Des opinions divergentes

  • 25/02/2009
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Comment l’idée de la mise en place d’un grand code est-elle perçue dans le tout petit monde de la commande publique ? Les avis de trois experts en droit public interrogés sont partagés entre, pour certains, la nécessité d’élaborer un grand code de la commande publique, mais à la condition que ce soit un bon code, et pour d’autres, l’idée que l’effort de codification ne doit pas porter sur un code de la commande publique mais sur une recodification du code des marchés publics.

Pour Nil Symchowicz, avocat spécialiste en droit public au cabinet Symchowicz-Weissberg & associés, il est souhaitable, voire nécessaire, de retrousser les manches et d’attaquer enfin le chantier : « Aujourd’hui, outre une prolifération accrue de l’information sur les contrats publics, on est en présence d’un droit public des contrats « en miettes » », considère ce dernier qui regrette que le législateur continue d’ajouter des couches supplémentaires à ce « mille-feuilles » des contrats publics. Dernier exemple en date : la loi du 17 février 2009 pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés qui, au lieu de mettre de la cohérence dans l’éparpillement de textes actuels, a introduit une couche supplémentaire au « fatras » général de textes. En effet, l’article 7 autorise l’Etat à recourir au bail emphytéotique administratif pour la réalisation de logements sociaux. « Tout le monde participe à la confusion, il est donc temps de s’asseoir et de discuter de ce projet. Toutefois, il ne faudrait pas une codification à droit constant mais des solutions pour mettre fin au chevauchement des frontières entre les catégories de contrats publics. Il faudrait en outre régler les problèmes relatifs non seulement au contenu des contrats mais également à l’exécution. En effet, les contrats ont vocation à être aujourd’hui de longue durée, il faut donc trancher des questions qui sont aujourd’hui incertaines - nullité du contrat, résiliation anticipée - en dépit de décisions de jurisprudence », remarque l’avocat. Son confrère Laurent Richer, avocat spécialiste en droit public au cabinet Richer, avait déjà eu l’occasion de souligner que « en soi c’est une bonne idée, mais à la condition que ce soit un bon code. Est un mauvais code, un code qui ne codifie pas tout. Il faudrait avant tout que ce soit un code de la simplification, c’est-à-dire une code qui mette de fin à la multiplication des procédures,  un code qui mette de l’ordre » (1). Nil Symchowicz estime également souhaitable d’avoir une codification de la jurisprudence. « Il faut faire le tri entre les jurisprudences et en finir avec les discussions à propos de tel ou tel jugement de TA. Il faut revenir aux jurisprudences essentielles ».

Commencer par améliorer la visibilité des textes applicables aux marchés publics

A la lecture du projet initial, on remarque que le code des marchés publics (CMP) ne fait pas partie du voyage. « Je ne vois pas de critique particulière à formuler sur le sujet. Si l’objectif est une plus grande lisibilité du droit, on peut se satisfaire d’un code des marchés publics et d’un autre code qui engloberait les autres contrats publics. Le code civil n’épuise pas tout le droit privé… », explique l’avocat. Son point de vue est loin d’être partagé par Stéphane Braconnier, professeur de droit public à l’université de Panthéon Assas : « Ce qui m’a paru paradoxal à la lecture du projet, c’est d’avoir exclu du champ de la codification un élément pivot du droit de la commande publique. En effet, le CMP c’est le cœur du droit des contrats publics. Un code de la commande publique sans sa poutre maîtresse aurait été bien fragile. Je pense que c’est une bonne chose que le conseil constitutionnel ait censuré ce projet, car le périmètre défini était un mauvais périmètre. Cela aurait été une usine à gaz d’intégrer, dans un code, des textes qui sont par ailleurs déjà codifiés, que ce soit dans le code général des collectivités territoriales, dans le code de la propriété des personnes publiques ou encore dans le code des marchés publics », considère-t-il. Pour ce professeur, la véritable œuvre de codification aurait dû porter sur une « recodification » du CMP, avec éventuellement une intégration des contrats de partenariat car les textes concernant les marchés publics sont éparpillés entre le code et ses arrêtés, l’ordonnance du 6 juin 2005 et ses décrets d’application. « Il serait plus pratique pour les collectivités locales que toutes les règles relatives aux marchés publics soient regroupées dans un même texte. Pour les DSP, elles se réfèrent au CGCT », observe l’universitaire, avant de préciser : « Je ne suis pas contre un grand code. Je suis seulement très réservé car je considère que ce n’est pas la priorité pour le moment. Il faut déjà améliorer la visibilité des textes applicables aux marchés publics, les autres textes sont pour leur part codifiés », juge-t-il.

(1) Lire : Laurent Richer : «Il serait temps de revoir la loi Sapin»