Un Code en trois chapitres ?

  • 25/02/2009
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Quel serait le contenu du futur code de la commande publique ? Si l’on s’en tient à la loi sur l’accélération de l’investissement public et privé, qui avait prévu une habilitation autorisant sa création par voie d’ordonnance, le texte se composerait de trois parties : un premier chapitre législatif rappelant les grands principes de la commande publique, un deuxième sur les règles spécifiques applicables aux contrats non régis par le code des marchés publics, le dernier volet plus technique traitant des autres règles.

Mettre de l’ordre et de la clarté dans les contrats administratifs. Tel serait l’enjeu du futur code de la commande publique, s’il voit finalement le jour. Il faut dire que, depuis une dizaine d’années, le paysage contractuel français s’est considérablement enrichi en contrats globaux et autres règles spécifiques de source législative qui ont abouti à obscurcir le droit des contrats publics et fragiliser leur stabilité juridique : baux emphytéotiques administratifs et hospitaliers, contrats de partenariats, délégation de service public, contrats globaux spéciaux  dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation de la justice et de la sécurité intérieure, etc. Il y a de quoi en perdre son latin. Jean-Marc Sauvé, le vice-président du conseil d’Etat, a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme dans le rapport d’activité 2008 des sages du Palais Royal : « Ajouter périodiquement de nouveaux contrats spéciaux soumis à des procédures particulières de passation, indépendamment les uns des autres sans aucunement les raccrocher à des principes communs transversaux, mais en réinventant à chaque fois des règles particulières présente à la longue des dangers ». Le gouvernement semble l’avoir entendu puisqu’il a profité du projet de loi sur l’accélération des programmes de construction et de l’investissement publics privés pour engager cet exercice de clarification qui devait aboutir à « un code unifié et lisible » selon les propres termes de Patrick Devidjian, le ministre du plan de relance. Sauf qu’entre-temps, le conseil constitutionnel a invalidé l’article 33 de la loi habilitant le gouvernement à élaborer un code de la commande publique par ordonnance… Motif invoqué : l’article n’a pas de lien avec l’objet initial de la loi.

Réduire significativement le nombre de contrats

A quel contenu devrait-on s’attendre si le gouvernement fait preuve de pugnacité et décide de redéposer un amendement portant cette habilitation à la faveur peut-être de la proposition de loi sur la simplification et clarification du droit et l'allègement des procédures qui va être bientôt examiné en deuxième lecture au Sénat ? La loi, adoptée le 29 janvier dernier, lève un coin du voile. Une esquisse du texte futur y est en effet dessinée, lequel serait articulé en trois grands chapitres et ne se ferait pas à droit constant. Ainsi, la première partie du code contiendrait « les principes applicables à l’ensemble de la commande publique, notamment la transparence ou l’égalité des entreprises à la commande publique ainsi que les règles communes de procédure pour la passation des marchés. » Il est précisé que « les dispositions relatives à la publicité des marchés passés en dessous de seuils européens devront réduire au maximum les incertitudes juridiques pour les acheteurs publics tout en facilitant l’accès à l’information des entreprises candidates. » La deuxième partie développerait « les règles spécifiques applicables aux contrats non régis par le code des marchés publics ». Les procédures d’achat relevant des décrets du 18 et 20 décembre 2008 ne seraient en effet pas concernées par la réforme.

Cinq lois, six codes et deux ordonnances concernées

 Il n’en demeure pas moins que la commission supérieure de codification, qui serait chargée d’exécuter le travail si le code pointe son nez, en association avec la direction des affaires juridiques de Bercy, aurait du pain sur la planche : le chantier à venir couvrirait cinq lois, six codes et deux ordonnances (1), parmi lesquels on compte le code général des collectivités territoriales, le code de la construction et de l’habitation, le code de la santé publique, le code de l’urbanisme, la loi MOP, celle sur les contrats de partenariats, la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, la loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure, sans oublier les ordonnances sur les contrats de partenariats et sur les marchés passés par les personnes non soumises au code des marchés publics. Presque un inventaire à la Prévert ! C’est pourquoi il est prévu de « réduire significativement le nombre de types de contrats afin d’éviter les problèmes de chevauchement et de frontières ». La troisième et dernière partie du code traiterait « des autres règles de la commande publique ». Que faut-il entendre par là ? Selon Laure de la Raudière, députée d’Eure-et-Loir, qui est à l’origine de l’amendement visant à créer un code de la commande publique dans le cadre de la loi sur l’accélération de la construction et de l’investissement public-privé (2), cette troisième partie contiendrait des dispositions techniques relevant de la réglementation sur les délais de paiement par exemple. Enfin, à ce stade, l’on sait que l’élaboration de ce code se ferait « dans le respect du droit européen, de l’intelligibilité de la norme par tous les acteurs de la commande publique et avec le souci de faciliter l’accès des PME à la commande publique ».

Un texte « trop timoré »

Laurent Béteille, rapporteur pour la commission des lois du Sénat, ne cache pas sa déception quant à l’exclusion du code des marchés publics d’un éventuel grand Code. Le sénateur de l’Essonne considère, en effet, que la rédaction de l’habilitation, qui a été contestée par le Conseil constitutionnel, était à la fois trop timorée et trop ambiguë en ne tranchant pas clairement la question de compétence du gouvernement en matière de marchés publics : « Je souhaite toujours que l’on aboutisse à un texte qui regroupe tous les contrats : DSP, PPP, beaux emphytéotiques et code des marchés publics pour éviter à l’avenir des difficultés d’interprétation des textes, déclare-t-il. Il ne faut pas oublier que la délimitation entre PPP et marchés publics est différente au sens européen et en droit français. Un PPP est un marché public au sens des directives. » Selon le sénateur, si la mouture prévue dans la loi ne comprenait pas le code, c’est « parce que le gouvernement ne voulait pas effectuer ce travail et l’on ne peut obliger quelqu’un à faire ce qu’il ne veut pas faire ». Le code des marchés publics pourrait-il réapparaître dans une nouvelle habilitation introduite à la faveur d’un projet de loi ? « Nous avons admis que le texte serait une étape préalable à un grand code rassemblant également le code des marchés publics », assure Laurent Béteille. Le parlementaire envisageait de proposer l’unification des deux codes à l’occasion de la ratification de l’ordonnance, en tout cas pour la partie législative.

(1) Lire  Vers un très grand code de la commande publique
(2) Lire Plan de relance : le code de la commande publique remis au goût du jour