Réponse électronique : cap vers la démocratisation

  • 11/12/2009
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Contrairement aux idées répandues, le nombre de réponses électroniques n’est pas si calamiteux qu’on veut bien l’imaginer. Les plates-formes mutualisées affichent même de fortes hausses. Les nouvelles obligations 2010 arrivent donc à point nommé pour passer un nouveau cap. Pourtant, l’absence de volontarisme des personnes publiques et la crise économique risquent de restreindre les bénéfices attendus de ces mesures.

A l’OPAC des Vosges, l’échéance du 1er janvier 2010 n’émeut pas vraiment Régis Courroy, le responsable des achats, récompensé aux derniers Trophées de la commande publique (lien). Son établissement, sans doute champion hexagonal de la réponse électronique avec un 45% en matière de dépôt d’offre, est en pointe pour ce qui est dématérialisation, y compris dans le domaine de l’accompagnement des candidats. « On a fait tout ce qu’on pouvait faire pour les entreprises », estime l’acheteur lorrain, exception à la règle en quelque sorte.  Car le dépôt de la candidature et de l’offre reste le point noir de la dématérialisation, même si l’on constate un net frémissement. La salle des marchés d’achatpublic.com, la première de France avec plus de 28 000 consultations en ligne et 681 232 téléchargements de DCE entre janvier et novembre 2009, a comptabilisé pour la même période 6521 réponses électroniques. La plate-forme interministérielle a enregistré - de novembre 2008 à novembre 2009 - 2157 réponses pour 13 000 procédures et 177 198 DCE retirés. Si la plate-forme de la région Bourgogne a multiplié par plus de deux le nombre de téléchargements de DCE entre 2005 et 2008, passant de 34799 à 81 855, elle a totalisé un x 5 dans le même temps en ce qui concerne les réponses (de 427 à 2250). En Bretagne, on constate aussi une progression des réponses en ligne. Alors qu’en 2007 elles atteignaient le chiffre de 99, le syndicat mixte e-mégalis en recense, deux ans plus tard, 729 sur sa plate-forme régionale (au 1er décembre 2009).

 Des chiffres en forte hausse

La ville de Limoges peut aussi se targuer d’un bilan honorable. Elle dématérialise tous ses marchés supérieurs à 4000 euros, soit environ 1800 procédures par an. Son taux de téléchargement de DCE oscille entre 90 et 95%. Et cette année, la mairie limousine aura reçu environ 300 réponses électroniques. Ses recettes sont plutôt simples. Elle a organisé une matinée de présentation des bienfaits de la dématérialisation, à laquelle ont participé 350 entreprises. Elle privilégie le dépôt électronique de l’offre, et elle rappelle aux candidats qui font une demande papier qu’il est possible de télécharger les pièces. Du côté de l’AP-HP, mastodonte de la commande publique, les 436 marchés formalisés passés en ligne en 2008 ont généré près de 11 000 DCE téléchargés durant ces douze mois, soit une progression de 16% par rapport à l’année précédente. Le nombre de réponses électroniques (77 cas) est, lui aussi, en forte hausse (+22%). Néanmoins, calculer un ratio nombre de réponses/nombre de marchés à partir de ces chiffres serait trompeur  car on ne sait pas, en général, combien il y a d'offres par procédures. D’autant que certaines collectivités servent de locomotives et concentrent un grand nombre de dépôts en ligne. En résumé, l’arbre peut cacher la forêt. Les réponses reçues par un établissement de santé du Nord, qui dématérialise pourtant depuis plusieurs années, se comptent sur les doigts d’une seule main. A Meaux, les dépôts  sont rares, bien que la collectivité seine-et-marnaise sensibilise les candidats. « On leur dit que les pièces du marché sont téléchargeables, que c’est gratuit, que l’on peut répondre, que c’est facile et sécurisé. A priori, cela n’a pas l’air de suffire», témoigne Alain Bénard, directeur de la commande publique, qui n’a reçu que 4 offres sur internet cette année.

