
Les délinquants environnementaux peuvent toujours candidater à un marché public
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Interdiction de soumissionner
L'Assemblée nationale a rejeté en novembre dernier une proposition de loi qui envisageait d’inclure, comme motif d 'exclusion à un marché public, toute condamnation pour atteinte à l’écosystème. Pour l'heure, les opérateurs sanctionnés pénalement en raison d'une telle condamnation ont toujours la faculté de candidater. Il n'est pas facile, dans ces conditions, pour un acheteur de les écarter. Toutefois, la démarche ne semble pas impossible...


« Les opérateurs condamnés à un délit environnemental peuvent toujours candidater à un marché public », se désole le député Christophe Bouillon (PS - Seine-Maritime), contacté par achatpublic.info après l’échec de l’adoption de la loi en vue de reconnaître l’écocide.
Le texte, au-delà d’élever les atteintes les plus graves à l’écosystème au rang de crime, envisageait d’élargir le champ des interdictions de soumissionner, prévu dans le code de la commande publique (CCP). Le parlementaire regrette qu’il n’y ait pas eu, par la suite, de dépôt d’amendements en vue d’intégrer dans ledit corpus, a minima, les délits environnementaux déjà existants.
Les délits environnementaux absents du code de la commande publique

L’article L. 2141-1 du code de la commande publique énumère les infractions pour lesquelles un opérateur condamné à titre définitif est écarté de plein droit d’une passation. On note : le favoritisme ; la prise illégale d’intérêt ; la corruption ; le trafic d’influence ; le trafic de stupéfiants ; la concussion ; l’escroquerie ; l’abus de confiance ; le blanchiment ; le terrorisme ; le manquement au devoir de probité ; la constitution de faux ; la soustraction frauduleuse au paiement de l’impôt ; l’entrave à l’exercice de la justice ; la participation à une association de malfaiteurs et la traite des êtres humains. La disposition ne fait référence à aucune entorse de nature environnementale.
D’après Maître Sophie Guillon-Coudray, la liste serait exhaustive. L’avocate rappelle la jurisprudence "Métropole Aix-Marseille-Provence" (CE, 31 octobre 2017, req. n° 410496). Le Conseil d’Etat a refusé, dans cette affaire, de considérer le délit de banqueroute comme un motif d’exclusion d'un candidat, puisqu’il n’était pas répertorié dans les interdictions de soumissionner. Par conséquent, la condamnation à un délit environnemental ne serait pas, en soi, un obstacle à la candidature d’un opérateur, constate l’associée du cabinet Coudray.
Possibilité d’exclure un opérateur condamné à un délit environnemental

Le juge pénal a la faculté d'exclure l'opérateur des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus
Autrement dit, l’acheteur souhaitant écarter une entreprise, auteure d’une telle faute, doit s’appuyer sur les conditions de capacités ou les critères d’attribution des offres, préalablement fixés et en lien avec l’objet ou les conditions d’exécution du marché, insiste Me Sophie Guillon-Coudray. La tâche s'avère donc compliquée. Comment expliquer l'absence, au sein des interdictions de soumissionner, des infractions à l'écosystème ? Probablement par la crainte d’une perte d’attractivité des entreprises, selon Christophe Bouillon. Mais « on donne le sentiment qu’il existe une forme d’impunité pour ceux qui commettent des atteintes à l’environnement », déplore le député.
Un candidat ayant causé un préjudice de cette nature peut néanmoins se voir refuser d'office l’accès à la commande publique. Le juge pénal a la faculté, en complément de la condamnation au paiement d'une amende et/ou à une peine de prison, d'exclure l'opérateur des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, à la lecture de l'article L. 173-8 du code de l'environnement (C. envir.), relève Me Nicolas Nahmias (Adden Avocats). L’opérateur serait alors interdit de postuler, en vertu du 3° de l'article L. 2141-4 du CCP, précise Me Sophie Guillon-Coudray.
Les délits environnementaux intégrés dans le code de l’environnement

Les sanctions pénales afférentes aux atteintes à l'écosystème sont prévues dans les dispositions communes relatives au contrôle et aux sanctions du code de l’environnement (C. envir., L.173-1 et s.), informe Me Emmanuelle Benoit (Adden Avocats). Elles résultent essentiellement de la réalisation de travaux ou d’une exploitation d’une installation, par une personne, sans autorisation préfectorale ou ayant entrainé un dommage résultant du non-respect des prescriptions de celle-ci, explique l’avocate. Une autorisation est obligatoire à l’égard d’activités qui présentent des dangers pour la santé, la sécurité publique, la ressource en eau ou le milieu aquatique… Cet acte administratif impose au bénéficiaire un ensemble de mesures d’ordre environnemental à suivre.
Au passage, il existe aussi des infractions spécifiques, portant sur les atteintes à la faune piscicole (C. envir., art. L. 432-2), la destruction d’une espèce protégée ou de son milieu, (C. envir., L. 415-3) ou encore la pollution de l'eau (C. envir., art. L. 216-6), souligne Me Emmanuelle Benoit. Mais, quoi qu’il en soit, le juge pénal accompagne rarement, dans les faits, la sanction d’une exclusion des marchés publics, reconnaît Me Nicolas Nahmias.
Retrouvez les articles d’achatpublic.info sur l’évaluation de la responsabilité sociétale des entreprises : Critères RSE : vers un retour en force ?
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