
La garantie décennale commence à courir à partir de la date de levée des réserves
Pour faire jouer la garantie décennale, mieux vaut ne pas manquer sa cible au départ de la procédure. Sans quoi, la personne publique risque la prescription.

Lors des réceptions d’ouvrage, les acheteurs devront dorénavant se montrer prudents. Le Conseil d’Etat vient de juger, dans un arrêt du 7 octobre (1), que c’est à partir de la date de levée des réserves que commence à courir le délai d’action décennale. Une action en justice n’interrompt pas forcément cette période lors de laquelle la responsabilité des constructeurs peut être engagée à la demande du maître d’ouvrage. Explications. Pour réaliser son centre d’hébergement et de loisirs à Lacanau, le département de la Gironde a classiquement passé un marché de travaux. Tout de suite, un premier désaccord est apparu entre les parties au contrat. La collectivité a émis des réserves lors de la réception de l’ouvrage en juin 1988. Réserves finalement levées le 15 décembre 1988. L’histoire aurait pu en rester là. Mais c’était sans compter sur l’apparition de désordres ultérieurs sur les menuiseries de l’ouvrage. Le département fait alors plusieurs déclarations de sinistres (en 1990, 1991 et 1994) auprès de son assureur, lequel ne l’indemnise pas à hauteur de ses espérances… Il décide de réagir.
La collectivité attaque son propre assureur en justice devant le tribunal de grande instance. Cette procédure conduit à la réalisation d’une expertise (suite à une ordonnance de référé émise le 6 octobre 1993 par cette juridiction), qui finit par être élargie aux constructeurs. Le département décide alors, le 10 avril 2000, d’entamer une procédure devant le juge administratif à l’encontre des constructeurs visant à mettre en cause leur responsabilité sur le fondement de la garantie décennale. Pour la haute juridiction administrative, cette action était trop tardive. Elle a rejeté le recours formé par le département de la Gironde pour cause de prescription… « Le délai d’action décennale du département de la Gironde à l’égard du constructeur et du maître d’œuvre a commencé à courir à la date où les réserves ont été levées, soit le 15 décembre 1988, et a donc expiré le 15 décembre 1998 », a jugé le Conseil d’Etat. La requête de la collectivité a été enregistrée devant le TA le 10 avril 2000, soit « postérieurement à l’expiration du délai décennal ».
Parties appelées à la procédure initiale
Le code civil indique pourtant que toute action en justice interrompt la prescription et les délais pour agir (2). En conséquence, l’action du département devant le TGI aurait-elle dû suspendre l’écoulement de cette période de dix ans ? Elle aurait pu. Le TA et la CAA de Bordeaux avaient d’ailleurs choisi cette option en condamnant solidairement le constructeur et le maître d’œuvre à verser au département une indemnité de 84243,82 euros, ramenée à 60025,82 euros en appel. Les sages du Palais-Royal n’étaient pas contre une telle solution. Mais à une double condition : la citation devait « émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et (…) viser celui-là même qui en bénéficierait ». Ce n’était pas le cas dans le litige bordelais. Devant le TGI, l’action du département ne visait que son assureur dommages-ouvrage. La CAA a commis une erreur de droit en jugeant que la prescription de la garantie décennale des constructeurs avait été interrompue par cette action en justice. « Une ordonnance de référé a un effet interruptif de prescription à l’égard des seules parties appelées à la procédure initiale, pour les chefs de préjudice procédant du sinistre en litige », a jugé le Conseil d’Etat. « A défaut de mise en cause du constructeur et du maître d’œuvre dans la procédure initiale, la prescription décennale relative à l’ouvrage en cause n’a pu être suspendue par les ordonnances du juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux faisant droit aux demandes d’instruction présentées avant tout procès », détaille-t-il dans sa décision. Aux acheteurs de voir si dorénavant, en cas d’action en justice, il ne faut pas viser systématiquement toutes les parties intervenantes pour ne pas se priver de la garantie décennale…
(1) Décision du Conseil d’Etat du 7 octobre 2009, Société Atelier des Maîtres d’œuvre ATMO & Cie Les Souscripteurs du Lloyd’s de Londres, requête n°308163 CE 7 octobre 2009 ATMO (360.17 kB)
(2) Article 2244 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, articles 2240 et suivants du code en vigueur.


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