massue» à la rentrée. Pour son nouveau président, Olivier Salleron, il en restera de «profondes cicatrices» si rien n’est fait dès à présent pour relancer la commande publique. « Le réveil va être brutal » (lire "BTP : des "cicatrices profondes" et " un réveil brutal",  selon la FFB").
 

Franchise et transparence

A nouveau, c’est sur le terrain, et dans une logique de bon sens, que certains acheteurs se préoccupent de leurs fournisseurs et prestataires, avec franchise : serez-vous en mesure d’assurer vos prestations ? Ainsi, pour Xavier Flament, il n’y a pas débat : « je conçois l’achat public comme une relation équilibrée ; la demande de  plan de continuité de l’activité est tout à fait  normale dans le cadre de relations contractuelles » (lire "Demander un plan de continuité des activités, c'est multi vertueux!"). C’est donc sur une certaine pratique de l’achat public désormais que l’on compte pour limiter les dégâts de la crise. Le cadre juridique est posé, maintenant, c’est à vous de jouer : l’acheteur doit se rapprocher, et donc veiller sur "ses" entreprises.
La Direction des achats de l’Etat et l’Agence française anticorruption misent elles aussi sur  la pratique. Dans leur guide anticorruption (lire "Maîtriser le risque de corruption dans le cycle de l’achat public : le nouveau guide de la DAE et de l’AFA"), DAE et AFA  considèrent que c’est grâce à une  « bonne application des pratiques achats» (étude de marché et évaluation des fournisseurs) que la lutte contre la corruption marquera des points.
 

Le faire savoir : osez les TCP !

Ces bonnes pratiques ne prendront toute leur dimension vertueuse que si elles sont connues et duplicables. Une chance ! : la 13e édition des Trophées de la commande publique est ouverte (lire "Trophées de la commande publique 2020 : c’est parti !"). Et comme en témoigne un  précédent lauréat des "TCP" : « Cela nous a permis d’envoyer un message fort sur les attentes écologiques et qualitatives des acheteurs publics » (relire "Trophées de la commande publique 2020 : les 1001 raisons (au moins) d'y participer ").

Allez… « Prenons soin de nous »!

Jean-Marc Joannès