Le certificat relatif à l’emploi des travailleurs handicapés obligatoire pour l'attributaire ?

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Les sages du Palais Royal vont avoir l’occasion de clarifier les certificats devant être demandés par l’acheteur au candidat pressenti au marché. Un contentieux a mis en lumière une confusion des nouveaux textes sur ce sujet. Pour le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, à la lecture de l’arrêté du 25 mai 2016, le certificat, attestant de la régularité de la situation de l’attributaire au regard de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés, devait être transmis. Le rapporteur public devant la haute juridiction a une interprétation contraire.

Un candidat pressenti à un marché doit-il remettre une copie du certificat attestant de la régularité de sa situation au regard de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (dont le barème est établi à 6% de l’effectif total de l’organisme) ? Cette problématique, soumise devant le Conseil d’Etat, est ressortie du contentieux opposant la commune de Vitry-le-François à la société Comptoir négoce. La réponse n’était pas si évidente au vu des conclusions du rapporteur public. Gilles Pellissier met en avant les subtilités et les divergences au sein des nouveaux textes relatifs aux marchés publics. On constate un véritable jeu de piste où chaque article renvoie à une autre réglementation. En l’espèce, la collectivité a attribué le contrat, relatif à la fourniture de matériel d’éclairage public, à une toute petite entreprise. La société Comptoir négoce a considéré la procédure irrégulière car son offre, classée seconde, a été rejetée alors que la commune n’aurait pas dû retenir l’heureux élu du fait de l’insuffisance de preuves le disculpant d’une interdiction de soumissionner, en raison du défaut de transmission de la copie du certificat énoncé ci-dessus. La candidate évincée a saisi le juge du référé précontractuel et obtenu gain de cause auprès du tribunal administratif (TA) de Châlons-en-Champagne. La collectivité s’est donc pourvue en cassation.

Certificats attestant de l'autorisation du candidat à soumissionner


Si un opérateur économique n’a pas souscrit les déclarations lui incombant en matière fiscale ou sociale ou n’a pas acquitté les impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales exigibles, il ne peut se voir attribuer un marché, conformément à l’article 45 2° de l’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015. La personne publique procède à cette vérification. Toutefois, cette procédure est encadrée par le décret d’application, argue le rapporteur public. Premièrement, l’acheteur doit demander uniquement à l’attributaire les justifications attestant de sa faculté à pouvoir candidater.

Les preuves devant être acceptées par le pouvoir adjudicateur sont seulement les certificats fixés par un arrêté ministériel du 25 mai 2016

Deuxièmement, les preuves devant être acceptées par le pouvoir adjudicateur (d’après l’article 51 du décret n°2016-360) sont seulement les certificats fixés par un arrêté ministériel du 25 mai 2016, intitulé liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales donnant lieu à la délivrance de certificats pour l'attribution de marchés publics et de contrats de concession. Le paragraphe IV de l’article 2 de ce texte mentionne cette règle : « l’association de gestion du fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés (…) délivre un certificat attestant la régularité de la situation de l'employeur au regard de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés prévue aux articles L. 5212-2 à L. 5212-5 du [code du travail] ». Le TA a ainsi déduit, en combinant toutes ces normes, de la nécessité pour l’acheteur de demander ce document au stade de l’attribution.

Certificat exclu de l'ordonnance du 23 juillet 2015


Pour Gilles Pellissier, l’interprétation de la juridiction de première instance est erronée. Il commence d’abord à s’attarder sur l’article L. 5212-5 du code précité. La réglementation est la suivante, l’employeur adresse une déclaration annuelle relative à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés à l’association de gestion du fonds.

L’interdiction de soumissionner ne peut que sanctionner une entorse à une obligation déclarative

Le rapporteur public traduit de cette disposition que : « le défaut menant à considérer ce dernier comme ne satisfaisant pas à cette législation ne réside pas dans le manquement au code du travail mais dans l’absence de déclaration annuelle. Par conséquent, l’interdiction de soumissionner ne peut que sanctionner une entorse à une obligation déclarative ». D’autant que cet impératif ne s’impose pas, à la lecture de l’article L. 5212-1, à l’attributaire du présent marché car il embauche moins de vingt salariés, déclare le rapporteur public. De plus, il ressort de l’article 2 I de l’arrêté du 25 mai 2016 que le certificat prévu à l’article 51 du décret n°2016-360 est l’attestation issue de la disposition L. 243-15 du code de la sécurité sociale.

Gilles Pellissier s’est ensuite penché sur l’article 48 du décret n°2016-360 prévoyant un second dispositif de vérification.

Cet excès des motifs d’interdiction de soumissionner prévus par le décret d’application, semble être sans incidence dès lors qu’il ne concerne que la déclaration sur l’honneur

Une déclaration sur l’honneur doit être fournie, cette fois-ci, par chaque candidat à l’appui de leur candidature : « pour justifier qu'il n'entre dans aucun des cas mentionnés aux articles 45 et 48 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 susvisée et notamment qu'il est en règle au regard des articles L. 5212-1 à L. 5212-11 du code du travail ». Cette disposition semble permettre à l’acheteur de pouvoir exclure un opérateur ne respectant pas la législation sur le handicap, constate le rapporteur public. Or, l’ordonnance de 2015 ne prévoit pas une telle exclusion. Cette formulation est assez trompeuse, reconnaît-il. Toutefois  « cet excès des motifs d’interdiction de soumissionner prévus par le décret d’application, semble être sans incidence dès lors qu’il ne concerne que la déclaration sur l’honneur. Les certificats exigibles sont ceux attestant du respect des obligations en matière fiscale et sociale. L’acheteur ne peut donc demander la production d’une attestation relative à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés », conclut le maître des requêtes.