
Concert annulé : le promoteur déchante
L’organisation d’un concert comporte toujours une part d’incertitude quant à la santé de ou des artistes devant se produire. Lorsqu’une collectivité se lance dans une telle aventure, elle passe un marché public et prévoit généralement une clause de sortie en cas d’indisponibilité. L’usage de celle-ci ne clôt pas pour autant systématiquement les débats. La ville de Garges-lès-Gonesse (Val d’Oise) a par exemple demandé à être indemnisée pour le forfait du chanteur Raphaël en 2006. Le Conseil d’Etat vient de valider l’idée d’une indemnisation de la personne publique.

Le 17 juin 2006, l’artiste Raphaël, au lieu de chanter à Garges-lès-Gonesse comme prévu des mois auparavant, se fait porter pâle. La veille au soir, un malaise l’avait contraint à déclarer forfait lors d’un concert donné à Lille. Certificat médical avec une prescription de 48h de repos à l’appui. Mais en matière de marché public, une telle solution n’est pas aussi simple à régler. Car de marché public il est bien question. La CAA de Versailles avait déjà jugé les faits ainsi en 2008. Le rapporteur public comme les juges du Conseil d’Etat ont confirmé cette analyse (1). Le contrat signé pour ce concert entre la société TS3, détentrice des droits de production du spectacle de l’artiste, et la ville de Garges-lès-Gonesse prévoyait la cession des droits à la collectivité pour une représentation. La CAA définissait alors un contrat de cession de droits d’exploitation d’un spectacle à une collectivité comme un « achat, par cette personne publique, d'une prestation de service et (…) donc conclu à titre onéreux par un pouvoir adjudicateur en vue de répondre à ses besoins en matière de service. (…) Un tel contrat doit ainsi être regardé comme un marché public au sens des articles 1er et 2 du code des marchés publics ».
Un marché public de services
Pour le rapporteur public Nicolas Boulouis, la cession de ces droits n’avait en outre aucun rapport avec l’achat d’une œuvre d’art, prévue à l’article 3-11 du CMP. Au contraire, le contrat était bien un « marché public de services » passé sans publicité ni mise en concurrence compte tenu de sa spécificité, c’est-à-dire un contrat administratif au sens de l’article 2 de la loi Murcef du 11 décembre 2001 et pour lequel la juridiction administrative est compétente. Une position confirmée par la haute juridiction. Une fois assurée la compétence du juge administratif, tout le problème du litige résidait dans la résiliation du contrat pour cas de force majeure. L’une des clauses stipulait que le contrat serait « suspendu, résolu ou résilié de plein droit et sans indemnité d'aucune sorte en cas d'accidents indépendants des parties reconnus de force majeure nécessitant la fermeture de la plupart des salles de spectacles, tels que (…) maladie dûment constatée d'un artiste ». Pourtant, la collectivité réclamait une indemnisation. Devant le TA, elle avait même obtenu 22 250 euros. Un jugement annulé en appel, mais réhabilité en cassation.
Cas de force majeure « imprévisible et irrésistible »
S’agissait-il réellement d’un cas de force majeure ? Selon les conclusions du rapporteur public du Conseil d’Etat, on peut en douter. Pour entrer dans la catégorie des cas de force majeure, la maladie aurait dû être « imprévisible et irrésistible ». Or quelques indices laissent penser que tel n’était pas le cas. Le contrat a été conclu le 2 septembre 2005 et à cette date, selon le rapporteur public, il était « raisonnablement prévisible qu’en juin 2006 le chanteur serait épuisé », puisqu’en tournée depuis le mois de mars, à laquelle s’ajoutaient des concerts supplémentaires. Quant au caractère « irrésistible », si le certificat médical ne pouvait révéler des informations sur l’état de santé de l’artiste puisque soumis au secret médical, l’artiste lui-même n’était pas tenu à ce secret. Il lui était donc tout à fait « loisible » de communiquer sur son état. En d’autres termes, il n’y avait pas de cas de force majeure caractérisée. Le rapporteur public a donc proposé d’annuler l’arrêt de la CAA qui avait estimé le contraire et de faire droit à la demande de la collectivité, tout en limitant celle-ci fortement. Devant la haute juridiction, la ville réclamait cette fois 35 000 euros pour l’indemnisation des salaires versés aux intermittents du spectacle qu’elle avait dû mobiliser pour l’occasion et le préjudice subi. Mais elle n’a pas produit la preuve du versement des salaires. La décision du Conseil d’Etat du 3 mars, qui suit les conclusions du rapporteur public, lui permet de récupérer seulement 5000 euros au titre des frais de procédures.
(1) CE, Garges-lès-Gonesse, n°323076, CE 3 mars 2010 Garges les Gonesse (2.33 MB)


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