La nouvelle devise de l’acheteur public : « faire face ! »

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"Le véritable courage consiste à être courageux précisément quand on ne l'est pas"
Jules Renard



"Résilience, résilience, résilience… non mais, est-ce que j’ai une tête de résilience ?"
Il devient vide de sens, sinon indigeste, ce terme brandi comme l’alpha et l’oméga de toutes les politiques (lire, s'agissant des toutes récentes annonces du Premier ministre, "La commande publique, outil de résilience ?). Comme, en leur temps, les "Grenelle de…" ou autres "chocs de simplification"… voire "nouvelles donnes"…

Résilience à outrance ? Stop ! Voyons plutôt ce que pourrait signifier et porter une utilisation bien raisonnée de la notion aux contours imprécis. Sauf peut-être en psychologie (capacité d'un individu à supporter psychiquement les épreuves de la vie) et en physique (capacité des matériaux à résister aux chocs). Cette semaine, on remarque plutôt que beaucoup de nos informations pourraient être estampillées de la devise des pilotes de chasse : "Faire face".
 

Réinvention

L’association des acheteurs publics (AAP) fixe le cap à suivre : « La situation appelle les acheteurs à réinterroger leurs pratiques en matière de révision des prix : pas de copier/coller ! ». Révision des prix, clauses d’insertion, développement durable : l’AAP appelle les acheteurs à se réinventer. « Acheteurs et entreprises souhaitent une évolution des pratiques, tirant les conséquences de ces crises successives ». La table ronde a permis de dessiner les enjeux de l’achat public pour les mois et années à venir, avec pour fil conducteur la nécessité de réinventer la relation Acheteurs/ Fournisseurs et de sortir des sentiers battus (lire "L’AAP appelle les acheteurs à se réinventer et à tirer les leçons de la crise").
 

Des outils et procédures à redécouvrir

Pour répondre à la situation particulière complexe du moment, on fouille, réflexe salutaire, dans la " boîte à outils de l'acheteur public. Et on en trouve, ou à tout le moins, on les redécouvre.

Déclaration sans suite - Avec la difficulté pour certains fournisseurs et prestataires impactés par la hausse des prix et les difficultés d’approvisionnement, les acheteurs se penchent sur la « déclaration sans suite ». Une procédure assez encadrée : la CRC Normandie rappelle que si le pouvoir adjudicateur peut mettre fin de façon anticipée à la procédure pour un motif d’intérêt général, celle-ci, d’une part, ne doit pas découler en réalité d'une faute ou carence de l’acheteur et, d’autre part, bénéficier d’une motivation claire et non équivoque (lire "Faire une déclaration sans suite, pour une procédure sans poursuite").

Marchés de substitution - Notre veille quotidienne de la jurisprudence révèle un contentieux qui, signe des temps, prend de l’ampleur : les marchés de substitution. Là, le juge rappelle que le droit à l’information par le titulaire initial concerne toutes les prestations (relire "Marché de substitution : le droit d’information concerne toutes les prestations") ; ici, il rappelle que le titulaire du marché de substitution n’est pas subrogé aux responsabilités du titulaire du marché initial, lequel reste responsable de l’exécution des travaux au titre desquels il était contractuellement engagé (relire "Substitution n’est pas subrogation"). Dans un autre arrêt, la CAA de Marseille énumère les conditions nécessaires pour que le le titulaire dont le marché est résilié à ses frais et risques supporte le coût du marché de substitution (relire "Marché de substitution : pas d’issue pour le titulaire résilié")
Alors prudence : vouloir assurer la prestation malgré la défaillance du titulaire, cela reste une opération "risquée", d’autant que le juge communautaire reste en alerte. Elle piste l’éventuel trafic de marchés publics entre opérateurs, possible grâce à la substitution des cocontractants (relire "Trafic de marchés publics et substitution du titulaire : la CJUE lève toute ambiguïté" - Consulter aussi notre dossier "substitution du titulaire").

SAD - L'essentiel des acheteurs publics utilise l’accord-cadre comme support contractuel à la satisfaction de leurs besoins. Toutefois, sa durée est limitée et son montant d’exécution est à présent limité. Alors, s'interroge Olivier Giannoni « n'est-il dès lors pas temps pour les acheteurs publics d’aller chercher leur bonheur ailleurs et notamment en utilisant cette technique d’achat méconnue qu’est le SAD ?» (lire "[Tribune] "To be or not to be SAD"").

Réciprocité - Hourra ! Le "trilogue" a fini par aboutir et l’Europe se rappelle le principe de réciprocité, qu’elle entend (enfin ?) mettre en œuvre. « C’est la fin de la naïveté » et « une nouvelle grande avancée pour la politique commerciale de l'Union européenne » considère Franck Riester. Le ministre délégué au Commerce extérieur se réjouit donc de voir aboutir « dix ans de travail » (lire "Réciprocité dans les marchés publics : le "trilogue IPI" a fonctionné !").
 

Tirer les leçons du passé : calme et optimisme

Cette semaine, aussi, la rédaction a suivi de près deux événements commande publique dont la présentation à la presse révèle la volonté de tirer les leçons du passé. Non pas selon une forme de contrition de bon aloi, mais plutôt d’une analyse objective, et donc assumée des erreurs du passé.


Lundi 14 mars - Thomas Lesueur, Commissaire général au développement durable, et Thibault Guilluy, Haut-Commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises, présentent le nouveau Plan National pour des Achats Durables (PNAD 2022- 2025) (lire "Le PNAD 2022/2025 : "un plan d'ambition ; un signal pour les acheteurs"). C’est « la feuille de route que se donne l’Etat pour développer l’achat durable ». Au cours de la conférence de presse, ils reconnaissent, assez franchement, que si les deux premiers plans n'ont pas atteint tous leurs objectifs, c’est qu’ils étaient handicapés par une absence de leviers juridiques et l'insuffisance des moyens d’accompagnement. « Les deux premiers plans manquaient de force au niveau de la gouvernance ».
 

Mardi 15 mars - Le Médiateur des entreprises rend public son bilan d’activité 2021 et fête aussi « 12 ans d’action au service des acteurs économiques » (lire "Médiateur des entreprises : un bilan … et un anniversaire"). « On a beaucoup appris depuis 2 ans, et notamment que les aides d’État seules ne peuvent suffire » explique Pierre Pelouzet. Avec une forme d’optimisme volontaire, il "positive" : « La succession de crises contribue à l’ émergence de nouvelles méthodes de travail », voire même constitue un « facteur déclencheur de notre démarche en faveur de l’achat responsable ».
 

Pierre-Ange Zalcberg (lire notre portrait "Pierre-Ange Zalcberg, une solide force tranquille pour traverser les crises : "je ne marche pas au stress !"") lui qui, dans ses différents postes a dû faire face à plusieurs crises, fixe une autre ligne de conduite pour l’acheteur public sous pression : il est fondamental de maîtriser et d’entretenir des rapports étroits avec vos fournisseurs… et, en toute situation, « ne pas marcher au stress »…

Allez, prenons donc un peu de hauteur...de recul... de distance... Bref : "no stress !"