Parler "simple" et dire ce que l'on simplifie

  • 13/09/2019
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"On passe sa vie à romancer les motifs et à simplifier les faits." - Boris Vian

Le deuxième volet de notre enquête-témoignage sur les acheteurs publics (lire" Journal intime d’acheteurs (2) : supporter d’être une fonction support") est consacré aux conséquences du statut de « fonction support ». Tentons une définition dynamique de la "fonction support" en commande publique : il s’agirait pour l’acheteur public, selon les orientations générales décidées par la gouvernance (politique, programmation, RSE et chartes achat !), en tenant compte des besoins exprimés par les services (support !) et au regard des solutions proposées par les fournisseurs (sourcing !) d’engager, conformément à la réglementation en vigueur et dans le respect des principes de la commande publique (Transparence et égalité de traitement !), la procédure et le suivi jusqu’au bout (cycle de vie !) d’un marché pour satisfaire les besoins ainsi identifiés (définition des besoins!).
Sur le papier, assez simple ; dans la pratique… plus compliqué !
 

Expertise et légitimité

« Aider un technicien à réfléchir de manière différente peut-être mal perçu par lui, car nous ne sommes pas des experts techniques » se confie dans notre enquête cet autre acheteur. Propos confirmés, aussi, à la lecture du second volet de notre enquête sur ces collectivités qui décident d’armer leur police municipale (lire "Police municipale : les acheteurs à cran (d’arrêt) 2/2"). Plus encore que pour les marchés traditionnels, « la rédaction du cahier des charges pour l’achat d’armes, c’est la chasse gardée de la police municipale ». C’est donc bien souvent le service logistique et armement de la police municipale qui établit le cahier des charges en collaboration avec les opérationnels qui font part de leurs besoins techniques.
En filigrane transparait ainsi la question de la légitimité, que certains organigrammes ne permettent pas toujours d’assoir. L’acheteur public serait bien souvent perçu par les services comme ce professionnel, légitimiste et garant de la rigueur… mais pas un «opérationnel» proche du terrain, semblent bien souvent considérer les services.
L’arme ultime de l’acheteur, c’est donc l’écoute, la discussion, l'argumentation… Le langage, en somme !

Point de convergence

A propos de langage… Le projet de décret relatif au relèvement du seuil de 25 000  à 40 000 euros  a "fuité" (lire "Le projet de décret relevant le seuil de 25 000 à 40 000 euros dévoilé !" et "Projet décret commande publique : on "avance" vraiment ?) ! Il a même reçu le  vote favorable à l'unanimité du conseil national d'évaluation des normes (CNEN) dès ce jeudi 12 septembre.
On notera que le discours politique sur ce texte ne cesse de s'enrichir. Avant l’été, ce relèvement de seuil était présentée comme une mesure essentiellement destinée à répondre aux difficultés des maires des petites communes (lire "C’est l'histoire d’un serpent de mer… qui tourne en rond") : « Le seuil de déclenchement de la procédure de mise en concurrence sera relevé au-delà de 25 000 € pour éviter au maire trop de procédures et faciliter son travail ».
Très rapidement, on a fait la jonction avec cette autre vertu : en relevant le seuil, on facilite l’accès des PME/ TPE à la commande publique. Des règles trop compliquées, une perte de temps… un message que le Médiateur des entreprises martèle depuis longtemps. Mais l’important, pour Pierre Pelouzet, c’est bien de communiquer "afin de bien faire comprendre aux PME que (les reformes) vont dans le sens de la simplification, de la transparence et de l’efficacité" (relire "La commande publique : un gisement d’opportunités qui ne demande qu’à être exploré !").
 

La simplification... pour qui ?

La simplification, ce serait donc le message essentiel. Selon Gilles de Bagneux, président du comité de la commande publique au Médef, « ce n’est pas le montant des seuils qui bloque mais la crainte d’un système qui semble compliqué « (lire "Les Echos, 11 septembre 2019, p.25). Reste à savoir jusqu’où il faut, au nom de la simplicité, sur quel objet elle doit s’attacher et selon quel calendrier. Le projet de décret simplifie, certes.. mais pour qui ? Exemple : coincé entre deux impératifs forts (simplification et transparence des marchés publics) le projet de décret laisse pourtant subsiter le seuil de 25 000 €, à partir duquel la transmission des données essentielles du marché est obligatoire. Notre réglementation risque donc d'accueillir une nouveaul seuil !
Il faut donc se montrer attentif aux incidences éventuelles de cette marche forcée vers la simplification, que l’on confond parfois avec déréglementation, sur les chantiers en cours. Et il y en a qui comptent, pour les acheteurs : refonte des CCAG (la première plénieres des groupes de travail mis en place s'ouvrira ce lundi:"Révision des CCAG : les travaux commencent le 16 septembre") ou de celle des appels d’offres (qui pourrait aussi, prise elle aussi dans la dialectique simplification/ transparence), alléger la tâche des uns ... et allourdir celle des autres !
 

Simple ... comme  candidater aux Trophées de la commande publique !

A propos de « simplicité », le saviez-vous ? Candidater aux Trophées de la commande publique pour mettre en valeur votre politique achat, la compétence et la créativité de vos services, c’est enfantin ! (lire "Sur votre "to do list" de septembre... pensez "Trophées de la commande publique" !").
A bon entendeur…
Jean-Marc Joannès