Manquements à l’article 83 et poids des sous-critères

  • 08/04/2009
partager :

Le Conseil d’Etat vient de juger qu’un manquement à l’article 83 du code devait léser l’entreprise requérante pour pouvoir conduire à l’annulation d’une procédure. Dans le même arrêt, il rappelle également qu’un sous-critère important doit être indiqué dans les documents de la consultation.

Depuis la jurisprudence Smirgeomes, le juge doit s’astreindre à vérifier si une entreprise a été lésée ou est susceptible de l’être par tout manquement aux règles de passation d’un marché public. L’article 83 du code qui impose à l’administration de communiquer à un candidat les motifs de rejet de son offre dans un délai maximal de quinze jours à compter de la réception de la demande n’y échappe pas. Bien que relatif à une phase a priori sans incidence sur la passation et le choix de l’offre retenue, les sages du Palais-Royal ont tout de même jugé, dans leur arrêt du 1er avril qu’il appartenait aux magistrats du contentieux administratif de s’assurer de l’absence de lésion. Ils ont en effet censuré une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte pour erreur de droit sur ce simple motif.

Une réponse au bout de 20 jours

En 2008, la direction départementale de l’équipement de Mayotte a passé un marché pour la fourniture, l’installation et la mise en service d’un autocommutateur au siège de la DDE. La société « La Téléphonie Mahoraise Technologies » (LTM Technologies), dont l’offre a été rejetée, en a demandé les raisons. La réponse s’est fait attendre puisque le pouvoir adjudicateur n’a pas répondu dans le délai de quinze jours… mais seulement au bout de vingt jours. Entre temps l’entreprise avait saisi la justice qui a annulé la procédure peu de temps après. Pour le Conseil d’Etat, le juge des référés a commis une erreur de droit « en annulant la procédure au motif que le représentant du pouvoir adjudicateur avait méconnu le délai de quinze jours imparti par l'article 83 pour répondre à la demande de motivation détaillée du rejet de son offre présentée par la société "LTM Technologies", sans rechercher si ce manquement avait lésé ladite société ou était susceptible de la léser eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte ».

Le tiers de l’appréciation de la note

La Haute juridiction n’a pas pour autant réhabilité la procédure. La DDE de Mayotte a elle aussi commis une faute susceptible de léser LTM Technologies en attribuant le marché selon un sous-critère important non mentionné dans les documents de consultation. Elle avait annoncé au départ qu’elle apprécierait les offres au regard de la valeur technique (40%), du service après-vente et de l’assistance technique (30%) et du prix des prestations (10%). L’acte d’engagement renvoyait au CCAP pour le détail des modalités d’intervention relatives à la maintenance. Mais celui-ci ne précisait rien quant aux délais d’intervention. Les rubriques du CCAP intitulées « délais d’intervention » et «  pénalités pour retard d’intervention » étaient même renseignées par la mention « sans objet ». Un sous-critère fondé sur les délais d’intervention ne pouvait donc pas être décisif. Pourtant, il est apparu que cet élément comptait pour beaucoup dans la note finale ce qui a conduit le Conseil d’Etat à juger que : «  la direction départementale de l'équipement ne pouvait régulièrement faire de la rapidité d'intervention en matière de maintenance de l'équipement un sous-critère de l'appréciation de la valeur technique des offres, dès lors que ce sous-critère, dont le résultat représentait le tiers de l'appréciation sur le service après-vente, lui même affecté d'un coefficient de 30 %, n'était pas prévu dans les documents de la consultation ». Pour les magistrats, ce manquement a pu léser la société LTM Technologies qui a obtenu sur le critère «service après-vente et assistance technique» « une note très inférieure à celle du candidat retenu, en l'empêchant de présenter une offre mieux adaptée ». Ils ont en conséquence annulé la procédure de passation du marché.

(1) Décision du Conseil d’Etat du 1er avril 2009, Ministère de l’Ecologie, req. n°321752  CE 1er avril 2009 ministère de l'Ecologie (230.6 kB)