Marchés informatiques : retard à l’allumage ?

  • 11/12/2009
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Au 1er janvier 2010, les pouvoirs adjudicateurs devront mettre en ligne leurs AAPC et leurs DCE et pourront imposer la transmission électronique des dossiers, dès 90 000 €. Quant aux entreprises d’informatique, elles devront répondre par voie dématérialisée. A quelques semaines de l’échéance, il est difficile de savoir si les acheteurs et les fournisseurs sont prêts. D’autant qu’on attend toujours un arrêté d’application, le guide pratique et la liste des codes CPV d’informatique.

L’entrée en vigueur de nouvelles obligations en matière de dématérialisation des marchés publics a beau s’approcher à grands pas, personne n’est vraiment capable de savoir si les personnes publiques et les entreprises d’informatique seront fin prêtes à l’heure dite. Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, plusieurs changements substantiels apparaîtront pour tout achat supérieur à partir de 90 000 € dès le 1er janvier 2010 : le pouvoir adjudicateur devra publier l’avis d’appel public à la concurrence (AAPC) et les documents de consultation des entreprises (DCE) sous forme dématérialisée sur son profil d’acheteur (1) et pourra imposer aux candidats la transmission électronique des candidatures et des offres. Les prestataires d’informatique seront, pour leur part, obligés de répondre par voie dématérialisée dès 90 000 €. Le 1er janvier 2012 marque une seconde étape avec, toujours à partir du même seuil, l’impossibilité pour les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices de refuser la remise des offres sous format numérique. Ces nouvelles mesures sont loin d’être révolutionnaires. La direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l’Economie a en effet pris le parti de réformer en douceur afin que les acteurs concernés puissent s’adapter progressivement à la nouvelle donne. Les plus critiques considèrent d’ailleurs que les mesures prévues sont timides et qu’elles ne permettront pas le décollage tant attendu de la dématérialisation. Pour autant, acheteurs et fournisseurs se sont-ils préparés aux changements à venir ?

C’est pas parce qu’il y a de l’informatique que ça relève de l’informatique…

« Les mesures prévues en 2010 et 2012 sont un test, annonce Serge Doumain, le chef du bureau « économie, statistiques et techniques de l’achat »  à la DAJ de Bercy. Le secteur informatique a bénéficié pour ainsi dire d’un an de préavis, nous espérons donc qu’il sera au point car nous sommes partis du principe que ce secteur d’activité est le plus à même de répondre aux nouvelles exigences réglementaires imposées par le code des marchés publics dès le 1er janvier prochain. S’il n’est pas capable de pratiquer la dématérialisation, qui le sera ?! », questionne-t-il. Afin de lever toute ambiguïté sur ce que sont les achats de « fourniture de matériels informatiques et de services informatiques », la DAJ a prévu de publier une fiche qui recensera tous les codes CPV correspondants. Selon Françoise Vergriète-Maringes, la présidente de la commission des marchés publics d’Alliance TICS, une fédération professionnelle qui regroupe une soixantaine d’entreprises dans le domaine des technologies de l'information, de la communication et des services, cette liste est attendue avec beaucoup d’impatience. De fait, en la matière, la frontière entre ce qui relève de l’informatique et ce qui n’en relève pas n’est pas toujours évidente : « Les photocopieurs ne sont pas classés parmi les fournitures d’informatique en code CPV. Ainsi, un marché de location de photocopieurs équipés d’une licence Microsoft ne relève pas de l’informatique, sauf si le montant d’achat des licences dépasse celui de la location des photocopieurs. Les imprimantes font, en revanche, partie de l’informatique dans le vocabulaire CPV », explique Serge Doumain. Que se passe-t-il alors si l’achat concerne la location d’une machine qui fait à la fois photocopieur et imprimante ? « C’est l’usage  principal de l’appareil, c'est-à-dire son objet principal, qui caractérise l’achat », répond le spécialiste, avant de préciser qu’une bonne part des prestations SSII dépend de l’informatique.

