La pub, ça rapporte !

  • 20/11/2009
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La vente d’encarts dans un bulletin municipal est, comme dans le secteur privé, sujette aux aléas. Surtout en ces temps de crise. Mais Rouen a trouvé une solution pour sécuriser une première année de recettes… qui vient d’être adoubée par le juge.

Personne n’est jamais sûr de vendre un espace publicitaire dans un journal. En 1999, la ville de Rouen a donc voulu mettre toutes les chances de son côté en chargeant un prestataire de la besogne. Selon le marché passé, la société Prest’Action devait prospecter les annonceurs, préparer la mise en page des encarts publicitaires et surtout facturer et encaisser les recettes issues de la vente. Pour que tout le monde soit gagnant : une partie de ces recettes tombaient dans l’escarcelle de l’entreprise, tandis que l’autre remplissait les caisses de la ville. Dans ces conditions, les deux parties prenaient toutefois le risque (inhérent à tout commerce) de ne rien vendre. Pas très satisfaisant aux yeux de la municipalité de l’époque… Aussi a-t-elle conclu un contrat lui rapportant plus certainement quelques ressources en obligeant son cocontractant à lui verser une somme annuelle minimale garantie la première année de leur relation. Consciente de l’effort demandé ou peut-être éprise de remords, la collectivité ne réclamait que 250 000 francs (38 112,25 euros)… Le titulaire, sûr de son fait ou d’une nature généreuse, n’avait pas hésité à plus que doubler la mise dans son acte d’engagement en proposant la somme de 650 000 francs (99 091,86 euros). Affaire conclue et évidemment qui a tourné court, l’entreprise versant finalement moins de la moitié de la somme promise à l’issue de cette première période. En réponse, la collectivité a émis un titre exécutoire réclamant à son cocontractant 302 155,38 francs (46 063,29 euros). S’en est suivi un contentieux que le Conseil d’Etat vient de trancher par une décision du 6 novembre (1) en donnant raison à la ville de Rouen. Selon la haute juridiction, celle-ci n’a « fait qu’exécuter les conditions financières du marché ».

Recettes commerciales

La société Prest’Action a bien essayé de faire vaciller le contrat et la collectivité en usant de stratagèmes liés à la qualification du contrat et au comportement de son partenaire. Sans succès. Pour le Conseil d’Etat, le contrat était bel et bien un marché public et non une DSP, « la ville conservant l'entière maitrise de l'organisation et de la gestion de son bulletin municipal ». Elle ne « confiait pas ce faisant [à la société Prest’Action] l'exécution même d'un service public, nonobstant la circonstance que l'activité de la société pouvait constituer une source de financement pour le service public de l'information municipale ». Le titulaire ne pouvait pas non plus reprocher à la collectivité de ne pas l’avoir aidée dans ses démarches commerciales en ne lui fournissant pas de lettre accréditive à présenter aux prospects ou de listes de ses partenaires usuels, cela n’étant pas prévu dans le contrat.  La plus grande question soulevée par ce litige concernait la qualification des recettes issues de la vente des encarts publicitaires. Un temps rangées dans la catégorie des recettes publiques par la cour administrative d’appel de Douai, ces gains ont été définitivement classés dans la catégorie des recettes commerciales par les sages du Palais-Royal, réunis, pour l’occasion, dans leur plus haute formation de jugement du contentieux. Au passage, le Conseil d’Etat a réaffirmé quelques principes. Seul le comptable public peut procéder au recouvrement de recettes et au paiement des dépenses publiques. Il « dispose d’une compétence exclusive » en la matière. Par ailleurs, « des recettes publiques ne peuvent servir à compenser une somme due par l'administration et doivent être intégralement reversées au comptable public ». Dans l’affaire, le cocontractant percevait les recettes auprès des annonceurs, en gardait une partie en guise de rémunération et reversait le reste à la ville. Mais ce contrat ne constituait pas une habilitation du titulaire à percevoir des recettes publiques (les règles de la comptabilité publique l’interdisent) et la société Prest’Action « ne pouvait être regardée comme un mandataire (…) et n’avait pas été nommée régisseur », qui sont les personnes à qui le comptable public peut éventuellement déléguer ses attributions (selon certaines règles bien précises). Dans l’histoire, seules les sommes versées par la société à la ville ont été qualifiées de recettes publiques. Le produit des ventes, uniquement encaissé par l’entreprise, étaient elles des recettes purement commerciales.


(1) Décision du Conseil d’Etat du 6 novembre 2009, Société Prest’Action,  CE 6 novembre 2009 Rouen (32.22 kB)