Plus belle la commande publique, saison 5, épisode 5

  • 28/06/2018
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« Fichtre, on va tous crever à petit feu, entre les fruits aspergés de pesticide, les phtalates instillés dans les détergents, les jouets en plastique, les médicaments, les bisphénols des conserves et des canettes, le phénoxyéthanol des lingettes nettoyantes pour nourrissons, les composés perfluorés des canapés et tapis, sans oublier les saletés utilisées dans les colles des mobiliers et  les diphényléthers polybromés qu’on trouve partout pour ignifuger les ordinateurs, les vêtements ou les coussins. On aurait même trouvé des substances toxiques dans les fournitures scolaires ! Je me suis renseigné, ça déglingue, entre autres, la thyroïde, le sommeil, la circulation sanguine et la fertilité », égrène, sur un ton lugubre, Bruno Desclozes, spécialiste de l’achat durable de la mairie de Pichade-sur-Mer. « Et le pastis, on peut encore en boire ? », s’enquiert René Gaussy, toujours d’attaque dès qu’il s’agit de faire du sourcing de denrées alimentaires. « Tu peux plaisanter. Les lobbies industriels sont tellement puissants que, lors du vote du projet de loi concernant l’alimentation durable, l’Assemblée a blackboulé un amendement qui voulait, par mesure de précaution, écarter progressivement les contenants plastiques pour la cuisson, la réchauffe ou le service. Au motif, je cite, que cela entraînera un surcoût important et une dégradation des conditions de travail pour les opérateurs », répond l’acheteur militant. « Ne sombrez pas dans le complotisme. Les députés  ont quand même accepté de mettre fin à l’usage des bouteilles en plastique dans les cantines à partir de 2020. Et on n’est pas obligé d’attendre une hypothétique législation. Rien ne nous empêche de faire comme nos collègues de Limoges. Pour les achats destinés aux crèches, ils modifient progressivement les cahiers des charges pour endiguer les perturbateurs endocriniens (lire notre article) », intervient Jean-Aymar Desmapas, le responsable du service de la commande publique. « En tout cas, si vous ne voulez pas vous empoisonner la vie, pensez à vérifier, dans vos prochains marchés, que les candidats vous ont bien signalé qu’ils étaient, le cas échéant, en redressement judiciaire, et, dans cette hypothèse, de contrôler, en vous procurant le jugement du tribunal de commerce, qu’on a les estimés aptes à exécuter un marché (lire notre article). Idem pour les sous-traitants, évitez de fermer les yeux sur une éventuelle OAB (lire notre article) », prévient Anne-Marie Layat-Tolat du Caude, juriste qui veille au grain. Bon allez, c’est le terminus de cet édito décidément intoxiqué par le mauvais esprit. Et songez à ce que disait Groucho Marx « le médicament miracle d’aujourd’hui sera le poison mortel de demain. » A la semaine prochaine,  peut-être.

Jean-Marc Binot