Les entreprises attendent d’en savoir plus

  • 02/10/2009
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Le référé contractuel est loin encore d’avoir fait le tour des entreprises. Peu d’entre elles connaissent l’existence de cette nouvelle procédure qui renforce le droit des sociétés évincées.  Pour celles qui se sont penchées sur la question, le référé contractuel est accueilli avec beaucoup de satisfaction. Elles apprécient particulièrement que l’ordonnance du 7 mai prévoie la suspension automatique d’un contrat sans attendre la décision du juge, une fois le référé précontractuel déposé.

Depuis le 7 mai dernier, les entreprises disposent d’une nouvelle arme contentieuse : le référé contractuel. Issue du droit européen, et plus exactement de la transposition en droit interne de la directive recours, cette toute nouvelle procédure est destinée à renforcer les droits des sociétés évincées et à améliorer l’efficacité des recours avant et après la signature des contrats. Depuis son entrée officielle dans le paysage législatif français, il y a presque cinq mois maintenant, les entreprises et leurs grandes fédérations professionnelles demeurent discrètes, voire muettes, sur le sujet. Est-ce parce qu’il manque encore un décret d’application qui complétera le nouveau dispositif ? Peut-être. Est-ce parce que le texte s’avère complexe, avec d’ores et déjà des difficultés d’articulation avec le recours Tropic ? Sans doute aussi. Il ne faut pas occulter non plus le fait que la procédure est une nouvelle venue et demandera un certain temps avant d’être connue et maîtrisée de tous. A la fédération nationale des travaux publics (FNTP), c’est le silence radio. L’organisation n’a pour l’instant rien à dire sur le sujet. Le Medef estime, pour sa part, que son introduction est encore trop récente pour en parler : « Nous n’avons pas encore reçu de réactions de la part de nos adhérents à ce propos, confirme Christine Melon, chargée de mission à la direction des affaires juridiques. De toute façon, nous sommes plutôt réservés sur les procédures contentieuses en général. Nous préfèrerions que les modes alternatifs de règlement des litiges entre personnes publiques et personnes privées soient développés et renforcés ».

Un recours qui manquait dans l’arsenal des entreprises

Pour les associations professionnelles qui se sont penchées sur le sujet, telles que la Confédération générale des PME, le Syndicat national du second œuvre, la Fédération des Scop du BTP, ou encore l’Union nationale des imprimeurs, l’apparition de ce nouveau recours est une bonne chose. Tout ce qui dans le sens de plus de clarté et plus de transparence est bon à prendre, répondent-elles à l’unisson. « Lorsqu’une entreprise constate qu’un marché a été attribué de manière illégale, il est normal que le dirigeant puisse engager  une procédure rapide et efficace, tant pour l’entreprise demanderesse que pour l’entreprise soupçonnée. En mettant en place une procédure en amont et a posteriori, et en élargissant les pouvoirs du juge, il est évident que les différentes parties y gagnent », commente Jean-François Roubaud, le président de la CGPME. « Les entreprises ont peu d’information sur les marchés signés et les raisons du rejet de leur offre. Cette procédure devrait donc améliorer les choses », renchérit-on chez les imprimeurs. « Il est clair que ce recours manquait dans l’arsenal juridique, complète Renaud Marquié, le délégué général du SNSO. Une fois le marché signé, les entreprises n’avaient plus que le recours au fond pour agir, qui est long et coûteux. Sans compter qu’une action en justice n’est jamais neutre. C’est difficile de remporter des marchés publics une fois que l’on a attaqué la collectivité concernée », avance-t-il. Le syndicat a d’ores et déjà prévenu ses adhérents de l’existence de l’ordonnance dans son bulletin d’information mensuel.

La course à la signature stoppée ?

« Les collectivités locales ont tendance à organiser l’information relative à l’attribution d’un marché de telle sorte que le délai des 15 jours pour déposer un référé précontractuel soit passé avant d’être au courant de sa signature. Il faut être constamment à l’affût », affirme Claude L’Hostis, le patron de FMDT, une PME familiale spécialisée dans la récupération des déchets. L’entrepreneur parle par expérience : il a eu bien des difficultés à obtenir certaines informations avant la signature d’un marché litigieux pour pouvoir l’attaquer en référé précontractuel. « Le juge m’a donné raison dans cette affaire et j’ai remporté le marché mais avec une autre de mes filiales qui ne portait pas le même nom que la société qui a attaqué le marché. Sinon, je ne l’aurai jamais gagné », poursuit l’entrepreneur. Jean-Louis Pinton, chef d’une entreprise spécialisée dans les travaux électriques extérieurs, livre le même constat : « Il faut s’attendre à un retour de bâton de la part de la collectivité qu’on attaque ». Ce risque n’a pas dissuadé pour autant les deux dirigeants de « partir en contentieux » lorsqu’ils se sont considérés lésés, mais le lancement d’un contentieux est toujours mûrement réfléchi car « c’est long, coûteux, avec une issue incertaine ». Aussi, la possibilité d’attaquer en urgence après la signature du marché leur paraît  une mesure intéressante : « La procédure sur le fond, on n’en voit jamais la fin », soupire Jean-Louis Pinton.

Référé précontractuel : la suspension automatique particulièrement appréciée

Mais de toutes les mesures prévues par l’ordonnance du 7 mai 2009, celle qui semble séduire le plus concerne la suspension automatique d’un contrat, une fois le référé précontractuel déposé, sans attendre la décision du juge. Pour la fédération des Scop du bâtiment, c’est l’apport essentiel du texte. « Cela, c’est vraiment intéressant », confirment  Claude L’Hostis et Jean-Louis Pinton. La fédération des Scop salue également  la rapidité avec laquelle les pouvoirs publics ont réagi suite au renversement opéré par l’arrêt Tropic. Elle regrette cependant que les motifs énoncés par le nouvel article L 551-18 du CJA pour justifier l’annulation du marché restent si formels et n’évoquent pas les infractions, qui nous semblent bien plus graves, aux principes d’égalité de traitement des candidats à la commande publique. « Surtout, nous considérons que l’annulation devrait être automatique, sans exception possible ; lorsque les délais imposés par le Code ex la signature du marché – je pense au délai de standstill – n’ont pas été respectés, déclare Olivier Diard, le délégué général de la fédération des Scop BTP. Enfin, doit-on accepter sans discussion le fait que les marchés à procédures adaptés, qui peuvent atteindre des montants importants, soient exclus du champ d'application du recours précontractuel, et puissent l'être du référé contractuel ?... », conclut Olivier Diard.