L’achat public, entre paradoxes et complexité

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"Pour apprendre quelque chose aux gens, il faut mélanger ce qu'ils connaissent avec ce qu'ils ignorent."
Pablo Picasso



« La professionnalisation de l’acheteur public »… Le concept vient à l’appui de nombreux discours tendant à encourager les acheteurs à se lancer dans la nouvelle commande publique, plus économique, plus sociale, voire sociétale. Un achat public appelé à devenir « moins juridique », au sens péjoratif du terme, c’est-à-dire tatillon et uniquement tourné vers le respect des procédures, la maîtrise des seuils et procédures qui s’y rattachent.

Sur le papier, tout cela est bien joli. Sauf que sur le terrain, on ne peut (et doit) se défaire du droit. Ou alors, c’est risqué : il suffit de lire régulièrement les rapports d’observations (très "terrain", pour le coup !), des chambres régionales des comptes pour s’apercevoir que la maîtrise des règles élémentaires du droit de la commande publique n’est pas si répandue que cela (lire par exemple, cette semaine "L'absence d’outils aidant à la computation des seuils peut être préjudiciable" et relire "Un service commande publique doit avoir une vision globale des marchés de sa structure" ou encore, pour le rappel d’un fondamental pourtant "oublié": "L’attachement à un "bon prestataire" ne permet pas de déroger au code de la commande publique").
 

Glissement

A cela, plusieurs explications. D’une part, tous les acheteurs publics ne sont pas nécessairement dotés de services achats suffisamment étoffés pour faire face à l’inflation normative et à la complexité du droit, phénomènes si souvent décriés. D’autre part, les entités suivent les recommandations pour organiser un achat plus économique que juridique, et s’entourent plus facilement d’"acheteurs", plutôt que de "juristes". C’est la conséquence directe et de plus en plus perceptible du glissement qui s’opère, du métier de juriste instructeur des marchés publics vers le métier d’acheteur, au tâches multiples (relire "L’acheteur public vu par le CNFPT").

Enfin, il peut être considéré de bon ton de recruter des acheteurs issus du privé, au nom de leur plus grande aptitude alléguée à la recherche de performance (cela reste sans doute à vérifier !). Par le fait, ces acheteurs sont moins fins connaisseurs des enjeux et des arcanes du droit de la commande publique. Ils peuvent être rompus aux techniques de la négociation, mais ne maîtrisent pas nécessairement la règlementation de la commande publique.
 

Costaud en droit ?

Il ne s’agit pas d’agiter un débat stérile Juriste contre Acheteur, qui en outre, n’aurait pas de sens. Juste de constater que pour mettre en œuvre la "nouvelle commande publique", moins juridique, il faut être costaud en droit. Assez paradoxal, non ?

De nombreux acheteurs n’ont pourtant pas suivi de parcours académiques spécialisés en droit public. Ou ils opèrent dans une collectivité ou un établissement dont la taille exige une polyvalence entravant toute spécialisation (lire par exemple "Quand la CRC PACA met en regard les missions exercées et celles prévues dans la fiche de poste").
N’oublions pas : 84 % des communes comptent moins de 2000 habitants. Les acheteurs sont souvent des secrétaires de mairie non spécialistes de la commande publique.
Enfin, et pour rester dans le champs de la fonction publique, notamment territoriale, « L’acheteur public, est confronté à l’injonction paradoxale qui fait la force de ce mouton à 5 pattes : avoir la technicité de son poste, la polyvalence de son grade, être un technicien rompu à l’exigence de performance et un fonctionnaire en phase avec son statut » (relire "Acheteur, ce métier (toujours) pas comme les autres !" et "Acheteur public, ce métier pas comme les autres").
 

Le BA-B.A

C’est fort de cette analyse que, cette semaine, achatpublic.info lance un nouveau format :« le B.A-BA de l’achat public avec, pour premier article : "La signature électronique, mode d’emploi
Le principe de cette série au long cours est de vulgariser (au sens noble du terme) des notions souvent complexes pour les acheteurs, de par leur technicité ou la rareté de leur mise en œuvre. Mais aussi de revenir sur des fondamentaux qui peuvent paraître acquis mais qui en réalité sont parfois mal maitrisés du commun des acheteurs. Un exemple pris (presque) au hasard : "la règle des trois devis" pour les achats sous le seuil de 40 K… Vous êtes sûrs de la maîtriser ? D’ailleurs, est-il exact de parler de "règle" ? Pourquoi trois devis ? Que dit réellement la DAJ ? (ça, c’est ce qu’on appelle un « teaser », non ?) ...
 

Dico en vue…

Chaque BA-BA reprendra une notion en l’abordant par quatre questions.
Quoi ? (Définition vulgarisée, textes de références et/ou jurisprudences) ; Qui ? (Qui sont les acteurs du sujet abordé ?) ; Pourquoi ? (Pourquoi ce sujet est d’actualité, pourquoi le dispositif a été créé ?) ; Comment ? (Comment mettre en œuvre le dispositif en pratique ?).
Parmi les sujets que nous aborderons prochainement en "BA-B.A" : "Mais qu’est-ce qu’un marché public ?" ; "Le parapheur électronique" ; "Acheter sous les seuils" ; "Le risque pénal"...

A terme, les lecteurs d’achatpublic.info bénéficieront d’un véritable dictionnaire pratique de l’achat public, constamment mis à jour…