DSP et régie d’avances et de recettes : un drôle de mélange

  • 25/11/2010
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Pour faciliter l’exploitation de son palais des sports et des spectacles, la ville de Beauvais (Oise) a passé un contrat de régie intéressée en le combinant avec une régie d’avances et de recettes. Le régisseur de celle-ci n’était autre que le gérant de l’entreprise délégataire. Les ennuis sont arrivés lorsque celui-ci a omis de reverser à la collectivité certaines sommes…

La ville de Beauvais avait choisi de donner les clés et le porte-monnaie à l’exploitant de son palais des sports et spectacles. Sans quelques précautions prises dans la rédaction des clauses de sa régie intéressée, elle aurait pu y laisser gros. Au final, elle en sort gagnante. Le 19 novembre, elle a remporté l’ultime bataille administrative devant le Conseil d’Etat (1). La collectivité avait conclu en 1999 une régie intéressée avec la société Beauvais Sports et Spectacles pour une durée de trois ans. Un moment contesté, cette convention a été confirmée comme un contrat de délégation de service public par le juge suprême. La collectivité avait bien confié une mission de service public d’exploitation sous son contrôle (notamment pour la programmation culturelle et les contraintes d’occupation par les équipes sportives de la ville). La rémunération du délégataire se composait d’une part fixe et d’une autre variable, « calculée en fonction des écarts entre le budget prévisionnel et le budget réalisé ». La « rémunération globale étant susceptible d’être inférieure aux dépenses d’exploitation, (…) le cocontractant supportait ainsi un risque d’exploitation ».

Problème de recettes

Parallèlement à cette DSP, la municipalité avait nommé le gérant de la société délégataire régisseur suppléant puis régisseur de la régie d’avances et de recettes créée à cette occasion pour faciliter l’exploitation de la salle. Puis « des difficultés sont apparues dans l’exécution du contrat de régie intéressée et dans le fonctionnement de la régie de recettes et d’avances, avait déjà relevé la CAA de Douai dans son arrêt relatif à l’affaire en 2008. « En particulier, les recettes perçues par le régisseur d’avances et de recettes ont été confiées à la société Beauvais Sports et Spectacles et n’ont pas été intégralement reversées dans la caisse du trésorier principal (…), comptable assignataire de la commune »… La régie d’avances et de recettes est une exception aux règles générales de comptabilité publique d’une collectivité. Selon les services du ministère de l’Economie, ce système permet, pour des raisons de commodités, à des agents placés sous l'autorité de l'ordonnateur et la responsabilité du trésorier, « d'exécuter de manière limitative et contrôlée, un certain nombre d'opérations » (2).

Ici, ce pouvoir permettait au délégataire de régler certaines dépenses et d’encaisser des produits (tarification aux usagers) pour le compte de la ville, sous la surveillance du comptable public assignataire. Le contrat distinguait clairement, selon la CAA, le régime des diverses recettes et dépenses entre la DSP et la régie d’avances et de recettes. Les revenus encaissés pour cette dernière devaient être reversés à la ville. Mais certaines sommes ont atterri dans les caisses de la société… Ces agissements ont conduit à la mise en cause du gérant sur le plan pénal pour détournement de fonds et abus de crédit. Sur le plan administratif, la ville a émis un certain nombre de titres de recettes pour tenter de recouvrer son dû. Le gérant et sa fille, associée dans la société (également régisseur suppléant), en demandaient l’annulation devant la haute juridiction. Ils ont été déboutés.

Le quitus comptable, pas un obstacle

Les requérants contestaient, en autres griefs, la légalité des titres de recettes émis par la collectivité notamment parce que la chambre régionale des comptes avait donné quitus au comptable public de la ville et validé ses comptes pour la période concernée par la demande. Mais ces comptes avaient été établis sur la fois des « sommes et des documents comptables joints, tels que transmis par le régisseur d’avances et de recettes », ont relevé les juges du Palais-Royal. Ce quitus « ne faisait pas légalement obstacle à ce que des titres soient émis à l’encontre » des requérants, « alors régisseur titulaire et régisseur suppléant pour cette même période, au titre des fonds qu’ils avaient indûment gardés au lieu de les reverser à la ville de Beauvais ». Par ailleurs, le Conseil d’Etat a rappelé que le statut de régisseur de régie d’avances et de recettes ne peut conférer la qualité de partie au contrat, même dans ce cas précis où le régisseur était le gérant de la société délégataire. La qualité de caution de la société délégataire, qu’était aussi le gérant, ne pouvait pas non plus lui donner ce droit de partie au contrat. Les requérant avaient déposé deux recours en leur nom propre, en lieu et place du nom de la société placée en liquidation judiciaire au moment des faits. Outre l’annulation des titres de recettes, ils demandaient au juge de constater la nullité de la convention de la DSP. Refus du Conseil d’Etat puisque les requérants n’étaient pas partie au contrat. Pour recouvrer les sommes dues, la ville et le comptable s’étaient retournés contre les responsables de la SARL et les deux cautions de l’entreprise, qui étaient donc poursuivis sur leurs deniers propres…

(1) CE 19 novembre 2010, M. et Melle X, CE 19 novembre 2010 M et Mlle A (72.73 kB) ; CE 19 novembre 2010 M et Mlle A bis (74.48 kB)

(2) Voir la fiche du ministère