Les conditions de recours à un dialogue compétitif

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Météo-France s’est vu annuler sa mise en concurrence car les conditions de recours à un dialogue compétitif n’étaient pas respectées. Pour autant, la passation a été lancée deux mois avant l’entrée en vigueur du décret du 25 mars 2016. Le Conseil d’Etat a donc rendu sa décision en se fondant sur le code des marchés publics. A l’époque, l’acheteur pouvait user de ce mécanisme uniquement dans deux hypothèses. Depuis la réforme, les possibilités de recours ont été élargies et les exigences allégées.

Météo-France s’est attiré les foudres du Conseil d’Etat dans son arrêt du 18 décembre 2017 au sujet d'un dialogue compétitif. Le verdict aurait pu être différent si la procédure avait été lancée, non pas en février 2016, mais en avril, date à laquelle le décret relatif aux marchés publics est rentré en vigueur. En l’espèce, l’établissement public avait lancé une mise en concurrence pour la fourniture d’une capacité d’observation du vent par un dispositif dit Lidar Doppler scannant à longue portée pour l’aéroport de Nice Côte d’Azur. La société Leosphere, candidat évincé, saisit le juge du référé précontractuel au motif que les conditions de recours au dialogue compétitif n’étaient pas réunies. Comme le tribunal administratif (TA) de Nice annule la procédure, Météo-France se pourvoit en cassation. La décision du Conseil d’Etat s’inscrit parfaitement dans la continuité de la jurisprudence lorsque la réglementation sur le dialogue compétitif était issue de l’article 36 du code des marchés publics, souligne Maître Nicolas Lafay, avocat à la cour.

La seule indétermination du choix entre un achat de l’appareil, une location de l’appareil avec option d’achat de données, (…) ne relèverait pas, à elle seule, l’incapacité objective du pouvoir adjudicateur

Sous l’empire de cette réglementation, l’acheteur pouvait user du dialogue compétitif uniquement dans deux cas de figure. Il peut toujours s’aventurer dans les méandres de ce mécanisme s’il n’est pas en mesure d’identifier objectivement les différents montages juridiques et financiers avant le lancement de la passation. L’argumentation dans ce sens de Météo-France n'a fait cependant ni chaud ni froid aux sages du Palais Royal.  « La seule indétermination du choix entre un achat de l’appareil, une location de l’appareil avec option d’achat de données, (…) ne relèverait pas, à elle seule, l’incapacité objective du pouvoir adjudicateur (…) » atteste la haute juridiction.


Vers un contrôle restreint du juge


lafay_nicolas_mrs9424_1.jpgLa seconde hypothèse a fait l’objet d’un assouplissement lors de la réforme, constate Maître Nicolas Lafay. A l’époque, l’acheteur ne devait pas être en mesure de définir seul et en avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins, pour envisager d’utiliser cette procédure. Aujourd’hui, il peut accéder à ce sésame s’il ne peut déterminer avec une précision suffisante les spécifications techniques. Pour l’avocat, l’office du juge serait impacté. Dorénavant, son contrôle devrait être restreint. Conséquence ? Selon Maître Nicolas Lafay, l’apport de quelques éléments par le pouvoir adjudicateur, prouvant l’impossibilité de celui-ci à caractériser suffisamment les spécifications techniques, suffirait. Dans la présente affaire, il est possible de déduire de la réponse du TA de Nice que la nouvelle disposition n’aurait pas été favorable à Météo-France. La juridiction du premier ressort met en avant la parfaite connaissance de l’acheteur sur ce sujet, grâce premièrement aux études menées et à l’expérimentation réalisée cinq ans plutôt par celui-ci et, deuxièmement, en raison d’une mise en concurrence lancée en 2012 ayant par la suite échouée. Elle a ainsi conclu que « ces expériences ont permis d’éliminer certaines solutions techniques et lui ont permis d’identifier que la technologie dite de "Lidar Doppler scannant" était la plus appropriée à son besoin ». D’autant qu’il n’est pas démontré par Météo France d’une part que : « les sociétés présentes dans le marché auraient dû recourir au développement spécifique de techniques innovantes » et d’autre part que « les contraintes relatives à l’installation dans une enceinte et à l’architecture logicielle auraient présenté une particulière complexité ». La juridiction ne laisse entrevoir aucune éclaircie en précisant le fait suivant : « le produit proposé par la société Leosphère [figurait] dans son catalogue ». Le Conseil d'Etat a suivi la position du TA.

Ouverture du dialogue compétitif


Depuis les nouveaux textes, les possibilités de recourir à un dialogue compétitif, prévue à l’article 25 du décret relatif aux marchés publics, ont été étendues (quatre hypothèses supplémentaires ont été prévues) et les conditions allégées. Il suffit notamment que le besoin : « ne peut être satisfait sans adapter des solutions immédiatement disponibles », ou : « consiste en une solution innovante » ou encore : « comporte des prestations de conception ».

Le dialogue compétitif reste une procédure dérogatoire au droit commun

L’acheteur peut également choisir cette procédure après avoir déclaré le précédent appel d’offres infructueux en raison du dépôt d’offres irrégulières ou inacceptables. Toutefois, Maître Nicolas Lafay tempère cette ouverture. « Le dialogue compétitif d’abord reste une procédure dérogatoire au droit commun. Ensuite, l’intérêt de cette procédure pour les prestations courantes devrait cesser car les acheteurs sont de plus en plus spécialisés et ils arrivent mieux à appréhender leur achat à l’aide du sourcing. Le dialogue compétitif va être utilisé pour des enjeux très spécifiques et/ou d’une grande complexité » certifie l’avocat.