L’arrêté sur la confidentialité et la sécurité des transactions imminent

A ce jour, deux précieux outils manquent toujours à l’appel pour pouvoir mettre en œuvre convenablement les mesures au 1er janvier prochain : l’arrêté fixant les modalités pour assurer la confidentialité et la sécurité des transactions sur le réseau de façon non discriminatoire et le guide pour la dématérialisation des marchés publics. Mais l’attente ne devrait plus être longue. Selon le chef de bureau, l’arrêté devrait être publié d’ici le 15 décembre prochain. Quant au guide, qui remplacera le vade mecum sur la dématérialisation des marchés publics, il devrait sortir au mieux avant le 31 décembre 2009, au pire dans les premiers jours de janvier 2010. « L’arrêté a pris du retard en raison du retard de sortie du décret sur les référentiels généraux de sécurité, d’interopérabilité et d’accessibilité qui peuvent impacter l’arrêté. On l’a attendu, puis on a finalement décidé de rerédiger l’arrêté afin qu’il ne dépende pas des référentiels en question », explique-t-il. Tout ce que l’on sait à ce jour sur le texte, c’est qu’il supprime l’obligation pour les entreprises de s’identifier pour pouvoir télécharger le DCE : « Attention, prévient Serge Doumain. La contrepartie à cet assouplissement, c’est que les pouvoirs adjudicateurs ne pourront plus prévenir les entreprises des modifications de DCE ». L’arrêté n’aborde pas la problématique des virus, laquelle sera traitée dans le futur guide pour la dématérialisation des marchés publics. Il prévoit la possibilité de déroger à l’envoi électronique des DCE quand les fichiers sont trop volumineux : « Cette responsabilité revient au pouvoir adjudicateur qui décidera des cas pour lesquels une dérogation se justifie », précise le fonctionnaire. Mais encore ? « On peut considérer qu’un fichier de 40 Mo et plus devient difficile à transmettre », détaille-t-il.

Alliance-TICS s’attend à des couacs

S’agissant du guide, mille fois annoncé et mille fois reporté, la DAJ souhaite organiser une brève concertation d’une durée de 15 jours environ avant de le publier définitivement. « Le périmètre des personnes invitées à donner leur avis sur le document n’est pas arrêté, annonce le chef de bureau. Il est possible que ce périmètre soit circonscrit aux seuls experts de ce domaine et non ouvert à tous les internautes, compte tenu de courte échéance prévue pour cette concertation et du volume du guide qui compte une bonne cinquantaine de pages ». Au sein d’Alliance-TICS, les adhérents seraient déjà dans les startings blocks pour le 1er janvier prochain. C’est en tout cas le point de vue Françoise Vergriète-Maringes : « Nous avons attiré l’attention des membres de ma fédération, j’ai plusieurs fois alerté notre commission juridique sur cette échéance. En outre, le MEDEF a réalisé une brochure sur la dématérialisation qui est sortie au premier semestre 2009 et qui a été communiquée aux membres d’Alliance TICS. Nous sommes prêts, mais nous nous attendons à rencontrer des difficultés de transferts de fichiers notamment. Il y aura sûrement des couacs », pronostique-t-elle. « C’est vrai que l’encombrement du réseau peut poser problème, admet le représentant de la DAJ. Il faut que les entreprises perdent l’habitude de transmettre leurs dossiers au dernier moment. Plus elles pratiqueront, moins elles trouveront la démarche compliquée et plus elles y verront un intérêt. Nous conseillons par ailleurs aux praticiens qui en ont le choix d’utiliser un seul mode de transmission : tout numérique ou tout papier, par exemple, pour les petits acheteurs qui ne dépassent pas 90 000 € de commandes. Enfin, peut-être faudrait-il permettre aux utilisateurs de s’entraîner sur des marchés dématérialisés fictifs. Ils constateraient que c’est vraiment pas compliqué de répondre en ligne », suggère Serge Doumain. Quoi qu’il se passe, la DAJ ne reviendra pas sur les mesures prévues, et ce, même si elles s’avèrent peu concluantes.

Site d’Alliance-TICS : http://www.alliance-tics.org/index.htm

(1) Lire 2010 : des précisions sur le profil acheteur        et sur le même thème Probable concertation pour le guide pour la dématérialisation des marchés publics ; Dématérialisation : ce quil faut attendre de la réforme du Code