Restauration : la frontière entre marché et DSP

  • 17/06/2009
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Pouvoir réajuster un prix en fonction du nombre de repas effectivement servis ne suffit pas pour qualifier un service de restauration de délégation de service public. En l’absence de tout risque d’exploitation, le contrat reste un marché public.

L’un des éléments déterminant dans la définition d’une délégation de service public réside dans l’existence d’un risque « réel » d’exploitation. Le Conseil d’Etat vient de le rappeler dans une décision du 5 juin (1) à propos d’un litige relatif à un service de restauration scolaire et municipal. Le contrat, signé par la commune de Draveil (Essonne) en 1990 pour cinq ans et prolongé par avenant en 1993 pour une durée de quinze ans, portait sur la fourniture de 303 000 repas par an. Il était convenu entre les parties que le cocontractant (la société Générale de restauration, remplacée dans le litige par la société Avenance – Enseignement et Santé) se rémunère grâce à des redevances directement perçues auprès des usagers des restaurants scolaires, municipaux, des centres de loisirs et des personnes âgées bénéficiaires. Les parties s’étaient également engagées sur un prix unitaire des repas fixé initialement sur la base des 303 000 repas annuels. Ce prix comprenait les charges afférentes aux prestations fournies (notamment le coût des investissements) et la rémunération du prestataire. Un réajustement était prévu en cas de variation du nombre des repas inférieure ou supérieure à 5% par rapport à la base de référence retenue. C’est précisément sur ce point que les avis concernant la qualification juridique du contrat ont divergé. Pour le cocontractant, cette clause de révision de prix ne supprimait pas le risque d’exploitation qu’il supportait. Pour lui, sa rémunération dépendait de recettes calculées en fonction des résultats de l’exploitation, lesquels étaient déterminés par le niveau de fréquentation du service. Aussi, il estimait que les modalités de calcul de sa rémunération faisaient peser sur lui un risque financier en fonction de la fréquentation du service.

Subvention à hauteur de 40% en cas de besoin

Cela n’a été ni l’avis des juges de première instance, ni d’appel, ni du Conseil d’Etat. En cas de différence entre les sommes perçues auprès des usagers par le cocontractant et le prix des repas fixé initialement, la commune de Draveil versait une subvention à l’entreprise (à hauteur de 40%). Qui plus est, l’arrêt cite l’évolution du nombre de repas servis au cours des années 1993 à 2000 et qui démontre que le nombre d’usagers ne variait pas de manière substantielle d’une année à l’autre. La conclusion fut donc sans détour pour les sages du Palais-Royal : « la rémunération du cocontractant de la commune, en l'absence de réel risque d'exploitation, ne pouvait être regardée comme étant substantiellement assurée par les résultats de l'exploitation ». En conséquence, le contrat était « constitutif d'un marché public et non d'une délégation de service public ». Désagrément d’importance pour la société Avenance – Enseignement et Santé puisque en plus de la requalification du contrat, celui-ci a été déclaré nul par le tribunal administratif. La signature d’un avenant d’une durée trois fois supérieure à la durée initiale du contrat a été jugée, sans surprise, comme bouleversant les conditions initiales du contrat. Vu comme un nouveau marché, cet avenant n’a pas répondu aux règles de passation imposées par le code des marchés publics. L’entreprise ne pouvait donc pas demandé à être indemnisée sur un fondement contractuel mais seulement sur le terrain de l’enrichissement sans cause. Et sur ce plan, sa part de responsabilité au titre du dommage résultant la nullité du contrat a été fixée à 40% par le tribunal administratif... Elle contestait un tel partage. La CAA de Versailles lui avait dénié ce droit. Le Conseil d’Etat a, sur ce point, annulé l’arrêt de cette dernière et renvoyé l’affaire devant elle.

(1) Décision du Conseil d’Etat du 5 juin 2009, Société Avenance-Enseignement et Santé, requête n°298641