Les règles nationales dérogeant à la réglementation communautaire doivent être strictement justifiées

  • 03/10/2008
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Un recours en manquement a été introduit devant la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) par la Commission européenne à l’encontre de la République italienne. La commission demande à la CJCE de constater que « en ayant adopté le décret du ministre de l’Intérieur n° 558/A/04/03/RR, du 11 juillet 2003, qui autorise la dérogation à la réglementation communautaire en matière de marchés publics de fournitures pour l’achat d’hélicoptères légers destinés aux besoins des forces de police et du corps national des pompiers, sans qu’aucune des conditions susceptibles de justifier une telle dérogation soit remplie, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 93/36/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures (JO L 199, p. 1), et notamment des articles 2, paragraphe 1, sous b), 6 et 9 de celle-ci ». La commission reproche à l’Italie d’avoir indument soustrait du champ d’application de la directive 93/36, les fournitures d’hélicoptères légers pour les besoins des forces de police et du corps national des pompiers, aucune des conditions prévues par l’article 2 §1 de la directive n’ayant été respectée. La République italienne soutient que les conditions sont réunies. En effet, elle affirme qu’il « y a lieu de maintenir la plus grande discrétion sur les fournitures en cause étant donné leur utilisation comme systèmes d’arme et leur interopérabilité avec d’autres matériels militaires. » Dans sa décision, la CJCE rappelle qu’il est de « jurisprudence constante que toute dérogation aux règles visant à garantir l’effectivité des droits reconnus par le traité CE dans le secteur des marchés publics doit faire l’objet d’une interprétation stricte et qu’il incombe à celui qui entend s’en prévaloir d’apporter la preuve que les circonstances exceptionnelles justifiant la dérogation existent effectivement ». La Cour relève que l’Italie affirme que le décret remplit les conditions posées par la directive dans la mesure où les hélicoptères sont des biens à double usage qui peuvent servir à des fins civiles ou militaires. Mais, il y a lieu de rappeler l’article 296 §1 (1) qui dispose que les produits en cause doivent être destinés à des fins spécifiquement militaires. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce. La CJCE juge donc que « le recours à l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 93/36 pour justifier une réglementation nationale autorisant l’achat des hélicoptères en question selon la procédure négociée apparaît disproportionné au regard de l’objectif consistant à empêcher la divulgation d’informations sensibles relatives à la production de ceux-ci. En effet, la République italienne n’a pas démontré qu’un tel objectif n’aurait pas pu être atteint dans le cadre d’une mise en concurrence telle que prévue par la même directive ». Elle en conclut que la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 93/36.

(1) Article 296 §1 sous b), auquel renvoie l’article 3 de la directive 93/36 prévoit que « tout État membre peut prendre les mesures qu’il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre, à la condition toutefois que ces mesures n’altèrent pas les conditions de la concurrence dans le marché commun en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires ».

CJCE, 2 octobre 2008, Commission des communautés européennes c/ République italienne, C-157/06