Prestations intellectuelles : pas de mémoire de réclamation, pas de juge !

  • 22/03/2010
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Quel que soit le CCAG utilisé, Travaux ou PI, le processus de règlement des litiges reste le même. Un maître d’œuvre qui n’est pas d’accord avec le décompte d’un marché dont il est titulaire doit, avant toute saisine du juge, envoyer un mémoire de réclamation à la personne publique.

Un sou est un sou, même en matière d’édifice religieux. La commune d’Algolsheim (1083 habitants, Haut-Rhin) ne voulait pas en démordre vis-à-vis de son maître d’œuvre pour la rénovation de son église protestante. De modifications en modifications du projet, la facture du marché de travaux s’est alourdie. Mais le maître d’œuvre, lui, était payé au forfait. En d’autres termes, pas question de lui régler des honoraires supplémentaires du fait de travaux non prévus au départ. Le Conseil d’Etat vient de donner raison à la collectivité. L’architecte maître d’œuvre en est pour ses frais : les 17 761 euros qu’il réclamait à la commune viennent de s’envoler, à quoi s’ajoutent quelques 3000 euros de frais de justice.

Les juges suprêmes ont considéré que le maître d’œuvre n’avait pas suivi la bonne procédure de réclamation. Comme pour les marchés de travaux, les réclamations concernant les marchés de maîtrise d’œuvre doivent suivre un certain processus. « Le différend entre le titulaire et la personne responsable du marché devait faire l’objet, préalablement, à toute instance contentieuse, d’un mémoire en réclamation de la part du titulaire du marché », a jugé la haute juridiction. Pas de mémoire de réclamation, pas de juge ! Lors de l’audience, le rapporteur public, Bertrand Dacosta, n’avait pas hésité pour l’occasion à tisser un parallèle entre CCAG Travaux et CCAG PI en indiquant que la démarche existante dans le cadre du CCAG Travaux était « transposable » aux prestations intellectuelles.

Formalisme

Un mémoire de réclamation est un document bien à part. Dans l’affaire, l’architecte avait établi un projet de décompte après la réception sans réserve des travaux. En s’appuyant sur ce document, quelques jours plus tard, il avait proposé à la commune de conclure un avenant au marché de maîtrise d’œuvre en raison du surplus de travail qu’il avait dû assurer pour les travaux supplémentaires réalisés. Considérant la rémunération indiquée dans son acte d’engagement comme provisoire, il souhaitait ajuster ce montant au coût réel. Pour essayer de convaincre la collectivité, il avait même limité son supplément d’honoraires. Son projet de décompte définitif incluait ce complément financier. Mais le geste commercial ne suffisait pas. Le conseil municipal était défavorable au paiement de tout surplus. La délibération prise en ce sens a été notifiée à l’architecte en réponse à son projet de décompte définitif.

La CAA a alors jugé souverainement que cette notification de la commune contenant la délibération municipale ne pouvait tenir lieu de décompte général au sens des dispositions du CCAG-PI (art. 12-31 de l’ancienne version, art.11-5 à 11-8 du CCAG 2009). La commune a donc été réputée comme n’avoir jamais établi de décompte général et définitif. L’architecte aurait dû, dans un premier temps, mettre en demeure la collectivité de l’établir. Et ensuite, en l’absence de ce décompte, devaient alors s’appliquer le processus détaillé à l’article 40-1 du CCAG-PI applicable au marché (aujourd’hui article 37) sur les différends, selon le Conseil d’Etat, à savoir la présentation par l’architecte d’un mémoire de réclamation à la personne responsable du marché avant toute démarche devant le TA. En ce sens, la proposition d’avenant formulée par le maître d’œuvre dans une simple lettre « ne [pouvait] être regardée comme tenant lieu d’un tel mémoire ». Les réclamations des cocontractants des administrations publiques n’échappent pas non plus au formalisme des procédures...

CE 17 mars 2010, Commune d’Algolsheim, n°310079,  CE 17 mars 2010 commune d’Algolsheim (1.92 MB)