
Affaire SIAAP : et si la clause Molière n’existait pas ?
Un contrat de 400 millions d’euros suspendu à cause d’une éventuelle clause Molière dans le règlement de la consultation : voici le synopsis d’un contentieux opposant le Syndicat d’assainissement parisien (SIAAP) au préfet de Paris notamment. L’affaire est dorénavant jugée par le Conseil d’Etat. L’audience a eu lieu ce mercredi 23 janvier.

La clause Molière est de nouveau sur le devant de la scène ou plutôt dans les prétoires du Conseil d’Etat avec l’affaire SIAAP qui a été jugée ce mercredi 23 janvier. Ce contentieux avait fait du bruit, dans la presse, en raison de la suspension en mars dernier d’un contrat de 400 millions d’euros sur ce motif. En l’espèce, le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP) a créé une société d’économie mixte à opération unique (SEMOP) pour l’exploitation de l’usine d’épuration de Seine-Amont. La société Veolia Eau-Compagnie générale des eaux a remporté l’appel d’offres, lancé dans la foulée, pour être l’actionnaire de cette entité. Dès la signature de l’acte d’engagement en septembre 2017, un référé suspension a été déposé par le préfet, à l’appui duquel s’est glissée la société Suez, évincée de la passation. Les requérants ont obtenu la suspension en appel. Veolia s’est donc pourvu en cassation.
Depuis la jurisprudence Ministre de l'intérieur (CE, 4 décembre 2017 n° 413366), les sages du Palais Royal ont défini un cadre juridique concernant l’insertion de clause dite d’interprétariat, a souligné Olivier Henrard, le rapporteur public. Primo, « un pouvoir adjudicateur peut imposer, parmi les conditions d’exécution d’un marché public, des exigences particulières pour prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social ou à l’emploi, sous réserve que celles-ci présentent un lien suffisant avec l’objet du marché ». Deuzio, « une mesure nationale qui restreint l'exercice des libertés fondamentales garanties par le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, continue le rapporteur public, ne peut être admise qu'à la condition qu'elle poursuive un objectif d'intérêt général, qu'elle soit propre à garantir la réalisation de celui-ci ». Enfin, elle ne doit pas aller « au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ». Pour mémoire, la Haute juridiction avait admis une telle mesure afin de permettre « au maître d'ouvrage de s'assurer en vertu notamment de l'article L. 4531-1 du code du travail [...], que chaque travailleur directement concerné par l'exécution de tâches risquées sur le chantier est en mesure de réaliser celles-ci dans des conditions de sécurité suffisantes ».
La disposition ayant mis le feu aux poudres, dans le présent litige, est l’article 8.5 du règlement de la consultation, dénommé : "Langue et rédaction de propositions et d’exécution des prestations". L’exigence stipulée par le SIAAP était celle-ci: « La langue de travail pour les opérations préalables à l’attribution du marché et pour son exécution est le français exclusivement ». Pour la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris, cette stipulation serait de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux sur la validité du contrat. Le représentant de l’Etat avait précisé, dans ses moyens, qu’elle ne répondait, selon lui, à aucun motif d’intérêt général en rapport avec l’objet du marché. A la lecture de ses conclusions, le rapporteur public n’a visiblement pas partagé le raisonnement de la juridiction du second degré sur ce point. D’abord, l’article litigieux est inséré dans le règlement de la consultation et non dans le cahier des charges, a rappelé Olivier Henrard. Par conséquent, « cette pièce n’a pas de valeur contractuelle au stade de l’exécution du marché public ». Elle régit uniquement les relations entre le pouvoir adjudicateur et les candidats. Ensuite, même si cette disposition a été insérée en vue de restreindre l’embauche de travailleurs européens détachés, la rédaction de cette dernière ne permet pas d’avoir une telle portée. D’après le professionnel du droit, le terme "langue de travail" détermine la langue devant être utilisée lors des échanges administratifs. La clause n’aurait pas vocation à imposer aux salariés d'origine étrangère la maîtrise de la langue française. Le rapporteur public a invité alors les sages à annuler l’arrêt de la CAA.
Un cadre jurisprudentiel existant de la clause Molière
Depuis la jurisprudence Ministre de l'intérieur (CE, 4 décembre 2017 n° 413366), les sages du Palais Royal ont défini un cadre juridique concernant l’insertion de clause dite d’interprétariat, a souligné Olivier Henrard, le rapporteur public. Primo, « un pouvoir adjudicateur peut imposer, parmi les conditions d’exécution d’un marché public, des exigences particulières pour prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social ou à l’emploi, sous réserve que celles-ci présentent un lien suffisant avec l’objet du marché ». Deuzio, « une mesure nationale qui restreint l'exercice des libertés fondamentales garanties par le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, continue le rapporteur public, ne peut être admise qu'à la condition qu'elle poursuive un objectif d'intérêt général, qu'elle soit propre à garantir la réalisation de celui-ci ». Enfin, elle ne doit pas aller « au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ». Pour mémoire, la Haute juridiction avait admis une telle mesure afin de permettre « au maître d'ouvrage de s'assurer en vertu notamment de l'article L. 4531-1 du code du travail [...], que chaque travailleur directement concerné par l'exécution de tâches risquées sur le chantier est en mesure de réaliser celles-ci dans des conditions de sécurité suffisantes ».
Clause sur la langue de travail ≠ Clause Molière
La disposition ayant mis le feu aux poudres, dans le présent litige, est l’article 8.5 du règlement de la consultation, dénommé : "Langue et rédaction de propositions et d’exécution des prestations". L’exigence stipulée par le SIAAP était celle-ci: « La langue de travail pour les opérations préalables à l’attribution du marché et pour son exécution est le français exclusivement ». Pour la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris, cette stipulation serait de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux sur la validité du contrat. Le représentant de l’Etat avait précisé, dans ses moyens, qu’elle ne répondait, selon lui, à aucun motif d’intérêt général en rapport avec l’objet du marché. A la lecture de ses conclusions, le rapporteur public n’a visiblement pas partagé le raisonnement de la juridiction du second degré sur ce point. D’abord, l’article litigieux est inséré dans le règlement de la consultation et non dans le cahier des charges, a rappelé Olivier Henrard. Par conséquent, « cette pièce n’a pas de valeur contractuelle au stade de l’exécution du marché public ». Elle régit uniquement les relations entre le pouvoir adjudicateur et les candidats. Ensuite, même si cette disposition a été insérée en vue de restreindre l’embauche de travailleurs européens détachés, la rédaction de cette dernière ne permet pas d’avoir une telle portée. D’après le professionnel du droit, le terme "langue de travail" détermine la langue devant être utilisée lors des échanges administratifs. La clause n’aurait pas vocation à imposer aux salariés d'origine étrangère la maîtrise de la langue française. Le rapporteur public a invité alors les sages à annuler l’arrêt de la CAA.
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