Régie ou DSP : une histoire d’eau

  • 10/06/2010
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Les deux modes de gestion du service public de l’eau présentent avantages et inconvénients. Mais, pointe le dernier rapport du Conseil d’Etat sur la thématique de l’eau rendu public le 4 juin, si les collectivités sont obligées de remettre régulièrement en concurrence leurs délégations, il n’en va pas de même pour leurs régies.



Aujourd’hui, « il n’existe pas encore d’identité de règles applicables aux différents modes de gestion ». Partant de ce constat, le Conseil d’Etat préconise, dans son rapport 2010 sur l’eau (1), un certain rééquilibrage. Même s’il est « impensable » de songer à éliminer toutes les différences entre les règles régissant la délégation et la régie, « méritent en revanche d’être éliminées des règles qui concourent à privilégier un mode de gestion au détriment d’un autre sans justification avérée ». La législation à l’égard de ces deux modes de gestion devrait pouvoir être globalement neutre. Il ne s’agit pas de favoriser l’un ou l’autre mode. Mais « il existe des freins à la réversibilité du mode de gestion qu’il faut lever pour laisser aux collectivités une liberté de choix », explicite Frédéric Tiberghien, le rapporteur général de la Section du rapport et des études du Conseil d’Etat. L’idée sous-jacente est simple : « Il faut faire en sorte que les élus se posent la question, à un moment ou à un autre, du mode de gestion lorsqu’ils sont en régie ». En effet, peut-on lire dans le rapport, « la loi actuelle impose aux collectivités territoriales de justifier le passage de la gestion directe à la gestion déléguée mais l’inverse n’est pas vrai : une collectivité territoriale peut conserver sa gestion directe sans aucune limite de durée et sans avoir jamais à justifier de la performance de cette gestion ».

La régie et le risque de la confusion des genres

Or la régie, par exemple très utilisée pour l’assainissement (62% des communes), a des limites pour lesquelles « les réponses sont encore à apporter ». En effet, relève le rapport, « la focalisation du débat public et politique sur les imperfections imputées à la délégation tend à occulter la situation médiocre dans laquelle se trouvent maintes gestions publiques en régie. » Certes il y a des régies « parfaitement gérées, notamment dans les grandes agglomérations ». Mais il y a aussi beaucoup d’imperfections : taille insuffisante, sous-investissement dans le réseau et sa maintenance, problèmes de qualité, quasi-inexistence de l’effort de recherche et développement côtoient le « risque permanent de confusion des genres », l’élu local étant à la fois l’autorité organisatrice du service et son exploitant au quotidien. Aussi préconise la haute institution, « doivent être encouragées toutes les mesures visant à mieux distinguer les fonctions d’autorité organisatrice du service et d’opérateur comme c’est le cas dans les transports publics, à contractualiser, y compris au sein d’une même personne publique mais avec des modalités adaptées, et à exiger, du point de vue des usagers, des exploitants publics la fixation d’objectifs – qui ne portent pas seulement sur le prix – et la publication d’indicateurs de performance permettant de comparer la qualité de la gestion entre opérateurs publics et entre opérateurs publics et privés ».

10% de baisse des prix grâce à la remise en concurrence

La délégation ne constitue pas pour autant un mode de gestion parfait, bien qu’elle occupe une « place prépondérante pour l’alimentation en eau potable » (52% des communes, soit 72% de la population). Mais des réponses ont déjà été apportées pour réduire notamment l’asymétrie d’informations entre les parties au contrat. La renégociation plus fréquente des contrats a eu aussi des effets positifs, selon le rapport. Le taux de marge des entreprises serait ainsi passé en moyenne de 20% à 5 à 7%. La remise en concurrence tous les dix à douze ans « se traduirait à chaque renouvellement par une baisse de prix de l’ordre de 10% »… En revanche, cette remise en concurrence n’aurait pas beaucoup d’effet sur la rotation des titulaires en place. Entre 2004 et 2006, le nombre d’offres moyen par procédure serait seulement passé de 2,2 à 2,6. Autre constat : le candidat sortant conserve toujours un avantage « décisif ». La haute institution conseille aussi fermement les parties à un contrat en dehors des clous de la jurisprudence Olivet (2) de « rechercher sans attendre » et de « trouver un accord » sur l’échéance du contrat, sous peine de voir le juge s’immiscer dans le jeu avec à la clé une sanction douloureuse.

Transparence dans l’information

L’institution du Palais-Royal plaide pour plus de transparence et milite pour « la convergence entre les systèmes d’indicateurs et de comptes-rendus auxquels tous les opérateurs sont soumis ». Les sages souhaiteraient aussi qu’un observatoire national collecte, analyse et rende publiques « toutes les données relatives au prix ou à la qualité de service afin d’objectiver en aval le jugement sur la performance à court et long terme des différents modes de gestion et notamment de la gestion publique ». Pour faciliter l’information du public, ils préconisent également un audit externe réalisé tous les dix ans environ et dont les conclusions seraient rendues publiques. Un tel outil « pourrait permettre de vérifier, quel que soit le mode de gestion, que les investissements réalisés sont proportionnés aux enjeux actuels et futurs (extension et renouvellement du réseau ; application des nouvelles normes…) ». En d’autres termes, la gestion de l’eau doit devenir de plus en plus transparente.


1) Rapport public 2010 du Conseil d’Etat « L’eau et son droit », La documentation française  L'eau et son droit (2.37 MB)

2) CE, Ass., 8 avril 2009, Compagnie générale des eaux, Commune d’Olivet  CE, 8 avril 2009, n° 271737, 271782 (59.92 kB)

Bénédicte Rallu © achatpublic.info