Dis, c’est quoi un acheteur public ?

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« Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. Et les mots pour le dire arrivent aisément »
Nicolas Boileau


Tout acheteur public le sait ! Expliquer son métier est une tâche qui se révèle vite ardue dès lors que le message s’adresse à un profane. Bien que celui-ci vous regarde attentivement, et hoche de la tête de manière bienveillante (d’autant plus si c’est un ami(e) ou un membre de la famille) vous savez que vous l’avez perdu lors de votre discours, quand vous avez évoqué « de faire respecter le code de la commande publique dès lors qu’un pouvoir adjudicateur fait un achat de fourniture, de service ou de travaux » (relire "Pas de commande publique pour la société de l’AP-HP / Un contrat n’est pas forcément formalisé").
 

Des étalages aux bureaux

Pour lui ou elle (ou iel), le marché renvoie à ce lieu installé les week-ends aux abords d’une rue piétonne ou sur la place du village, où le regard est capté par les couleurs vives des poivrons, des tomates et des courgettes entassés sur des cagettes, elles-mêmes posées sur des tréteaux ; aux odeurs de poissons exposés sur les étalages abrités sous des bâches collées les unes aux autres ; aux bruits des passants et des caddies qui se faufilent entre les stands accompagnés des chants des marchands ; et aux plats mijotés à emporter qui font saliver les papilles (relire "Restauration collective bio : en dessous des objectifs !").

Bref, on est loin de l’ambiance de bureau où l’on se prend le chou sur le choix des critères d’attributions et leur pondération (relire "Les critères d’attributions doivent être cohérents avec le besoin"et "Pas de hasard dans le choix des critères d’attribution"). De savoir lesquels pourraient être considérés comme "verts" (relire "Verdissement du rapport annuel du délégataire : le rôle prépondérant de l’autorité concédante"). Et si les prescriptions de la loi AGEC sont bel et bien respectées (consulter notre dossier "Loi AGEC")… Les adeptes du légal design seront peut-être davantage pédagogues avec leurs schémas illustrant le rôle de l’acheteur public (relire "Le "Legal Design", ou comment rendre accessible le droit des marchés publics").
Les plus audacieux le compareront même à celui de mentaliste… au risque d’enrichir l’imagination de son allocutaire qui verra dans chaque acheteur le personnage de Patrick Jane, de la célèbre série américaine (Mentalist), qui débusque les coupables avec malice. Sauf que dans la commande publique, l’objectif est de chercher les bons… prestataires (relire "Nudge : l'acheteur public, un mentaliste qui s’ignore ?"). 
 

Droit et achat, marche main dans la main

Le moyen d’enquêter pour l’acheteur public, c’est la mise en concurrence. Certes, la procédure n’apparaît pas aussi séduisante que celle d’une enquête policière. Mais, au-delà d’être une obligation légale et règlementaire, elle s’avère être un bon moyen de faire émerger des informations dont l’acheteur est a priori démuni (le prix, le coût, la nature des solutions techniques, la nature et le nombre d’entreprises pouvant répondre à ce besoin). Une approche souvent oubliée (relire "Fixer le prix d’achat : une pratique méconnue des acheteurs publics")...

Le lien entre achat et droit est rarement perceptible chez les acteurs évoluant hors de la sphère des marchés publics. Pourtant, il est tout aussi existant dans les achats privés ; ce n’est pas qu’une spécificité du secteur public. La politique contractuelle est même considérée comme un outil de gestion des risques (relire "Repositionner la place de la direction juridique dans le processus contractuel"). A ces mots, votre auditeur peut se représenter l’acheteur public comme un assureur.
Ce qui n’est pas faux dans un sens, puisque : « l’acheteur est le vecteur de la performance de l’acte d’achat. Il est aussi le garant du respect de la procédure achats, quelle qu’elle soit » (relire "Quand la commande publique se livre : les lectures estivales d’achatpublic.info").
 

L’acheteur, ce devin

Aborder les épineux sujets auxquels l’acheteur public est confronté, c'est aussi un exercice périlleux… On ne peut échapper aux regards perplexes et dubitatifs.
Un non initié à la commande publique comprendra difficilement que, dans ce contexte de flambée des coûts, que le service achat ne peut adapter les prix des contrats, et qu’il est obligé d’utiliser des subterfuges… comme modifier un élément matériel de la prestation pour y parvenir (relire "Hausse des prix : Bercy saisit le Conseil d’État pour "pallier l'absence de jurisprudence"" et  "Inflation et approvisionnement : les acheteurs sous pression").
Ou bien qu’il aurait été judicieux d’intégrer une clause de réexamen qui encadre cette situation dûe aux conséquences de la crise sanitaire liée à la Covid-19 et au conflit Ukraine/Russie, alors qu’au moment de la conclusion du contrat, l’actualité se focalisait sur les scènes de liesse après la deuxième victoire de l’équipe de France de football en coupe du monde (2018), sur le mouvement des gilets jaunes, ou encore l’incendie de Notre-Dame de Paris (2019) (relire "Pénurie des matériaux : « l’impérative anticipation des crises systémiques" et  "Flambée des prix et conséquences sur les marchés publics").

Enfin, les plus téméraires se pencheront sur la charge mentale qui pèse sur l’acheteur public au regard des nombreux objectifs, parfois contradictoires, qui lui sont assignés. Une problématique sous-estimée. « Local, social, décarbonné, politique... l'acheteur va devoir apprendre à dire non, sous peine de devenir fou. Il va falloir hiérarchiser les injonctions données aux acheteurs ! » (relire "Crises, digitalisation des achats : le CNA cogite sur l’avenir du métier d’acheteur" ; "Prise en compte du risque de déforestation importée dans les achats de l'Etat" et  RGPD : quels enjeux pour la commande publique ?"). Sans oublier sa nouvelle casquette de trader (relire : L’acheteur public : ce nouveau trader en énergie).
Des clarifications sont attendues auprès du nouveau Gouvernement (relire : "Les ministres "commande publique" du Gouvernement Elisabeth Borne II : 5 ministres à Bercy")…

Au final, faire de l’achat public ne serait-ce pas un art (relire "L’achat d’une œuvre en gré à gré, un art à bien maîtriser") ? Une conclusion qui fera sourire (peut-être) votre allocutaire…
 


La rédaction d'achatpublic.info rend ses quartiers d'été. Nous nous retrouverons lundi 22 août...