Il est possible de demander ses références nominatives à un avocat

  • 10/03/2009
partager :

Le Conseil d’Etat a validé, le 6 mars, une procédure de la ville d’Aix-en-Provence dans laquelle la commune demandait aux candidats de fournir de tels renseignements, sous réserve de l’accord préalable et exprès des clients cités.

Un marché de services juridiques conclu avec une personne publique ne relève pas du secret professionnel auquel sont soumis les avocats. « La conclusion d'un tel marché ne peut légalement être confidentielle sous réserve des cas de secrets protégés par la loi », a jugé (1) la Haute juridiction administrative. Pour elle, seules les consultations, les correspondances et toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel. Dès lors, une personne publique peut très bien demander aux candidats à un marché de services juridiques de fournir des références de prestations similaires à celles demandées, « c'est-à-dire d'indiquer, dans le cadre des règles déontologiques applicables à la profession d'avocat, les marchés de services juridiques similaires conclus par les intéressés, sous réserve que les références permettant d'identifier les personnes publiques concernées soient soumises à leur accord préalable et exprès ». Le Conseil d’Etat a ainsi validé la démarche suivie par la ville d’Aix-en-Provence dans une procédure de passation d’un marché de service de conseil et d’assistance juridique lancée le 16 novembre 2007 (2). Il en profite aussi au passage pour entériner le règlement intérieur du Conseil national des barreaux régissant la profession qui autorise les avocats à faire mention, dans les procédures d’appels d’offres et d’attribution de marchés publics, des références nominatives de leurs clients avec leur accord exprès et préalable.

Critère pour apprécier la valeur technique d’une offre

Ces références peuvent en outre servir de critères pour apprécier la valeur technique d’une offre. La collectivité avait en effet prévu de s’appuyer en partie sur ces références de prestations similaires (avec une pondération de 70%) pour départager les propositions. Le juge des référés tribunal administratif de Marseille avait estimé que ce critère relevait plutôt de la phase des candidatures. Or il s’agissait d’un marché à procédure adaptée pour laquelle il « est loisible au pouvoir adjudicateur d’examiner, au cours d’une phase unique, la recevabilité des candidatures et la valeur des offres », ont rappelé les sages du Palais-Royal. Aussi la ville d’Aix-en-Provence « pouvait en tout état de cause retenir, pour choisir l'offre économiquement la plus avantageuse, le critère tiré de l'expérience du candidat dans les domaines objets des différents lots du marché ». De même qu’ils ont sanctionné l’ordonnance du juge des référés sur la question des références nominatives, ils ont estimé que son jugement contenait là un second motif de censure.

La méconnaissance de l’article 83 du code est susceptible de léser le requérant

Il contenait même une troisième erreur de droit puisque le juge des référés avait refusé d’examiner si les manquements allégués aux obligations de publicité et de mise en concurrence avaient lésé ou étaient susceptibles d’avoir lésé le requérant. Or, pour enfoncer le clou, il existait bel et bien un manquement susceptible de léser le requérant. A la date à laquelle le Conseil d’Etat a rendu sa décision, la commune n’avait toujours pas communiqué au cabinet Legitima, auteur du pourvoi en cassation, les motifs détaillés du rejet de son offre, violant ainsi les dispositions de l’article 83 du code des marchés publics qui impose une réponse à une telle demande dans un délai maximal de quinze jours. « Une méconnaissance de l'obligation de communication qui incombe au pouvoir adjudicateur constitue une atteinte aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible de léser cette société en l'empêchant de contester utilement le rejet de son offre », ont jugé les sages du Palais-Royal. « Si la société a pu en tout état de cause introduire un référé pré-contractuel, elle n'a pu, dans le cadre de celui-ci, contester utilement l'appréciation portée sur la valeur technique de son offre », ont-ils ajouté. Ils ont donc ordonné à la ville de communiquer au cabinet Legitima, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de leur décision, les motifs de rejet de son offre, ainsi que, le cas échéant, les caractéristiques et avantages relatifs aux offres retenues pour les lots pour lesquels il avait déposé une offre. Ils ont pour cela suspendu la signature du contrat jusqu’à l’expiration d’un délai de trois semaines à compter de la date à laquelle il aura été procédé à la communication des informations.

Bénédicte Rallu

(1) Décision du Conseil d’Etat du 06 mars 2009, requête n°314610, Commune d’Aix-en-Provence  CE 6 mars 2009 Aix-en-Provence (318.96 kB)

(2) Lire notre article : Les avocats peuvent-ils communiquer leurs références ?