Les raisons de ce désamour ? Pour l’acheteur francilien, les opérateurs économiques ont leurs propres soucis. « Il existe encore des entreprises qui interdisent à leurs salariés de télécharger des documents sur leur poste. En outre, chacun a son propre circuit de fonctionnement et de décision. Certains commerciaux n’ont pas forcément la délégation de signature pour répondre.» Delphine Bouty-Chollet, du bureau des marchés de Limoges, constate également que la signature électronique constitue un frein, spécialement dans les grandes entreprises et leurs filiales. En tout état de cause, le mode de réponse, quoique en net progrès, demeure toujours ultra-minoritaire. Le gouvernement le sait bien. Et c’est pourquoi le Code 2008 a intégré des mesures, applicables à partir du 1er janvier, susceptibles d’accélérer la cadence. D’abord avec l’obligation de la réponse dématérialisée pour les marchés informatiques supérieurs à 90 000 euros. Une sorte d’expérience à grande échelle qui laisse Alain Bénard de marbre : « actuellement, même les sociétés informatiques ne répondent pas par voie dématérialisée. » Un constat partagé par la ville de Limoges. Sur les trois marchés informatiques passés en 2009, la ville n’a reçu que deux offres par internet sur un total de 80 plis… Par bonheur, les prestataires de ce secteur auront un répit supplémentaire pour se familiariser avec la dématérialisation, car la capitale de la Haute-Vienne n’a pas programmé de consultations en 2010.

Ne pas affoler les entreprises

Deuxième mesure phare : la possibilité, pour la personne publique, d’imposer la réponse électronique, comme le fait actuellement la région Bourgogne pour ses marchés de formation professionnelle. L’OPAC des Vosges a prévu de le faire pour toutes ses consultations, MAPA inclus, quel que soit le montant, à partir de septembre 2010. « On va laisser six mois aux entreprises, le temps qu’elles s’organisent », concède toutefois Régis Courroy.  Là encore, l’OPAC lorrain fait figure d’avant-garde. « Pour l’instant, les collectivités se contentent de répondre aux obligations réglementaires. Rares sont celles, comme la ville de Rennes, qui affichent leur volontarisme dans le domaine », témoigne Céline Faivre, directrice d’e-mégalis, dubitative sur la volonté des acheteurs d’imposer, dès l’année prochaine, la réponse électronique. « Elles ne veulent pas restreindre l’accès de la commande publique aux entreprises. » Son de cloche identique à Limoges qui ne veut surtout ne pas provoquer d’affolement dans les milieux économiques. « La conjoncture ne le permet pas. Actuellement, les entreprises ont d’autres chats à fouetter que d’apprendre à répondre par voie dématérialisée », estime Delphine Bouty-Chollet. Sa collectivité ne se jettera pas de toute façon « à corps perdu » dans cette direction, en raison de la rupture, très rapide, de la chaîne de dématérialisation.  Il faut en effet réimprimer les pièces, dès qu’il s’agit de transmettre au contrôle de légalité ou au comptable public.

Néanmoins, la plupart des organisations se démènent pour évangéliser les foules et faire passer un cap à la réponse électronique. En décembre, le syndicat mixte e-mégalis Bretagne a assuré, avec le concours des CCI et de la Fédération française du bâtiment, plusieurs ateliers de formation et de sensibilisation avant la trêve des confiseurs. Six autres rencontres, en liaison notamment avec la Fédération régionale des travaux publics et l’ordre des experts-comptables, sont programmées en janvier. Le GIP e-Bourgogne, qui collabore depuis longtemps avec les fédérations professionnelles (FFB, FNTP, CGPME, CAPEB) et les chambres consulaires, va entreprendre des piqûres de rappel. Et l’Etat ? « Nous n'avons pas prévu de faire d'opération de sensibilisation particulière », explique-t-on au service des achats de l’Etat, « La Direction des affaires juridiques a fait pas mal de communication générale sur ce sujet.  Par ailleurs, au-delà de la plate-forme école qui existait déjà et qui permet aux entreprises de se faire la main, nous avons fait développer sur la plate-forme une fonctionnalité permettant à l'entreprise de tester son poste de travail pour être sûre qu'elle ne rencontrera pas de difficulté au moment d'envoyer son offre. »