Un nouvel aphone

  • 13/09/2018
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Je viens de recevoir le dernier prototype hyper hype du téléphone intelligent, arrivé direct de Californie et distribué par porteur spécial. La version grand public, c’est déjà du délire, un vrai couteau suisse du 21e siècle : il parle à ta place quand tu es enroué, surveille ta fréquence cardiaque, programme la cafetière lorsque tu es frappé d’acrasie, déclenche une alerte dès que ton compte est dans le rouge et que la rupture de stock guette le papier toilette. Plus besoin de taper un code ou de mettre son empreinte digitale pour le déverrouiller, il suffit de lui montrer sa bouille.  Bon, faudra voir le résultat après une troisième mi-temps copieusement arrosée suivie d’une nuit blanche si le Racing gagne la H Cup. Mais le modèle Public Procurement, réservé aux pros, c’est carrément l’hallucination, avec sa flopée d’outils dernier cri. L’appli « jurisprudence » confine au génie : j’ai récupéré un contentieux remporté par un pouvoir adjudicateur qui avait invoqué l’irrégularité d’une offre qu’il avait pourtant classée (lire notre article), une décision du Conseil d’Etat sur la coresponsabilité de la personne publique dotée d’un service technique en cas de faute du maître d’œuvre (lire notre article). Il y a aussi une fonction « sourcing » et « innovation », qui m’a prévenu de la mise sur le marché d’une solution de gestion des poteaux incendie  (lire notre info), et un bouton « centrale d’achat » avec les annonces des nouveautés du Resah (lire notre info) et de l’offre télécoms d’Yvelines Numériques disponible y compris pour les organismes publics hors de son territoire (lire notre info). Dans sa version la plus luxueuse, avec une coque en titane, l’engin comprend aussi les recommandations pour devenir un acheteur responsable normé ISO 20400 (lire notre article) ainsi qu’un modèle de lettre de doléances à la DAJ, par exemple pour se plaindre de la traduction imparfaite de la directive européenne au sujet de la sous-traitance (lire notre invité du jeudi). Bon allez, je vous abandonne, le gadget est ultra-perfectionné, mais l’autonomie de sa batterie laisse déjà à désirer. L’obsolescence programmée sans doute. A la semaine prochaine,  peut-être.

Jean-Marc Binot