Une suspension qui coûte cher
Le Conseil d’Etat vient de condamner la ville de Marseille à verser respectivement plus de 51 000 et 24 000 euros aux titulaires d’un marché d’entretien d’espaces verts parce qu’elle avait suspendu le contrat pendant deux mois.
Carton rouge pour Marseille. L’arbitre suprême des marchés publics a sanctionné la ville championne de France de foot pour mauvaise application des règles du jeu d’un contrat d’entretien des espaces verts conclu en 1997. La suspension pendant deux mois de son marché à bons de commande, à l’époque par souci d’économie, entre dans la catégorie des mauvais gestes. Le contrat prévoyait un prix annuel et global avec une facturation par douzièmes. « L'ordre donné par la ville de Marseille à la société de suspendre les travaux d'entretien pour les mois d'octobre et novembre 1998 était donc sans incidence sur le prix du marché et sur son droit au paiement d'un douzième du prix convenu pour les mois d'octobre et de novembre 1998 » (constituant la période de la suspension) (1). Le CCAP comportait pourtant, selon l’argumentaire marseillais, une clause autorisant l’administration à diminuer ou à augmenter la liste des espaces verts à entretenir « sans qu’aucune réclamation de l’entreprise ne puisse être élevée ».
Une clause en question
Certes, cette disposition permettait à la personne publique de faire varier le périmètre d’exécution, répond le Conseil d’Etat, « mais non à en suspendre l’application ». Cette clause est « sans incidence sur le paiement du prix contractuellement prévu ». La ville « ne pouvait refuser de lui verser les règlements mensuels correspondant aux mois d’octobre et novembre 1998 ». Et ce d’autant, qu’à la reprise du marché en décembre, il a fallu mettre les bouchées doubles pour « compenser un défaut d’entretien pendant deux mois ». Pour obtenir gain de cause, les deux titulaires de lots avaient tout de même pris la précaution de respecter à la lettre le CCAG applicable (ancien article 2.52) sur l’émission de réserves en cas de désaccord sur un ordre de service. A l’époque, cette réserve devait être présentée au maître d’œuvre dans un délai de quinze jours. Les deux entreprises avaient en outre bien précisé dans leur réclamation qu’elles exigeraient le paiement des prestations pour les deux mois litigieux. Le Conseil d’Etat a jugé qu’elles avaient « respecté les dispositions (…) en élevant en temps utile une réserve contre l’ordre de service litigieux ».
Imprévisibilité
La haute juridiction, conformément aux conclusions du rapporteur public (2), a également annulé l’arrêt de la CAA de Marseille qui avait relevé d’office la nullité du marché. Les juges d’appel considéraient que la collectivité ne pouvait pas utiliser la procédure du marché à bons de commande pour ces prestations en raison de leur caractère systématique et mensuel. Dans son ancienne version, le code des marchés publics permettait le recours à cette procédure lorsque la personne publique ne connaissait pas entièrement l’étendue des besoins à satisfaire (ancien article 273). Mais la CAA a dénaturé les pièces du dossier, selon le Conseil d’Etat, car le CCAP du marché mettait « également à la charge de la société la réalisation de tous les travaux d'entretien exceptionnels, dont la commune ne pouvait estimer par avance le montant ». La collectivité avait ainsi intelligemment mêlé prestations prévisibles et prestations imprévisibles pour justifier l’emploi du marché à bons de commande.
1) CE 7 juin 2010, Ville de Marseille, n°316528 & 316529, CE 7 juin 2010 ville de Marseille (1.33 MB)
2) Lire notre article : La suspension d’un marché ne rime pas avec économies
Bénédicte Rallu © achatpublic.info
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