Quand exiger de l'attributaire une attestation d'assurance en cas de garantie décennale

partager :

Le défaut de remise d’une attestation de garantie décennale par l’attributaire, lorsqu’elle est obligatoire, est un motif suffisant pour annuler une passation. Lors d’un contentieux devant le Conseil d’Etat, la communauté de communes Caux Estuaire a fait valoir que la couverture thermique d’un centre aquatique ne nécessitait pas la remise d’un tel document, à double titre. Primo, elle serait un élément d’équipement dissociable de l’ouvrage. Deuzio, l’opération envisagée serait un ouvrage sportif non couvert et donc exclu de cette contrainte. Le rapporteur public s’est donc penché sur ces conditions de dérogation.

Un marché public ne peut être confié à un opérateur s’il ne justifie pas de sa souscription à une assurance de responsabilité décennale lorsque cette police est obligatoire. En cas de non-respect de cette prescription de l’article L. 241-1 du code des assurances, l’acheteur s’expose à une annulation de sa passation lors d’un référé précontractuel.

En cas de non-respect de cette prescription de l’article L. 241-1 du code des assurances, l’acheteur s’expose à une annulation de sa passation lors d’un référé précontractuel

La communauté de communes Caux Estuaire en a fait les frais, à la suite d’un recours d’un candidat évincé. Dans le cadre d’une opération de construction d’un centre aquatique, elle a attribué le lot « couverture thermique » à une entreprise n’ayant pas transmis, dans les délais, l’attestation de cette garantie. L’intercommunalité et l’attributaire se sont pourvus en cassation après le jugement du tribunal administratif (TA) de Rouen. A cette occasion, le rapporteur public Gilles Pellissier, a exposé la portée et les limites de cette exigence.

Les éléments indissociables de l’ouvrage soumis à la garantie décennale 


Une garantie décennale doit être souscrite obligatoirement, dans le cadre d’une construction d’ouvrage, par toute personne susceptible d’engager sa responsabilité sur le fondement de la présomption de responsabilité établie par les articles 1792 et suivants du code civil. A noter qu’une attestation de responsabilité civile d’entreprise ne peut se substituer à celle-ci, rappelle le TA dans cette affaire. La portée de cette règle s’étend également aux éléments d’équipement s’ils ont pour conséquence, en cas de dommage, de rendre l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (articles 1792-2 du code civil). A défaut, ils relèvent de la garantie biennale de bon fonctionnement (article 1792-3 du code civil). Selon la communauté de commune, la couverture thermique envisagée était distinct de l’ouvrage. La juridiction du premier ressort n’a pas suivi son raisonnement. Elle a considéré l’objet comme étant plutôt un élément indissociable car il : « s’enroule autour d’un axe qui est fixé au gros-œuvre de la piscine, dont la mise en place est susceptible de porter atteinte à sa solidité ». Le rapporteur public ne conteste pas l’interprétation du juge. L’attributaire ne pouvait donc se soustraire de cette obligation sur ce motif. 
 

La garantie décennale écartée pour les ouvrages de génie civil


Cependant, Gilles Pellissier constate l’absence de raisonnement du TA à savoir si le bassin aquatique, souhaité par l’acheteur, était exclu de l’obligation de garantie décennale. En effet, l’article L. 243-1-1 du code des assurances écarte cette exigence pour certains biens comme pour les ouvrages sportifs non couverts. Or, l’intercommunalité y fait référence. Elle insinue que l’opération entrait dans cette catégorie et, par conséquent, les éléments d’équipements ne pouvaient de facto être concernés par cette contrainte. Les requérantes auraient pu invoquer dans leur moyen (en cassation) une erreur de droit, souligne au passage le rapporteur public.

L’article L. 243-1-1 du code des assurances écarte cette exigence pour certains biens comme pour les ouvrages sportifs non couverts

Toutefois, il estime que cette problématique doit être laissée à l’appréciation souveraine du juge du fond car : « une telle qualification est un élément purement factuel : l’ouvrage est-il couvert ? L’ouvrage est-il sportif ? Même si elle permet de déroger à cette obligation d’assurance ». Il justifie cette position en faisant référence à une décision du Conseil d’Etat au cours de laquelle les sages du Palais Royal ont confié le soin aux juridictions du premier et du second degré de déterminer la qualité de fabricant (CE, 4 avril 2016, n°394196) alors que les enjeux étaient similaires.

Le rapporteur public s’est, néanmoins, intéressé à cette question. A la lecture de l’article L. 243-1-1, la dérogation concerne (essentiellement) les travaux de génie civil, constate-t-il. Afin de déterminer la notion d’ouvrage sportif non couvert, il se réfère à une étude menée par un comité (des critères sur le champ d’application de l’assurance obligatoire), appelé rapport Perinet-Marquet. Les recommandations de ce document ont été, pour la plupart, reprises par l’ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 dont est issu la disposition L. 243-1-1. Gilles Pellissier déclare qu’ : « ils ne sont pas entré dans le champ de cette application les ouvrages sportif d’une importance particulière en plein air assimilable à des ouvrages de génie civile tel que les stades. Ainsi, le juge des référés n’aurait pas dénaturé les faits ». Le rapporteur public conclut au rejet du pourvoi.