Un projet de décompte implicitement validé

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S’il revient au titulaire du marché de transmettre le projet de décompte, c’est bien le maître d'ouvrage qui arrête le montant définitif. Pour autant, aucun formalisme n’est exigé si la personne publique ne le modifie pas et procède à son paiement. C’est ce qui ressort d’une décision récente du Conseil d’Etat.

La commune de Reilhac confie, le 18 mars 2005, la maitrise d’œuvre d’une opération de construction à un groupement d’entreprises dont le mandataire est la société Daniel Marot (ce marché est donc passé sous l’empire du CCAG prestations intellectuelles en date du 26 décembre 1978). A la fin des travaux, un document intitulé « décompte définitif » est adressé au maitre d’ouvrage. La commune lui fait alors verser, sur la base de ce document, le montant demandé, et ce sans préciser qu’elle n’aurait pas entendu procéder au règlement du solde du marché. Pourtant, trois ans plus tard, l’OPH du Cantal, mandataire du maitre d’ouvrage, et la commune de Reilhac saisissent le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en réclamant des pénalités de retard et pour fautes commises dans le cadre de la mission « ordonnancement, pilotage et coordination ». Ils contestent également le caractère définitif du décompte du fait de l’absence de validation expresse. 

Le paiement du décompte vaut acceptation

Pour le rapporteur public, Olivier Henrard « le mécanisme prévu par le CCAG-PI, dans sa version applicable au litige, est beaucoup plus simple en matière de travaux que celui issu du CCAG travaux ». Conformément à l’article 12.31, le titulaire adresse à la personne responsable du marché le projet de décompte correspondant aux prestations fournies.

la CAA n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le décompte du marché avait acquis un caractère définitif à compter de la date du paiement du solde du marché

Le montant est alors arrêté par la personne responsable du marché, et  si celle-ci modifie le projet de décompte présenté par le titulaire, elle lui notifie celui retenu.  Mais comme le souligne le rapporteur public le CCAP prévaut au CCAG. Et selon l’article 7-3 du CCAP, « le maitre d’œuvre adresse au maitre d’ouvrage une demande de paiement du solde sous forme d’un projet de décompte final ». L’article 7-3-1 indique quant à lui que, « le décompte devient définitif dès l’acceptation du maitre d’œuvre ».  Finalement, les juges du Palais royal vont suivre l’analyse d’Olivier Henrard, en notant qu’il n’est pas nécessaire que « la validation du projet de décompte soit formalisée par une décision explicite lorsque le maître d’ouvrage auquel le titulaire a transmis son projet de décompte ne le modifie pas et procède au versement des sommes correspondantes. » En ce sens, pour le Conseil d’Etat, la CAA n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le décompte du marché avait acquis un caractère définitif à compter de la date du paiement du solde du marché.

La clôture des relations contractuelles

Au cours de l’instruction de l’affaire, il apparait que la commune était, à la date du paiement du solde du marché, informée qu’elle était susceptible de voir des sommes mises à sa charge, pour indemniser la société Cégélec , en raison du comportement de la société Daniel Marot. Pour autant, le Conseil d’Etat note qu’ « aucun élément ne permet de démontrer qu’elle (la commune) n’entendait pas, en réalité, procéder au règlement du solde mais seulement à un règlement à titre d’acompte. »

le caractère définitif du décompte fait obstacle à ce qu’il puisse obtenir indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle

. La commune est donc regardée comme ayant arrêtée le projet de décompte qui lui a été transmis par le titulaire. Or, comme le rappelle les juges, « il appartient au maitre d’ouvrage, lorsqu’il lui apparait que la responsabilité de son cocontractant est susceptible d’être engagée à raison de fautes commises dans l’exécution du contrat, soit de surseoir à l’établissement du décompte jusqu’à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d’assortir le décompte de réserves. » A défaut, le caractère définitif du décompte fait obstacle à ce qu’il puisse obtenir indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Ainsi, la CAA n’a pas commis d’erreur de droit en qualifiant le recours de la personne publique irrecevable.