L’Education nationale s’organise de façon plus académique

  • 10/03/2010
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Pourtant en pointe sur des marchés mutualisés à vocation nationale, le ministère de l’Education nationale s’est longtemps caractérisé par l’atomisation de ses achats. Changement en décor en 2009 avec la création d’une mission à Paris et d’une cellule d’achats dans chaque académie. Le tout accompagné d’une formation « certifiante » qu’ont déjà suivi une cinquantaine d’agents.

Hasard des calendriers, c’est le lendemain de la rentrée scolaire 2009-2010 qu’est apparue officiellement la mission achats du ministère de l’Education nationale, avec la parution au Journal officiel le 4 septembre d’un arrêté (daté du 26 août). Le fruit d’une longue gestation. En effet, on peut situer l’amorce du « big bang » à l’an 2000, date à laquelle s’échafaude un premier appel d’offres national pour les achats informatiques sous la férule du bureau des marchés publics. « C’était déjà une petite révolution, se souvient Philippe Ajuelos, actuel patron de la mission achats et responsable ministériel (RMA). « Grâce à l’appui et l’autorité du service des technologies et des systèmes d’informations (STSI), on a pu mettre en place un marché avec l’adhésion de presque tout le monde. » Petit à petit, le ministère élargit le nombre de marchés nationaux, sans toutefois forcer la main à ses nombreuses entités. « On leur disait : si vous ne souhaitez pas y adhérer, écrivez-nous, expliquez-vous et présentez vos devis. Si c’est moins cher, on vous laisse continuer seuls », poursuit le RMA. Comme les conditions générales du marché sont meilleures, nombreux sont ceux qui rejoignent le train de la mutualisation. Malgré ces initiatives, les achats de l’Education nationale se caractérisent par leur atomisation avec l’intervention de plusieurs structures et entités, le tout dans un univers plutôt cloisonné.

Une politique achats ne se résume pas un empilement de bonnes pratiques

Philippe AjuelosEn 2006, une étude montre que 400 personnes considèrent qu’elles participent aux processus achat… La réforme du Code est l’occasion de remettre à plat l’organisation. A l’époque, le secrétaire général émet l’idée d’une cellule de pilotage. « Je lui ai répondu que le ministère n’était pas assez mûr, et qu’il fallait démarrer par une proto-structure, capable de préparer le terrain ». Deux ans plus tard, un état des lieux montre qu’il est temps, cette fois, de changer de braquet. Même si le ministère peut se targuer de bons points (marchés mutualisés nationaux, expertise sur certains segments, constitution de plusieurs réseaux d’acheteurs spécialisés), les dysfonctionnements sont nombreux : il n’y a pas de ligne directrice, pas de stratégie globale, trop de services acheteurs mais pas assez d’acheteurs, et trop de pratiques disparates. La conclusion est sans appel : « c’est sûr, nous étions par exemple très pro en achat informatique. Mais une politique achats ne se réduit pas à l’assemblage de plusieurs bons exemples. On ne pouvait plus continuer comme cela. D’autant que les achats de l’Etat étaient en plein bouleversement avec les audits Copé et la mission interministérielle France achats (MIFA) », rappelle Philippe Ajuelos.

29 personnes et trois bureaux

Après bien des débats en interne, une organisation à double niveau est arrêtée à l’été 2009. A l’échelle nationale, une mission des achats (29 personnes) intégrée au service de l’action administrative et de la modernisation. Un choix pertinent, selon le RMA, puisqu’il s’agit d’une structure opérationnelle à compétence transversale rattachée directement au secrétariat général du ministère. La mission garde la main sur tous les marchés nationaux ou à vocation nationale, tout en assistant l’ensemble des entités pour tout type de consultation (élaboration de vade-mecum, de guides…). Elle se compose de trois bureaux. Le premier « ingénierie des achats » (9 personnes) se charge du recensement des besoins, de la programmation des achats, de la conception et de l’élaboration des marchés des services centraux du ministère et, le cas échéant, des services déconcentrés (marchés locaux et nationaux) qu’il peut accompagner. Est aussi prévu la gestion de tous les marchés de l’administration centrale supérieurs à 20 000 euros HT, et une fonction d'audit des marchés des services académiques.

Le maillage des CAA

Le deuxième, baptisé « réseau des acheteurs et assistance juridique » (6 personnes), fait le lieu, comme son nom l’indique, entre tous les acheteurs de l’Education nationale, assure la liaison avec le SAE et les opérations interministérielles, tout en jouant le rôle de vigie juridique. « On assiste à un effet de balancier en faveur de l’achat économique.  Mais le droit de la commande publique ne doit pas être oublié », prévient Philippe Ajuelos. Enfin le dernier bureau « gestion des marchés nationaux et performance des achats » (11 personnes) s’occupe des marchés mutualisés et de tout ce qui relève du suivi de l’exécution et de l’optimisation. Car à l’Education nationale, comme ailleurs, l’objectif est bien de réduire de 10% la facture sur un périmètre d’environ 390 millions d’euros. Au niveau territorial, interviennent les cellules d’achats académiques (CAA) qui ont autorité, sur leur zone, pour toutes les commandes, quel que soit le montant, évidemment dans le respect des politiques nationales. A elles le soin de définir le besoin et de réaliser les procédures locales, de conseiller les prescripteurs, et d’assurer le reporting. Un maillage bien utile pour massifier à l’échelon régional ou diffuser les bonnes pratiques. « Les CAA commencent à s’entraider entre elles », illustre Philippe Ajuelos.

Une formation « certifiante » à l’achat public

Pas de reconnaissance de la fonction achats sans acheteurs compétents. C’est pourquoi, en parallèle, le ministère a concocté un double cursus – un cycle « primo-arrivants » et un cycle « experts » -  ouvert à toutes les catégories (A, B, C) et à tous les métiers, prescripteurs et gestionnaires de budget compris. « On a intérêt à avoir des interlocuteurs qui comprennent de quoi on parle, et à pouvoir compter sur des relais dans toutes les directions. Partager une culture commune, c’est très important », insiste le RMA. Une formation, débouchant pour les meilleurs élèves sur la délivrance d’un certificat professionnel, a donc ouvert ses portes en 2007. Au menu des réjouissances un savant mélange de juridique et d’économique : un rappel réglementaire, l’analyse du besoin, la négociation et les litiges. Entre 2007 et 2009, cinquante agents (35 « primo arrivants » et 15 « experts ») ont bénéficié de la formation.  Trente-huit d’entre eux ont été certifiés. Preuve du succès de la démarche, la formation a accueilli, l’année dernière, quatre stagiaires du ministère des Affaires étrangères. En 2010, 16 candidats postulent au cycle « primo-arrivants » et 8 candidats suivent le cycle « experts ». Et ce n’est pas terminé puisque les services déconcentrés vont pouvoir en profiter…